Très intéressantes lettres relatives à la publication des mémoires de l’explorateur, mémoires demandées par l’éditeur Stock. Il lui apprend son installation définitive dans le lagon de Bora-Bora, « sur notre propre île (4 ha) » et le questionne sur leur passé. « As-tu quelques souvenirs communs à me rappeler ? Comment nous nous sommes nous rencontrés ? Quel était le groupe dont nous faisions partie ? (Ne s’appelait-il pas "les fœtus de 1914") […] Toi qui peins les pays de soleil, celui-ci manque encore à ta panoplie. N’envisages-tu pas de venir y faire un tour… ». A une réponse favorable du peintre, il se félicite de « l’ahurissant hasard » qu’a été leur rencontre, « toi et les autres peintres de ta génération », Il subsiste un certain flou. « Ce qui est certain, c’est que la période d’avant ma première expédition et en particulier celle de mes études à Paris en 1932-1933 et l’année de préparation de ma première expédition en 33-34, sont assez floues et manquent de précisions. Et pourtant, comme tu me le rappelles, cette période a été très riche pour moi ». Il le questionne de nouveau sur d’autres détails, en particulier sur une petite fête donnée en son honneur au retour de sa première expédition du Groenland. « Les Fœtus de 1914 ont donné une petite fête pour moi chez Solange. Gruber a fait un discours brillant dans lequel il comparait le Groenland à un kugelhupf (sic, pour kougelhopf)… Il y avait aussi une fillette décharnée que nous avions hissé sans peine sur une table pour qu’elle nous chante quelque chose : sa voix était rauque et gouailleuse et crois bien me souvenir qu’elle s’appelait la môme Moineau. As-tu des souvenirs plus précis sur ces points ? La môme Moineau n’est-elle pas devenue par la suite la môme Piaf ? Tu vois que ma mémoire est assez fumeuse… ». Enfin au verso de cette très longue lettre, l’explorateur ajoute de sa main : « Pourrais-tu me suggérer noms et adresses à qui je pourrai écrire dans le même but que je t’écris ? Gruber et Humblot sont morts, je sais - mais Despierre, Tauzin, Yves-Bonnat, Chesnais ? Et chez Solange ? existe toujours ? nous pourrions y faire un pèlerinage… Des souvenirs aussi, si possible du Bal des Anglais ! Les dîners du Vieux Paris… ».