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‎[Petit Bob] - ‎ ‎GYP (Gabrielle Sibylle RIQUETTI de MIRABEAU, comtesse de MARTEL de JANVILLE, dite) :‎

Reference : E361

(1895)

‎Les gens chics.‎

‎Paris, G. Charpentier et E. Fasquelle, 1895. In-18, 196 pp. [dont faux-titre et titre]-(2) ff. [blanc , imprimeur], demi-percaline violette, dos lisse à faux-nerfs et titre dorés, plats de couverture imprimée illustrée conservés (dos passé, défraîchi ; à l’intérieur, quelques rares taches). ‎


‎ L’AUTEUR : d’où vient ce pseudonyme, Gyp qui claque comme une déflagration ? La majorité penche pour la contraction de ses deux prénoms : Gabrielle et Sibylle ( dans ce cas, d’où vient le « p » ?). Est-ce « une onomatopée qui sonne anglais », ou « On notera la masculinité du pseudonyme » (Patricia FERLIN ) ; ou « une abréviation des gypsophiles » (« christian.jannone ») , petits végétaux aux fleurs blanches poussant sur des terrains gypseux et non pas les amis de gypsies ! Et d’où sort le petit « Bob », titre de son premier roman? Mieux vaut reconnaître son ignorance que d’inventer des fables : ne pas se mettre Martel en tête. Plus sûres sont ses options politiques bien tranchées, dont on n’a retenu que son féminisme très nuancé et son antisémitisme sans nuance : sa collaboration avec Drumont, antisémite génétique, anti- dreyfusard viscéral. LE LIVRE : « Les gens chics », en cinq courts récits dialogués, nous offre une peinture peu ragoûtante de cette aristocratie décadente, dans laquelle sont étroitement mêlés légitimistes pur jus, orléanistes régicides, arrivistes bonapartistes, tous plus ou moins démunis (paraître ou ne pas être), tous unis dans le même rejet des derniers arrivants, ces métèques étrangers apatrides mais fortunés, qui cherchent à tout prix, non la fortune, ils l’ont, mais la respectabilité et les honneurs (paraître ou ne pas être). Que les fils de hobereaux désargentés aillent se « refaire » grâce à des unions hétérodoxes, passe encore, mais, quand ces intrus viennent leur piquer leurs filles, quel scandale ! L’ILLUSTRATION : « Images … coloriées de (couverture), …en couleurs par (titre) le petit BOB » [autre pseudonyme de l’auteur]: couverture, 92 dessins signés [à double page, à pleine page, fausses doubles pages (deux planches signées, en vis à vis), vignettes et culs-de-lampes], quelques uns non signés. Gyp avait débuté dans la peinture ; les caricatures données ici ne sont pas à la hauteur de sa prose ; elle maniait beaucoup mieux la plume que le crayon : on ressent quelque trouble en croisant des naseaux à satiété ; opinion qui n’est pas toujours partagée, certain confrère admirant « cette « sublime couverture (…) illustrée de magnifiques dessins en polychromie » [V.S., membre (unique ?) du Syndicat des Cabillauds…. C’est mieux que le Syndicat des Requins ! L’ÉDITION : Les « gens chics » parurent dans la « Collection polychrome », dont c’est le troisième volume, après « Un siècle de modes féminines » (1794-1894) et « Emaux et Camées » de Th. Gautier (1895). L’éditeur habituel de Gyp était Calmann-Lévy,maison créée en 1836, sous le nom de Michel Lévy frères, par Michel Lévy(1821-1875) et Kalmus (francisé en Calmann) Lévy (1819-12891) ; après le décès de Michel, l’intitulé devint Calmann-Lévy, que les enfants de Kalmus perpétuèrent.. Dans quelles conditions s’opéra ce changement ? L’historien Jean-Yves MOLLIER, spécialiste du monde de l’édition, dans un article (www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats) en date du 02/07/2021, consacré au récent limogeage de « Z » par son éditeur parisien, auquel le journaliste pose la bonne question : « pourquoi il est si rare qu'un éditeur abandonne un auteur politique ? », répond de façon péremptoire : « Je ne vois qu'un cas à peu près comparable : en pleine affaire Dreyfus, la très célèbre romancière GYP - alias la comtesse de Janville - a dû changer de maison, à la demande de son éditeur, Calmann-Lévy, qui refusait de continuer à la publier en raison de sa