S.l., s.d. in-4, [6] ff. n. ch., dont le titre, couverts d'une écriture très fine et lisible (environ 55 lignes par page), un f. vierge, en feuilles, cousu. Feuillet de titre sali.
Très intéressante relation inédite d'un épisode maritime de la Guerre de Sept ans. "Monsieur de Lisle" est un pseudépigraphe sous lequel se cache l'enseigne de vaisseau Commandaire de Taradeau, comme d'ailleurs on peut s'en assurer par la mention portée sur le premier feuillet : "Expédition de Terre-Neuve en 1762. Rédigée par Tarado [sic]".Il importe de citer intégralement l'introduction placée au début du document, car elle indique de façon particulièrement claire le propos de l'auteur : "Je ne m'attendois pas, quand je partis de Versailles pour aller prendre possession d'une compagnie dans le Régiment de Foix, pour lors à Saint-Domingue, que je servois de masque à une opération qu'il étoit nécessaire de veiller [voiler], pour en assurer la réussite, et en m'embarquant sur La Licorne, je ne supposai à cette frégatte et à la division dont elle faisoit partie d'autre destination que celle que j'avois moi-même. Ainsi je ne fus pas médiocrement surpris lorsque je me trouvai entraîné vers le nord. Quoique cet événement contrariât absolument toutes mes vues, je ne puis être fâché d'avoir fait une campagne si intéressante et si variée, et où les succès, et les revers se sont si rapidement succédé, les uns dus aux circonstances, les autres amenés par des fautes : je vais en faire l'histoire avec impartialité, et c'est peut-être de moi seul qu'on doit l'attendre, placé entre deux corps qui se sont mutuellement accablés de reproches ; je tiens assez à l'un et à l'autre pour juger de leurs manoeuvres, et ne suis assez attaché à aucun pour épouser sa querelle, ce n'est même que plusieurs années après que j'écris tous ces détails, présents encore à ma mémoire dans les principaux événements ; qu'on ne s'étonne donc point si la pluspart des dates sont omises, il est assez indifférent de savoir quel jour un fait s'est passé pourvu qu'il soit fidellement raconté".Lancée en 1756, La Licorne, frégate de 32 canons, participa à plusieurs combats dans l’Atlantique durant la Guerre de sept ans et la Guerre d’indépendance américaine. Elle fut finalement capturée par les britanniques en 1778 ; mais, en cette année 1762, elle faisait partie d'une escadre comprenant, en sus, Le Robuste, L'Éveillé, et La Garonne, avec quelques troupes de débarquement (750 hommes, dont 161 Irlandais recrutés à Terre-Neuve), le tout sous le commandement général du chevalier Charles-Henri-Louis d'Arsac de Ternay (1723-1780) pour la marine, et sous celui de Joseph-Louis de Cléron d'Haussonville (1737-1806), pour l'infanterie. Ternay avait reçu de Choiseul l'ordre d'attaquer les forces anglaises stationnées à Terre-Neuve, dans le secteur de Saint-John, le tout dans le but de réaffirmer la présence française en Amérique du Nord et à terme d'attaquer le Canada un an après, en 1763. Ayant quitté Brest le 6 mai 1762, l’escadre arriva aux abords de l'île le 22 juin. Les troupes françaises s'emparèrent assez facilement du fort Saint-Jean (27 juin), puis de la plupart des batteries et des places anglaises, l'ennemi ayant consacré ses forces à la prise de La Havane. C'est alors qu'il détruisit systématiquement tous les établissements de pêche ennemis tout en capturant ou coulant 460 bateaux de toutes tailles. Mais en septembre de la même année, les Anglais reprirent l'avantage (Bataille de Signal Hill, le 15 septembre) et forcèrent les Français à battre en retraite. L’escadre fit alors route vers la Bretagne, poursuivie par deux navires anglais, mais, fuyant la flotte britannique, relâcha à La Corogne et c’est là que lui fut annoncée la cessation des hostilités le 3 janvier 1763. Ternay avait abandonné sur place Haussonville, qui dut capituler face aux Britanniques, mais ayant sauvé sa flotte, il ne sera pas sanctionné. Il existe d'ailleurs de cette bataille une gravure intitulée Vue perspective de la descente des Francois à l'Isle de Terre Neuve du côté de Saint Jean à l'Occident : aux ordres du Chevalier de Ternay, Capitaine de vaissaeux de sa Majesté Très Chrétienne.Mais ce qui constitue surtout l'originalité de cette relation, c'est le ton très libre et très critique avec lequel Taradeau juge les deux belligérants. Son appréciation finale est en effet fort sévère pour son camp, critiquant les troupes françaises et spécialement leurs chefs, se montrant beaucoup plus indulgent en revanche envers l’ennemi : "Nous ne fûmes que des déprédateurs et des incendiaires ; ils furent des hommes intrépides, soit par leur constance sur mer, soit par leurs actions sur terre. Leurs chefs sur l'un et l'autre élément ont mérité les plus grands éloges, tandis que les nôtres ont mis tout leur art à rejetter le blâme l’un sur l’autre. Si l'on demande lequel des deux a le plus contribué au mauvais succès, je dirai que les fautes de Mr. Desfonville sont plus graves, et plus flétrissantes et que celles de Mr. de Ternay sont aussi réelles et d'une plus grande importance ". Aucun exemplaire de ce manuscrit n'est signalé au CCF. - - VENTE PAR CORRESPONDANCE UNIQUEMENT
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