Paris, E.-A. Lequien, 1820- 1826.
Soixante- dix volumes in-8, demi-basane vert bouteille très foncé , dos lisse orné de faux-nerfs , de petits fers entre les faux-nerfs, du titre et de la tomaison, le tout doré (reliure de l’époque en assez bon état : dos uniformément foncés ; quelques rares épidermures sur les dos (accroc au tome L) , quelques coiffes un peu usées, parfois usure sans gravité du papier de couvrure, quelques coins émoussés. Au tome XV, un insecte curieux a niché et attaqué la marge supérieure sur un cm (faux-titre) et s’amenuisant jusqu’à disparaître (p. 25). Avec une faute du relieur : le tome XXXIX est chiffré XXXVIX…. Le tome XLV a été accidenté : le carton du plat supérieur a été plié ; quant au second, trace de choc sur la coupe latérale, avec petite perte de carton et du papier de couvrure). Série imprimée par Pierre Didot, dit l’Aîné, SAUF le tome LXX (Table, par J.-B.-J. Champagnac), par Georges-Adrien Crapelet ; elle fut publiée un an après la « Correspondance générale », l’année où Lequien « Père » transmit la librairie à son fils . OUVRAGE COLLATIONNÉ COMPLET : 35.878 pages de textes, auxquelles il faut ajouter, pour chaque volume les (3) pp. liminaires [faux-titre, imprimeur, titre], soit un total de 36.088 pages. Cet exemplaire est SRICTEMENT identique à celui de la BNF, présenté en deux parties (n° 31602387 et 31694415). L’EDITEUR : Edme-Alexandre LEQUIEN, parfois nommé Lequien « Père », naquit le 16 novembre 1779 ; libraire à Paris en 1819, breveté le 20 juin 1820. Le 30 mai 1826, il se démettra en faveur de son fils aîné, Jean-François-Alexandre LEQUIEN « Fils ») (1803-1885), lequel achètera, l’année suivante, le fonds paternel, en collaboration avec Edmond WERDET (cf. Laharie (Patrick) : Liste générale des brevetés de l’Imprimerie et de la Librairie. Centre historique des Archives Nationales, 2003). Cherchant à en savoir un peu plus, je suis miraculeusement tombé sur quelques sites offrant un titre accrocheur : « L’Allemagne restitue à la France des livres de Voltaire ». La cérémonie de restitution, en grande pompe, de ces ouvrages issus des spoliations nazies, eut lieu le 23 mai 2022 dans les locaux de l’Ambassade de France à Berlin. Il s’agissait de DIX volumes (on lit bien 10) « édités entre 1820 et 1823 par le libraire Jean-Frédéric-Alexandre Lequien, faisant partie d’un ensemble de ces « Œuvres complètes » comptant 70 volumes ». On ne rit pas. L’intérêt de cette information, c’est l’attribution de … la paternité de l’édition, au… fils de l’éditeur : les soixante-dix volumes portent tous, sur le titre, « Chez E.A. Lequien, Libraire ». La fake-bibliography est flagrante, d’autant plus que le rejeton, Jean-Frédéric-Alexandre était âgé de dix-sept ans en 1820 ! Il s'agit des sites "culturels" « style.yahoo.com », « sudouest.fr » et « livreshebdo.fr », répercutant une dépêche tombée de je ne sais quelle agence. On peut rire. Poursuivant ma quête, j’ai trouvé que sur des sites marchands, on retrouvait parfois la même attribution. On ne rit plus. LE PAPIER : beau travail de Didot, imprimé sur papier vergé, sans filigrane ou seulement quelques restes inexploitables sur les marges supérieures dûment massicotées ; la qualité du papier laisse parfois à désirer : les points d’oxydation sont assez fréquents ; piqûres et rousseurs affectent certains cahiers, quelques uns sont jaunis ou brunis ; a contrario, d’autres cahiers, imprimés sur un papier parfois plus épais, sont d’une blancheur éclatante. La cohabitation de ces différentes qualités de papier peut se rencontrer parfois dans le même volume. Les pages de garde, d’une qualité médiocre, sont généralement légèrement plissées en tête et empoussièrées. LE TEXTE : cette réédition de la mythique édition de Kehl profite « des améliorations faites aux éditions publiées depuis peu » (Prospectus de l’édition, cité par Georges BENGESCO : Voltaire. Bibliographie de ses œuvres. Klaus Reprint, 1979, IV, 2150). L’édition de « Les Originaux OU Monsieur du Cap-Vert » , ici publiée pour la première fois , a été faite sur deux manuscrits semblables, portant deux titres différents ( IX, 325); le « Comte de Boursoufle », a été réédité - à regret- par Renouard sous un nouveau titre « L’Échange, ou quand est-ce qu’on se marie ? ». Mais il doute fort que ce texte soit de Voltaire, de la même manière que « M. du Cap-Vert (…) insipide production (…) : « il n’y a pas moyen d’en accuser Voltaire ». Assertion