veine violemment antisémite [note *]. Elle est allée chez Flammarion [note **]. Mais une fois l'affaire terminée, elle a pu revenir sans souci chez Calmann-Lévy ». [*] Partiellement faux : de 1894 à 1901, on ne dénombre pas moins de vingt-six titres nouveaux de Gyp, non comprises les rééditions (source BNF-Opale). Seuls furent prohibés les ouvrages au caractère antisémite prononcé : business is business. La rupture ne sera effective que vers la fin de l’Affaire : de 1902 à 1906, pas de traces de Gyp chez Calmann-Lévy. [**] Flammarion n’apparaîtra qu’en 1897 ; Gyp cohabitera avec ces deux éditeurs - et accessoirement- avec quelques autres, jusqu’à sa fin (1932). CRITIQUE (à l’époque) : La production littéraire de Gyp fut très importante : plus d’une centaine d’ouvrages à succès, à vocation … alimentaire : elle était célèbre aussi pour sa vocation féministe on la voit sur une carte postale-texte daté du 28/10/1903- photographiée en pied, encadrée de deux médaillons, portraits d « Marni » (Jeanne Barousse) et …Séverine) : elle tenait salon, ce qui coûtait fort cher ! Elle recevait essentiellement des gens de sa caste, des gens de bien (version Henri Guillemin, c'est-à-dire des gens possédant des biens). Infréquentable, mais fréquentée ! En 1932 paraitra la onzième – et dernière- édition (du 121° au 140° mille) du chef d’œuvre de la censure littéraire et cléricale qui inondait le marché depuis 1904, le célèbre « Romans à lire et romans à proscrire », de l’abbé Louis Bethléem, [note*] dans lequel Gyp, ce qui n’est pas fréquent, a droit à plusieurs pages (305-308). Sa production est classée dans la troisième partie, « Romans mondains », dans lesquels elle peint le « grand monde ». Le style est « badin, mordant (…). Ses œuvres ont « gypanisé » toute une société », bien qu’elle « se comporte comme une gourgandine littéraire ». En conséquence, « peut-on permettre la lecture de Gyp aux gens du monde ? Sans doute (…), car elle sait dire des vérités. Elle les dit drôlement. Or la vérité (…) qui fait rire n’a pas de résultats malsains ». Et le bon abbé de relever, malgré tout, l’antisémitisme de l’auteur dans deux ouvrages : « Israël », « roman antisémite », 1898 et « Un mariage chic » « note antisémite », circa 1902. Un oubli ! « Les gens chics ». Gyp est « décédée pieusement en 1932 ». Amen. [note*] C’est un devoir pour moi de citer à nouveau Monsieur Jean-Yves MOLLIER pour « La mise au pas des écrivains. L’impossible mission de l’abbé Bethléem au XX° siècle ( Paris, Fayard, 2014), ouvrage rangé immédiatement dans les « biographies à lire ». CRITIQUE (aujourd’hui): la perception n’est plus la même : voici les références de trois textes, classés par ordre de crédibilité décroissante : 1- FERLIN (Patricia) : Gyp, de l’engagement à l’acharnement (in Les représentations de l’Affaire Dreyfus dans la presse, etc. Actes du Colloque de Saint-Cyr-sur-Loire (novembre 1994). Courte et remarquable biographie. Le ton, mesuré, ne sent ni le mépris ni la haine. Madame Ferlin est l’auteur d’une thèse de Lettres: « La femme à la Belle Epoque : le cas de Gyp » (Orléans, 1988). 2- SÉNÉCAL (Didier) : « Une extravagante misogyne, trois lettres qui évoquent des volumes moisis sur les étals de bouquinistes, entre Delly, Van der Meersch et la comtesse de Ségur. ( in revue Lire, 1998, cité in-extenso dans L’Express). Le bon Didier (boutade bigourdane, un peu lourde) méprise, non seulement l’auteur, ses lecteurs, mais aussi ceux qui, « sur leurs étals vendent des volumes moisis ». Le titre de l’article est accrocheur, pas autant qu’un croc de boucher. Accrocheuses, les formules lapidaires : « ultime descendante de Mirabeau », [note*] ; « sa misogynie confinait au machisme »[ou au ma-so-chisme ?]