MOULIN (Raymonde), Françoise Dubost, Alain Gras, Jacques Lautman et al.
Reference : 122779
(1973)
Calmann-Lévy, 1973, gr. in-8°, 311 pp, 5 plans (la Grande Borne à Grigny), qqs tableaux, biblio, index, broché, couv. à rabats, bon état (Coll. Archives des sciences sociales)
"Voici un ouvrage intéressant qui apporte une contribution précieuse à une sociologie des professions libérales dans la société contemporaine. Plus précisément, les auteurs se proposent « d'analyser la fonction et la profession des architectes, de tenter de mesurer les effets de freinage exercés par les architectes en tant que corps, d'apprécier les moyens d'évolution de la profession, et de définir le sens de cette évolution ». Pour atteindre cet objectif, ils ont choisi une méthode avant tout qualitative : études de documents écrits (presse, revues spécialisées, motions de congrès, textes émanant des syndicats, des associations, rapports officiels...), observations de type ethnographique, interviews semi-directives. L'ouvrage nous amène tout d'abord à chercher à situer la place des architectes en nous montrant comment ils ont su se distinguer des maîtres-maçons dès le Moyen-Age par une insistance répétée sur l'activité intellectuelle de leur pratique. De cette rupture entre le manuel et l'intellectuel va naître l'artiste, le démiurge que veut être l'architecte entouré d'un halo charismatique encore vivace aujourd'hui. Cette montée des architectes se verra institutionnalisée au XVIIe siècle sous le règne de Louis XIV. Le second moment décisif se situe à la fin du XIXe siècle avec la création des Ecoles, Syndicats et Associations, puis avec l'élaboration du Code Guadet, première ébauche qui conduira en 1940 à la création de l'Ordre des Architectes. Insister sur la montée sociale des architectes et l'institutionnalisation progressive de leur pratique, conduit logiquement à poser les problèmes actuels en termes de bouleversement des systèmes de valeurs, de modifications des conditions d'appartenance à « l'élite », de risque même de déclassement. La seconde approche présentée est très différente et conduit à un autre type d'analyse. Cette seconde approche porte sur une analyse des rôles, des stratégies et des conflits développés entre les architectes et leurs partenaires. Dans de nombreux cas, les architectes se trouvent en compétition avec les maîtres d'œuvre, les métreurs-vérificateurs, les ingénieurs, les entrepreneurs désireux d'industrialiser la construction, et bien souvent, ils se sentent dépossédés par ces concurrents mieux armés. Cette démarche conduit bien sûr les auteurs à tenter de caractériser le marché de la construction et à en dégager la structure de pouvoir. De ce fait, l'analyse abandonne donc les références au système de valeurs pour s'orienter vers une approche économico-politique centrée sur la division du travail, parfaitement illustrée par l'étude des relations entre l'architecte et le maître d'ouvrage, qu'il soit promoteur public ou promoteur privé..." (Christian de Montlibert, Revue française de sociologie, 1974)