S.l.n.d., , (1725 circa). Manuscrit in-4 (18 x 24,5 cm) de (2)-290-(8) ff. à 17 lignes par page, portrait gravé de Claude Le Pelletier.NOAILLES (Louis-Antoine de). Mandement de Son Eminence monseigneur le cardinal de Noailles, archevesque de Paris, a l'occasion du miracle operé dans la paroisse de Sainte Marguerite, le 31. may, jour du Saint Sacrement. Paris, Jean-Baptiste Delespine, 1725. In-4 de 22 pp.Les deux pièces reliées en 1 vol. In-4, maroquin noir, dos orné à nerfs, roulette et large dentelle d’encadrement à petits fers sur les plats, tranches dorées (reliure de l’époque).
Éloge posthume, inédit et anonyme du contrôleur général des finances de Louis XIV, Claude Le Pelletier (1631-1711) qui emprunte en guise d’hommage son titre au recueil publié par le ministre d'État dans sa retraite, Comes senectutis (Paris, Mariette 1709). Le panégyrique est suivi de dialogues à visée théologique qui constituent la plus grande partie également anonyme et inédite du manuscrit sous le titre Entretiens sur la Vieillesse et sur la Mort dont les protagonistes sont « le Propriétaire du Jardin, l’Ecclésiastique et le Jeune homme ». L'ensemble des pièces et leurs parties sont formulés dans la table placée en tête de la manière suivante : Conduite de feu Mr. Le Peletier, depuis qu’il fut nommé Contrôleur général des Finances jusques à sa mort ; Extraits des Auteurs sacrés et profanes concernant la vieillesse ; Entretien sur la Communion & l’extrême onction ; Examen de conscience, prières devant et après la confession et la communion. Enfin, relié à la suite du manuscrit la pièce imprimée en 1725 relative au miracle de la paroisse Sainte-Marguerite : Mandement de Mr le Cardinal de Noailles à l’occasion d’une guérison miraculeuse par la présence du S. Sacrement le jour de la fête Dieu. « En dépit d'injonctions répétées du Saint-Siège, le cardinal Louis-Antoine de Noailles (1651-1729) se refusa, pendant plusieurs années, à accepter la bulle Unigenitus. Cette attitude lui valut l'hostilité de Louis XIV qui lui interdit de paraître à la Cour. Le 31 mai 1725, dans la paroisse Sainte-Marguerite, Anne La Fosse retrouve miraculeusement l’usage de ses jambes. Le curé du lieu, Jean-Baptiste Goy, appelant et réappelant, alerte rapidement son archevêque, le cardinal de Noailles. Pris dans les débats et les négociations avec Rome, celui-ci déclare que ce miracle devait « confondre les Incrédules et [donner] la consolation [aux] Fidèles ». À cette occasion, le mandement publié par Noailles est intéressant. En premier lieu, il est une mise au point sur la théologie proche du phénomène. C’est seulement après enquête et vérification des témoins que l’archevêque prononce la validité du miracle, puis il conclut : « Que pourrait donc encore opposer l’incrédulité à des témoignages si irréprochables, & à un fait si notoire & si constant ? » (Olivier Andurand).Ainsi cette dernière pièce reliée à la suite d'un manuscrit dédié à la mémoire de Claude Le Pelletier révèle l’esprit janséniste du recueil et probablement son intention de prosélytisme quand les querelles relatives à Port-Royal furent réactivées au tournant des années 1720.Claude Le Pelletier (1631-1711) a été un des grands serviteurs de Louis XIV. Au cours d’une brillante carrière politique et administrative, il a exercé les plus hautes responsabilités : prévôt des marchands de Paris (1668), conseiller d’État (1673), contrôleur général des finances à la suite de Colbert (1683-1689), ministre d’État (1683-1697), surintendant des Postes (1692-1697). Il démissionna de tous ses emplois en septembre 1697. « La retraite du contrôleur général fut consacrée à rapprocher sa vie laïque de la vie contemplative autant que le permettaient son rang et ses obligations sociales et, dans son esprit, elle devait être une longue préparation à la mort. (…) Même s’il serait abusif de le ranger parmi les zélateurs de Port-Royal, de nombreux indices montrent ses sympathies pour les jansénistes. » (Mathieu Stolle).