S.l., ler et 11 février 1765. 2 manuscrits à lui adressés, 6 et 11 pp. in-folio.
Intendant de la Guadeloupe depuis 1763, le marquis de Peinier fut nommé, l'année suivante, intendant de la Martinique. À cette occasion, il reçut deux rapports détaillés, l'un sur les membres du Conseil supérieur de la colonie, et l'autre sur ceux de 1a Chambre d'agriculture. Ces rapports fuent rédigés par un proche de l'ancien intendant, Pierre Le Mercier de La Rivière, économiste de l'Ecole des physiocrates, qui venait d'être rappelé en France pour avoir tenté de favoriser le commerce de la Martinique avec les pays étrangers. Le premier rapport, consacré au Conseil supérieur, dresse un portrait sans complaisance des 14 membres qui le composent; ainsi, "M. Dubochet, Doyen. Il a le malheur d'être rarement de sang-froid, on s'en aperçoit davantage aux audiences de l'après-dîner... M. Mainant. Sous-doyen. C'est un homme âgé, excessivement borné, et qui n'a jamais été magistrat. Voilà les deux personnages qui sont à la tête du Conseil. Cela est affligeant". Mais la plupart sont des "honnêtes hommes" : "M. Perinelle. Conseiller. Il est très instruit, plus magistrat que ne le sont nos conseillers des Colonies. Nous en avons été fort contens M. de La Rivière et moy... M. Le Vacher Desepinais. Conseiller. I1 a beaucoup d'esprit : il est Subdélégué de l'Intendance dans la partie du Pêcheur. C'est un homme qui cherche à capter la bienveillance des gens en place... M. de Beuve Ste Catherine. Conseiller. C'est un de Mrs les Conseillers dont j'estime le plus la droiture, l'amour du bien et de la règle : excellent habitant d'ailleurs, et d'un caractère ennemi de l'intrigue...". Certains ont obtenu leur poste grâce à leurs appuis à la Cour : "M. Aubepin, assesseur (Na. Il se nomme de l'Aubepine). Il nous est arrivé avec la plus forte recommandation de feue Mme de Pompadour, voilà tout ce que j'en puis dire : nous ne l'avons pas encore vü à la besogne... M. Bourdin, greffier en chef. Il n'a d'autre mérite que la protection de Mr le Duc de Penthièvre; sa famille est attachée à cette maison. C'est un homme qui n'a pas bonne réputation : il est en France, et il a laissé la Caisse des Nègres justiciés dont il étoit chargé, dans un désordre qui ne lui fait pas honneur". Considérant les membres de ce Conseil "peu munis des grands principes de jurisprudence", l'auteur du rapport constate qu'ils sont"plus habitants que magistrats", et qu'ils ont "des (liens) d'intérêt, d'amitié et de parenté qui peuvent être, dans l'administration de la justice, la porte à de grands abus...". Le portrait des 8 membres de la Chambre d'agriculture est encore moins flatteur. Cette assemblée, qui se tient à Saint-Pierre "a cherché à se mêler beaucoup plus du gouvernement de la Colonie et de tous les objets qui ne la regardent pas, qu'elle n'a été occupée de ceux que l'ordonnance lui prescrit de traiter... Il y a eu jusqu'à présent beaucoup d'irrégularités dans sa marche. C'est M. Dubucq de Ste Preuve qui la mène comme il veut et où il veut... je le regarde comme l'ennemi personnel de M. La Rivière et le mien, comme 1'antagoniste de toutes nos opérations". "M. de Ste Preuve dans toutes les occasions décèle malgré lui un esprit républicain et d'indépendance qui depuis 50. ans a toujours été le caractère distinctif de ce qui porte son nom... IL est préoccupé du système de l'imposition sur la sortie de la denrée, il vouloit aussi imposer de même l'entrée de celles de France. Il a de bonnes raisons et les siens aussi pour être amoureux de ce système là : possesseurs de presque tous les biens-fonds de La Trinité où la tribu des Dubucq est très nombreuse, ils ont tant de facilité pour faire entrer et sortir ce qu'ils voudront...". "M. Girardin. Il a été proposé par M. de La Rivière plutôt à raison du zèle et des bonnes intentions que luy et sa famille ont toujours témoigné, qu'à raison des qualités qu'il peut avoir pour cette place... M. de Surirey. Il est moins que rien; il n'a point d'opinion à luy; hors de la Chambre, il ne pense pas comme M. de Ste Preuve, mais quand il y est, les sophismes et le faux-brillant de celuy-ci l'étourdissent... MM. Marraud & Leiritz sont d'abord les plus honnêtes gens de la colonie, la tête bien faite l'un et l'autre, bons habitans et capables... mais ils sont un peu foibles. M. Brunet, Secrétaire. C'est une créature et dans le fait âme damnée de M. de Ste Preuve. C'est lui qui l'a placé là, et pour cause, il tient les registres de toutes les délibérations de la Chambre, c'est luy qui tient la plume, et par qui toute la correspondance avec la Cour passe". L'auteur de ce rapport, qui demande son rappel, conclut : "Au reste il faut s'attendre que cette Chambre ayant la prérogative de nous juger, croit avoir celle de nous tenir en bride... Je plains M. de Peinier : il regrettera la tranquilité de la Guadeloupe. M. de Ste Preuve et la Chambre lui donneront de la peine". Bon état de conservation.