PUF, 1983, gr. in-8°, 300 pp, broché, bon état
29 études érudites par Roger Dadoun, Nelly Wilson, Michel Cadot, Marcel Thomas, Zeev Sternhell, Victor Nguyen, Jacques Julliard, Madeleine Rebérioux, Christophe Charle, etc., autour de Bernard Lazare, Lucien Herr, Péguy, Tchekhov, Suarès, Clemenceau, Valéry, Barrès, Maurras, etc. — "Plus de quatre-vingts ans ont passé. Loin d'être renvoyée aux oubliettes de l'histoire, l'affaire demeure. Non qu'il y ait aujourd'hui beaucoup de personnes pour mettre en doute l'innocence du capitaine. Mais les problèmes débattus pendant cette tourmente agitent encore notre fin de siècle. Ainsi s'explique le succès qu'a remporté le colloque international sur les écrivains et l'affaire Dreyfus, organisé par le centre Péguy d'Orléans et son directeur, Géraldi Leroy, avec le concours de l'Université, les 29, 30 et 31 octobre. Une trentaine de communications, dues entre autres à Jacques Julliard, Angelo Prontera, Madeleine Rebérioux, Zeev Sternhell, Marcel Thomas et Nelly Wilson, apportèrent de riches éclairages, avec une passion toujours contrôlée par le désir de comprendre. On vit défiler les grands noms attendus : Maurras, Jaurès, Clemenceau, Alain, France, et d'autres moins connus : Herr, Suarès, Trarieux. La figure de Barrès ne ressortit pas sans dommage d'un examen sévère de sa pensée politique, plus moderne que celle de Maurras en ce qu'elle est fondée sur une sociobiologie capable du pire. Sans que fût oublié le rôle capital de “J'accuse”, la célébration de Zola céda le pas à celle du véritable initiateur de l'affaire : Bernard Lazare. Des informations neuves mirent en lumière les attitudes contrastées d'un Valéry, antidreyfusard rationalisant l'injustifiable, et d'un Tchekhov, dreyfusard ami des droits de l'homme. Entre les deux, Romain Rolland, au-dessus de la mêlée, fit piètre figure. On tenta de définir la notion d'intellectuel telle qu'elle se forme à l'époque, et l'on montra comment le rationalisme dreyfusard se nourrit aussi de mythes. Proust et Péguy fournirent l'occasion, à travers la Recherche et Notre jeunesse, d'observer l'entrée du dreyfusisme dans la littérature. Les échos internationaux soulevés par l'affaire furent évoqués à travers la presse allemande, autrichienne, espagnole et italienne, le partage se faisant comme en France sur l'antisémitisme, le rôle de l'armée et la morale politique. La recherche la plus originale fut celle amorcée dans le champ féministe, où le clivage s'opère entre dreyfusistes (Séverine, Marguerite Durand, Clémence Royer) et antidreyfusardes (Gyp, Marie Maugeret, Marie Duclos) sans briser pourtant la notion toute neuve de "sororité"." (Jean Bastaire, Le Monde, 13 novembre 1981)