« Les hommes en place, adhérents de « la secte » – et ils étaient nombreux – savaient généralement se garder de ruiner leur crédit par la manifestation d’opinions et de sentiments de moins en moins admis en haut lieu. Chez eux, le crypto-jansénisme paraît avoir été de règle. (…) Resté profondément attaché aux Bignon, Claude Le Pelletier devait être d’autant plus sensible à leur influence qu’ayant reçu sensiblement la même formation qu’eux, il s’en trouvait très proche par ses sentiments à l’égard de Port-Royal et par son opinion sur les divisions de l’Église. Claude, en effet, avait été élevé au contact étroit de Jérôme Ier Bignon qui l’admit, tout jeune (12 ans), dans son « cabinet » – ou cercle savant – fréquenté par l’élite intellectuelle de la société, puis l’accueillit comme un fils après la mort de son père Louis Le Pelletier. Pourtant, dans son Mémoire sur mes véritables et derniers sentiments sur les affaires de l’Église et de l’État, rédigé vers 1706-1707, le ton parfois très critique du même Claude envers les disciples de Jansen et de Saint-Cyran pourrait laisser planer le doute sur ses sympathies port-royalistes. En fait, voyons là plutôt un discours-type des crypto-jansénistes de l’époque de Louis XIV, tenu précisément au moment où se préparait la destruction de Port-Royal-des-Champs (1709-1710). Si Le Pelletier reconnaît et déplore « la cabale et l’entêtement du parti janséniste », c’est pour mieux stigmatiser l’acharnement de ses adversaires, Jésuites et Sulpiciens en tête, responsables des « persécutions trop violentes » qui s’abattent sur lui. C’est aussi pour souhaiter qu’à l’avenir, le pouvoir choisisse enfin de « battre la mesure au juste », autrement dit de se tenir à un rôle modérateur, en ne se déclarant ni pour les uns, ni pour les autres. On notera en particulier, sous sa plume, cette confidence révélatrice : « Je ne saurais voir assez d’apparence à ruiner entièrement le parti janséniste : et je ne sais même si cela serait bon pour la pureté de la doctrine et les moeurs des fidèles. » (Charles Frostin).Manuscrit inédit qui sous l'éloge d'un grand serviteur de Louis XIV sert la mémoire de Port-Royal au début du XVIIIe siècle.Provenance : Antoine Marie Henri Boulard (1754-1825), notaire, député au Corps législatif (Bibliothèque de feu Mr. A. M. H. Boulard. (1828), Tome IV, n°87 : « Cet ouvrage n’est point la traduction du Comes Senectutis de Cl. Le Peletier, mais un traité nouveau composé dans le même goût, par quelqu’un de la famille de ce magistrat »).Bourgeois André, VI, 5084, 5089 : Deux mémoires historiques de Claude Le Pelletier [Vie de M. le chancelier Le Tellier ; Mémoire de mes véritables et derniers sentimens sur les afaires de l'Église et de l'État]. Publiés avec une introduction et des notes. Thèse présentée à la Faculté des lettres de Paris, par Louis André (Paris, Alcan, 1906).ANDURAND, Olivier. Chapitre IV. « Dieu a parlé contre cette Bulle » : les miracles dans la querelle de l’Unigenitus In : La Grande Affaire : Les évêques de France face à l’Unigenitus. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017 ; FROSTIN, Charles. Les Pontchartrain, ministres de Louis XIV : Alliances et réseau d'influence sous l'Ancien Régime. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006. Chapitre II. La mise en place d’un réseau de parentèle p. 112 ; Stoll, Mathieu. Chapitre XII. L’esprit Le Peletier In : Servir le Roi Soleil : Claude Le Peletier (1631-1711), ministre de Louis XIV. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.