Lucien Moreau (1875-1932) militant royaliste de l'Action Française
Reference : DMI-1066
(1916)
Lucien Moreau (1875-1932) militant royaliste de l'Action Française lettre autographe signée à Léon DAUDET 1 double f., 3 p., 8 novembre 1916 Lucien Moreau a été très occupé et vient d'achever la lecture de L'Hérédo / Essai sur le drame intérieur. Il remercie Daudet pour l'envoi qui l'accompagne. Il évoque le plaisir qu'il a eue "à refaire avec vous un peu de philosophie au milieu d'un emploi du temps où la part de l'intelligence est assez réduite". Il évoque par ailleurs les qualités de l'ouvrage, le comparant tantôt à Paul Bourget, tantôt à Auguste Comte : "Vous faites un splendide carnage de superstitions nocives, vous nous apportez un monde d'observations "cliniques" dirait Bourget, j'aime mieux dire "daudetiques" en pensant à cet oeil que vous posez sur les choses et les gens, et à cette rapidité avec laquelle vous trouvez à chacun son nom... Vous êtes un étonnant évocateur, même quand vous dessinez ces mécanismes si abstraits, et, n'est-ce pas si hypothétiques. Moins simple, ce que vous proposez est autrement près des réalités que les bons vieux systèmes du XIXe — je ne mettrais que le père Comte à part, qui, lui aussi, savait faire sa place au "moral" dans le "physiologique". Bel hommage de Lucien Moreau à son ami de l'Action Française. Rappelons que Moreau fut à l'initiative de la création du premier groupe d'Étudiants d'Action française dont il devient le premier président en 1906. En parallèle, il a été titulaire de la chaire de nationalisme français au sein de l'Institut d'Action française et l’un des principaux conférenciers avec, notamment, Henri Vaugeois, Léon de Montesquiou, le R.P. de Pascal, Jacques Bainville, Pierre Lasserre, Paul Bourget, Jules Lemaître et Marius André.
Lucien Moreau (1875-1932) militant royaliste de l'Action Française
Reference : DMI-1067
(1923)
Lucien Moreau (1875-1932) militant royaliste de l'Action Française lettre autographe signée à Léon DAUDET 1 double f., 4 p., 11 octobre 1923 en-tête imprimé de l'Action Française / 14 rue de Rome Lucien Moreau évoque les curieux méfaits du secrétaire et collaborateur de l'Action Français Jacques Allard qui a manifestement appelé Daudet à son secours : "je regrette que ce pauvre Jacques Allard ait cru devoir vous appeler à son secours dans une circonstance où vous pensez bien que sont largement intervenus tous les sentiments que vous évoquez. Je lui ai demandé le minimum de ce qui était indispensable pour rétablir dans le personnel que je dirige l'ordre qu'il avait gravement troublé par une de ces impulsions dont il est trop coutumier. Il a pris au tragique ce minimum (à peine un regret... vraiment le minimum), (un regret à exprimer sans témoins à une employée qu'il avait empêché d'exécuter les ordres reçus), il y a vu une "humiliation" inacceptable. Boisfleury et moi avons tout fait pour lui représenter combien — comme vous l'avez deviné de si loin — il se grossissait les choses. Pujo (de passage pour deux jours en attendant son prochain retour) y est revenu en insistant avec toute la finesse etr la bonté dont vous le savez capable. Inutilement ! ... Plutôt que de faire la démarche toute simple qui était attendue de lui, il s'est fait, ce matin, porter malade... Mon cher Léon, j'espérais bien régler à la satisfaction de tous cet incident que crée encore ce pauvre Allard après un certain nombre d'autres à peu près aussi fâcheux. Il y a chez lui en vérité un mélange de caporalisme et de susceptibilité bien fâcheux pour lui" etc. Jacques Allard, frère de Marthe Daudet, l'épouse de Léon DAUDET, est né en 1880 et décédé d'une longue maladie en 1936. Son père était M. Léon Allard, frère de Julia Daudet, épouse d'Alphonse Daudet, et sa mère Madame Léon Allard, soeur d'Alphonse Daudet. Après des études de droit, il devient journaliste à la Presse puis à L'Intransigeant avant d'enter à l'Action Française en 1913. Il en devient le secrétaire en 1919 et jusqu'en 1923. L'annonce de sa mort dans le numéro du 13 juin 1936 et le portrait dithyrambique qui l'accompagne contraste fortement avec les propos privés de Moreau à Léon DAUDET contenus dans cette lettre ...