réfutée, en note, par Lequien (IX, 409-411). Quelques petits détails non cités par Bengesco : « Zadig » (XLIII, p.2), est précédé d’une « Approbation » burlesque , « qui est probablement une plaisanterie de l’auteur, ne se trouve ni dans l’Édition de Kehl, ni dans les réimpressions ». L’ « Histoire de Jenni ou l’Athée et le Sage, par M. Sherlock, traduit par M. de La Caille » (XLIV, 261-344) ne bénéficiera « d’aucune remarque »… Quant au « Crocheteur borgne » (XLIV, 421-431 ), il ne serait pas de Voltaire, écrit par un certain M. Bordes … mais, il n’est ni de Bordes… ni de Voltaire. La table : Jean-Baptiste-Joseph CHAMPAGNAC écrivain prolifique (Paris, 1796 – Montrouge, Seine,1858), s’est inspiré de Goujon (Ed. Desoër, 1819) et Miger (Ed. Lefebvre et Deterville, 1820) : il précise que « Dans un travail de ce genre, il était bien juste (…) de tirer parti des « Lumières » de ses devanciers, sans courir le risque d’être taxé de plagiat » (LXX, avertissement, p. vi). L’ILLUSTRATION : L’édition de Lequien contient, au tome I, un portrait- frontispice de Voltaire, d’après LATOUR, copié par LEROUX, gravé par BALECHOU,au tome XXX, huit planches de « physique » non signées et, ailleurs, quelques croquis (XXXVII, 120,121, XLV , 147, LIV, 148-149). EXEMPLAIRE TRUFFÉ : CENT-UNE planches ajoutées, certaines, cousues (près de la moitié) avant la reliure, massicotées, alignées en tête, les autres postérieurement : celles-ci souvent d’un format plus ou moins inférieur à celui des pages de texte , ce qui en a fait de jolis petits nids à poussière… Ce sont : DESENNE (53 figures), CHASSELAT (19), DEVERIA (18), les autres , non signées ou tronquées en marge inférieure. ; par titre, La Pucelle (tome XI, 27), La Henriade (X, 20), par genre, le théâtre (II-VIII, 19), les romans (XLIII- XLIV,17). "PUBLICITÉ COMPARATIVE" : à ce jour (15/12/23), j’ai trouvé, sur la toile, des exemplaires, complets (en nombre de volumes) ou pas, composites ou pas. Il y a unanimité sur l’imprimeur : Didot ; Crapelet (tome LXX) n’est jamais nommé, bien que cité par Bengesco. Par ailleurs, si tous, ou presque, ont vu le frontispice, en revanche, un seul a découvert l’existence de huit planches hors texte dans le tome XXX (Physique) : un confrère batave, sur un exemplaire incomplet. Dans les commentaires ajoutés, on trouve l’inévitable citation -amputée- de Bengesco … parfois sans en indiquer l’origine. Vicaire (VII, 1137) est souvent « cité », mieux, copié sur des fiches traînant sur la toile ; un simple retour aux sources montre sa monumentale erreur (ce qui exceptionnel chez lui) : « Paris, E.A. Lequien (IMPR. CRAPELET)» [majuscules par mes soins]… PROVENANCE : incertaine ; néanmoins, une marque de propriété probable, aux alentours de 1900 : deux enveloppes, fossilisées dans le même volume, ayant servi de marque-pages, adressées, la première, à « Monsieur le Dr LÉVRIER [sic], Aire sur l’Adour Landes », à en-tête de « La République Nouvelle, journal politique et quotidien » (Bordeaux) et cachet de la poste du 11 août 03 ( déchirée en deux parties, le timbre découpé, la seconde, intacte, , adressée au même Dr LEVRIER, cachet du « Dr [Pierre-Paulin] Carles Bordeaux » qui contenait son prospectus publicitaire pour le « Kina du docteur P. Carles », plié, lui aussi utilisé comme marque-page. Petit document intéressant, cité in Labrude (Pierre-Charles) : Les boissons amères dites « hygiéniques », principalement au quinquina (…),[ p. 14/31] . [hal.science/hal.03636369]. Bienfaits de l’Internet :, en quelques « « clics », j’ai pu trouver que le docteur Jean- Henri « Frédéric » LEVRIER ( Aire-sur- l’Adour, 1854-1939), fut maire de la ville, entre 1923 et 1925. Il appartenait à la Société de Borda , il participa , durant la Grande Guerre, à la création de l’ « Hôpital complémentaire n° 39 », qui fonctionna de 1916 à 1922. ; par ailleurs, il collectionnait les pièces de monnaie (cf. un article de l’abbé Césaire Daugé, dans le Bulletin de la Société de Borda, Dax, 1922 : « Collection numismatique de Dr. Levrier [à Aire-sur-l’Adour], article répertorié par François PIC : « Essai de Bibliographie de l’œuvre publiée et inédite de Césaire Daugé (1858-1945) », sous le n°27, in Annales de Littérature Occitane, n°4, 2002, volume consacré aux Actes du colloque « Césaire Daugé » (Aire, novembre 1995). Exemplaire dans un état correct, intéressant par sa provenance, EXCEPTIONNEL par sa composition : l’ajout d’illustrations.