Weimar, H. Böhlaus Nachfolger, 1991, gr. in-8°, 304 pp, biblio, index, reliure toile éditeur, jaquette, bon état (Forschungen zur mittelalterlichen Geschichte, 33). Texte en allemand
Ce livre ne propose ni une biographie de Jeanne d'Arc, ni une analyse exhaustive de son époque, mais tente de démontrer les relations entre une mentalité collective et une conscience individuelle à l'époque de la guerre de Cent Ans, ainsi que les influences de la mentalité et religiosité collective sur un individu. Jeanne d'Arc sert d'exemple pour répondre à la question de savoir comment s'effectuent la genèse et l'évolution de l'idéologie d'un individu à la fin du moyen âge. L'auteur considère le sentiment religieux populaire de la fin du moyen âge comme un élément central de son étude. Un premier chapitre résume les tendances des recherches sur Jeanne d'Arc (théories des "bâtardisants", catholiques, positivistes) avec une objectivité sans doute facilitée par le fait que Sabine Tanz n'est pas française et se situe donc à l'extérieur du débat français. Les deuxième et troisième chapitres recensent les sources disponibles et décrivent la France de la deuxième moitié du XVe siècle, le climat mental en France et la religion populaire (importance des prophéties). Ils replacent l'étude de la personnalité de Jeanne à travers son éducation et les différentes influences exercées sur elle par sa société et son époque. Après deux chapitres sur Jeanne d'Arc et les Franciscains et le procès de Rouen, Sabine Tanz résume les résultats de son étude : malgré le caractère exceptionnel de sa personnalité, l'idéologie de Jeanne correspond aux tendances politiques et religieuses collectives de son époque. Le sentiment national, dans lequel patriotisme et loyauté vis-à-vis de la monarchie sont inextricablement liés, prend un essor considérable, et la conviction qu'a Jeanne de sa mission reflète la nécessité de l'unité nationale. Lors du siège d'Orléans, le patriotisme connaît son apogée, et comme le Dauphin est incapable d'agir, tous les espoirs se tournent dans l'attente de la venue d'une personnalité exceptionnelle. Les visions et prophéties qui annoncent cette dernière sont pour le Moyen Age l'expression normale de cet espoir. Elles marquent le climat politique et religieux dans lequel se forme l'idéologie de Jeanne d'Arc et préparent sa mission. Jeanne partage la conception ministérielle de la royauté de son époque – dans sa conscience aussi, loyauté envers le roi, patriotisme et foi en la souveraineté de Dieu forment une unité qui fait qu'elle doit faire sacrer le Dauphin. Ceci la transforme en intermédiaire de la grâce divine et donc en symbole du soutien divin pour la cause de la France. Son sentiment religieux reflète les croyances populaires (culte de la Vierge, de Jésus, des saints) dans un syncrétisme d'éléments chrétiens et païens. Et l'auteur de conclure : la mission de Jeanne est dès le début politique et religieuse. Ses voix et visions sont la double expression de la réalité qui l'entoure et de ses propres idées (elle décide d'agir et réalise ses propres aspirations selon les structures mentales du XVe siècle). Dans ses visions se cristallisent des tendances collectives, ce qui lui permet d'enthousiasmer les gens. Sans la nouvelle interprétation des vieilles prophéties qui préparent sa venue, il est impossible de comprendre et la mission de Jeanne, et sa popularité. Avec sa mission, elle fait appel à la conscience nationale naissante du peuple français et devient le symbole de sa lutte pour la liberté. L'idéologie de Jeanne unit les éléments majeurs de la mentalité de son époque. Son importance se situe dans l'influence décisive qu'elle a eue sur la prise de conscience nationale de la France, bien plus que dans le fait qu'elle a préparé des victoires militaires. (Centre Jeanne d'Arc)