Lucien Moreau (1875-1932) militant royaliste de l'Action Française
Reference : DMI-1068
(1927)
Lucien Moreau (1875-1932) militant royaliste de l'Action Française lettre autographe signée à Léon DAUDET et Joseph Delest 2 f. in-4, 4 p., [1927] Très importante lettre, explosive, rédigée pendant la traque de Léon Daudet et Joseph Delest du 10 juin au 3 août 1927, d'abord dans les locaux du journal l'Action Française, puis à la Prison de la Santé et enfin sur les routes et dans les demeures où ils se cachèrent pour échapper à la police, suite à leur condamnation à cinq mois de prison pour diffamation dans le cadre de l'affaire Philippe Daudet, fils de Léon DAUDET décédé en 1923 dans des circonstances encore bien mystérieuses aujourd'hui, sur fond de machination politique, les différentes composantes au coeur de l'événement — Léon DAUDET et l'Action Française, les milieux anarchistes et le gouvernement — se renvoient mutuellement la balle et les responsabilités. Joseph Delest, compagnon d'infortune de Léon DAUDET dans cette affaire, a rendu compte de cet épisode dans un livre intitulé Pour une grande cause : en prison et en liberté avec Léon DAUDET (Paris, Éditions du Capitole, 1928). Voyons ce qu'en dit précisément Lucien Moreau à Léon DAUDET, au coeur de la tourmente, dans cette longue lettre qui décrit toute la stratégie à l'oeuvre du camp Daudet pour sa réhabilitation et la réouverture du dossier Philippe Daudet dans des conditions de vraie justice : "Chers amis, Maurras me disait hier combien le temps vous paraît long et nous imaginons sans difficulté, sinon sans peine, tout ce qui vous manque là-bas, ce qui manquerait à n'importe qui à votre place et ce qui vous manque plus qu'à personne. Cela m'a pourtant fait davantage ruminer depuis hier, et je voudrais vous dire comment je vois la situation. Elle gêne certainement beaucoup le ministère. Cachés et les autres en prison, à la veille de l'anniversaire Jaurès, cela le préoccupe aussi exagérément que vous pouvez le penser. Depuis quatre ou cinq jours, on nous dit ou fait dire de divers côtés — parfois par des échos tout bénévoles, de bonne foi, qui ne se sentent pas manoeuvrés comme ils le sont pourtant — la situation est sans issue pour Daudet, le gouvernement n'à qu'à le laisser où il est, il n'y est guère plus libre qu'à la Santé, il se lassera. Mais la vérité nous parait tout autre : c'est pour le gouvernement que la situation est sans issue, s'il ne vous gracie ; et c'est pourquoi, sans ralentir les recherches (qui pourtant font preuve de son désir extrême de vous reprendre), il essaye de vous persuader et de persuader vos amis que c'est vous qui êtes "dans une impasse", — autre preuve du même désir animal qui jusqu'ici lui ôte toute lucidité, et l'enferre de plus en plus, et fait voir de plus en plus son impuissance, ce qui en même temps vous grandit, vous, Léon, plus fort que toutes les forces déployées par la police. Supposons maintenant que vous soyez découvert et puis. Devant l'opinion, c'est un revers — mais il reste que vous aurez fait durer plus d'un mois ce qui parait à tous un paradoxe — et la preuve de force donnée est à peine diminuée. Supposons que vous vous rendiez : cela serait un vrai désastre — à moins que le gouvernement n'accepte les conditions que Pujo a imaginé de lui poser : garanties à vous données quant à la reprise de l'affaire Philippe dans des conditions normales de vraie justice. A cette condition, vous pouvez vous rendre ; sans elle, je ne sais comment nous éviterions que ne se démoralisent tous les gens amis ou tièdes que passionne pour vous le fait que vous tenez, et que vous tenez si bien : suppression immédiate de tout le bénéfice de la belle reddition de la rue de Rome, de la belle réussite de la sortie de la Santé (qui a plu partout bien davantage encore, et n'a été discutée de personne du grand public). Il n'y a pas de doute à mes yeux, vous rendre, c'est un désastre, à moins que la condition "reprise de l'affaire Philippe" ne soit acceptée du gouvernement — auquel cas ce procès moral, et les risques dont vous le payez, vous grandissent encore. Comment en effet, pour nous, oublier ces risques ? Rentrer à la Santé ... d'abord, ces gens furieux d'avoir été bernés vous accordent-ils les mêmes conditions de vie ? On ferait, bien entendu, le cas échéant, toute la musique nécessaire —et aussi pour obtenir votre libération, cette fois de la volonté du gouvernement. On éviterait seulement de recourir aux conversations officieuses, qui n'ont servi qu'à nous amuser de promesses tout à fait illusoires — la dernière, comme les autres, en dépit de tout ce qu'ont prétendu ensuite, soit les menteurs eux-mêmes, qui l'avaient faite, soit les naïfs qui se plaisent à toujours opposé au fait arrivé le "might have been", même quand ce "might" dépend de la volonté d'ennemis lâches et sournois. Par le scandale public uniquement, on s'efforcerait cette fois de tout obtenir ; il faudrait écarter résolument tous délais que demanderaient des négociateurs ... on ne réussira pas tout de suite ; ce seront certainement des jours à patienter encore dans cette Santé déjà trop connue de vous. Alors, qu'est-ce que je conclus ? Il faudrait, chers amis, tenir encore où vous êtes, le plus possible, et au moins quelques jours de plus, — pour laisser le gouvernement réagir, et quant à l'anniversaire Jaurès, et quant à l'affiche que nous allons poser sur la reprise de l'affaire Philippe. La police sur les dents, les banderilles Barthou, ne sont pas pour le gouvernement un régime bien agréable. Ce régime prolongé quelques jours encore, par l'affaire Jaurès, plus les perspectives du procès Philippe — tout cela peut arracher à la lassitude une [non déchiffré] générale qui enfin vous rendrait à nous. Mais si cette [non déchiffré] n'est obtenue ? Alors, choisir le jour le plus opportun, et vous en aller au loin : l'essentiel étant (cela n'est pas impossible) de prendre la précaution de prouver que plus d'un mois vous avez bravé toutes gendarmeries de France ; j'ai pensé à un moyen qui ne serait pas mauvais, et Pujo trouvera sans doute mieux encore. Moyennant cette précaution, vous restez aux yeux de tous (ce qui est essentiel) celui qui fait ce qu'il veut, et quand il le veut". etc. Passionnant document, intime, au coeur de l'affaire Léon DAUDET qui chahuta la vie politico-journalistique français entre 1923 et 1927.