Bordeaux, Ducros, 1970, pt in-8°, 356 pp, biblio, index, broché, bon état (Collection Ducros. Série Maior)
"La linguistique, comme d'autres disciplines humaines, ne s'est véritablement établie en science autonome qu'au XIXe siècle, dans le sillage de la grammaire comparée et de la grammaire historique. Auparavant – de Panini et d'Aristote à l'Encyclopédie –, les réflexions sur le langage avaient toujours été subordonnées à des préoccupations extérieures : religieuses, esthétiques, surtout philosophiques. Toute cette période « pré-scientifique » ou « métaphysique » de la linguistique a souffert au XXe siècle d'un long discrédit. Depuis quelques années, le vent tourne : la thèse de Chomsky sur la linguistique cartésienne, celles de Michel Foucault sur la grammaire générale et de Jean-Claude Chevalier sur l'histoire de la syntaxe ont ramené l'attention des spécialistes contemporains vers les efforts de leurs prédécesseurs. Le recueil de 'Varia linguistica' a le double avantage de répondre à une curiosité récente en facilitant la consultation de textes éparpillés et difficilement accessibles. A parcourir seulement le volume, on s'aperçoit que le problème majeur pour les philosophes-linguistes du siècle, leur véritable hantise, touchait l'origine du langage humain. Ils partagèrent l'illusion que l'étude des langues « primitives » devait conduire infailliblement à la solution, sans s'aviser que ces langues sont éloignées des parlers originels par des centaines, voire des milliers de millénaires. On aurait cependant mauvaise grâce à ironiser, car, sur ce chapitre, les linguistes, comme les profanes, en sont encore réduits aux hypothèses et aux spéculations, plus ou moins plausibles. En filigrane des 'Varia linguistica' se dessinent aussi la croyance, naïve assurément (Voltaire, dans 'L'Ingénu', en fit déjà bonne et malicieuse justice), à la supériorité obligée des langues occidentales, principalement du français, et la nostalgie d'un idiome parfaitement logique dans ses constructions, méritant donc un statut universel. L'honnête homme d'aujourd'hui découvrira enfin, dans des pages trop négligées, plusieurs prémonitions saisissantes, par exemple de Schleicher et de Humboldt (p. 139), de Bergson (p. 65, xxxi), même de Saussure (p. 151-152)..." (Marc Wilmet, Dix-Huitième Siècle, 1972)