Revue Les Temps modernes, n° 78, avril 1952, in-8, br., (18) pp. (paginé de 1749 à 1767). (GA7B)
Claude Lanzmann, l'auteur magnifique de Shoah, a longtemps vécu avec Simone de Beauvoir. Dans Le Lièvre de Patagonie (Gallimard, 2009), il raconte ses débuts à la revue Les Temps modernes : "Le premier article que je rédigeai pour la revue... me coûta sang et eau, j'y travaillai d'arrache-pied plusieurs semaines... Je l'avais intitulé La Presse de la liberté en jouant sur les mots, pensant à un titre du jeune Marx, La Liberté de la presse, publié dans La Gazette rhénane. Ce long texte était une réflexion sur la nature de la presse, inspirée par mon expérience dans le groupe Lazareff. Je disais en substance que la presse - on ne parlait pas de médias alors -, étant par essence publicité (non pas au sens de réclame, mais à celui de "rendre public"), ne pouvait être que publicité du vrai, que la vérité et la publicité étaient consubstantielles. Le contraire de la publicité n'était pas le mensonge, mais le silence, la censure. Pourquoi publier le faux ? Et c'est la raison pour laquelle la presse - c'est le pire des crimes qu'elle puisse commettre, un attentat contre sa propre essence - peut mentir impunément. Même s'il sait que tout y est mensonge, le sujet du tyran lit la presse du tyran. Parce que c'est écrit. Je terminais sur les possibilités vertigineuses de la propagande. Mon texte fut loué par Sartre et Simone de Beauvoir et publié aussitôt dans les TM en avril 1952, mais il était signé d'un autre nom que le mien : David Gruber, patronyme que j'avais forgé d'après le nom de jeune fille de ma mère, Groberman..."