. « La politique lui fit perdre la tête. Militante (…) contre les planqués de 14-18 [est-ce un crime ?] ». [note*] Non ! l’ « Orateur du Peuple » n’eut qu’un fils, né d’un premier mariage avec Émilie de Covet, décédé à l’âge de cinq ans. Le débat est clos. Quoique. En épluchant les notices de « geneanet », on trouve des choses curieuses, voire contradictoires : divorcé le 5 juillet 1783, Mirabeau s’est « marié en 1782 » avec Edmée Baignières, épouse de Montigny, dont il eut un fils, Lucas, né le 10 février de la même année ! baptisé « de Montigny ». Il semble bien que les deux tourtereaux étaient bigames. Lucas, élevé par Mirabeau, était certainement son fils et aurait été adopté ; dans ce cas, comment se fait-il que la descendance a gardé ce dernier nom ? Quant à Gabrielle, elle descend sans conteste de l’ancêtre Jean-Antoine de Riqueti, dit « Col d’argent » dont un des deux petits-fils, André Boniface, surnommé « Mirabeau Tonneau » en raison de sa morphologie et de l’utilisation coutumière du contenu… était son bisaïeul. 3- JANNONE (Christian) : « Ces écrivains dont la France ne veut plus. [numéro] 22 : Gyp », (christian.jannone, 2018). Ce dernier porte un jugement effarant, définitif, sans appel : « Gyp a rejoint depuis longtemps l’enfer des bibliothèques, ou le pilon, à moins que quelques bouquinistes attardés quelque part en France ou ailleurs ne proposent quelques uns de ses vieillots échantillons de prose ». La Profession appréciera ; il serait trop facile de répondre à l’insulte par l’injure ; ne voulant pas m’abaisser au niveau de ces tristes écrivaillons, je me contenterai de leur asséner la remarquable formule, que je fais totalement mienne, titre d’un dépliant relatif à un stage organisé par les Archives Départementales des Pyrénées-Atlantiques en juin 2016 : IL FAUT LIRE TOUT ET SON CONTRAIRE, que je complèterai par celle -ci, toute personnelle : LE LIBRAIRE N'EST PAS RESPONSABLE DES OPINIONS ÉMISES DANS LES OUVRAGES QU'IL PROPOSE À LA VENTE ET N'EST NULLEMENT TENU DE LES PARTAGER. EN REVANCHE, IL EST FAROUCHEMENT ET VISCÉRALEMENT OPPOSÉ Á TOUTE FORME DE CENSURE, QUELLE QU'ELLE SOIT. ET D’OÚ QU’ELLE VIENNE. Les erreurs de Jannone: ce plumitif bafouille son argumentaire : ainsi, s’étendant sur le titre le plus connu de Gyp, « Le mariage de Chiffon », « introuvable en commerce » [ sic, voir infra], « publié en 1890 » et, plus loin , « paru en 1894 »…[il faudrait savoir] , accompagné de cet aveu « le contenu du livre de Gyp (…) me demeure quant à lui inconnu ». Mais il y a mieux : « Malheureusement, je ne dispose d’aucun extrait de son œuvre afin d’étayer mon texte de citations de Madame… ». Son édifice branlant aurait bien besoin d’étais. Beau travail d’ « historien » qui commente des ouvrages qu’il n’a pas lus, même pas vus ; c’est un exemple pédagogique de « je-m’en foutisme » . Pour C.J., le cas de Gyp est définitivement jugé, post mortem : son antisémitisme viscéral et sa collaboration à la Libre Parole de Drumont (« Gyp acheva de se damner pour la postérité ») l’emportent « argumentairement » [Mot inventé, inconnu à Robert, à Larousse , au CNRTL] sur toute autre considération et réévaluation de son cas [et] obèrent toute tentative de redécouverte sereine de son oeuvre, son cas étant [génétiquement] non réhabilitable ». Fin de la discussion. Circulez, il n’y a rien … à lire. On peut voir là une stricte application de la Loi liberticide Fabius-Gayssot, avec effet rétroactif ; exhumons le cadavre et brûlons-le en place de Grève. Que c’est petit, d’autant plus que, dans les années 1890, le principal éditeur de Gyp, était, ironie de l’Histoire, la maison Calmann-Lévy dont le fonds de commerce n’était certes pas l’antisémitisme ; en pleine Affaire, ces éditeurs ne jugèrent pas –immédiatement- , eux, que Gyp était irrécupérable : Calmann-Lévy publia vingt-deux de ses titres, jusqu’en 1900 ( Charpentier-Fasquelle puis Fasquelle n’en donnèrent que quatre ; Flammarion émerge en 1897, Félix Juven n’ apparaît qu’en 1899). Après une brève interruption (1902-1906), le vent ayant tourné , leur collaboration reprendra jusque dans les années trente, comme le montre le catalogue de la BNF que tout un chacun peut consulter en quelques clics ; on cherchera, en vain, les ouvrages de Gyp, catalogués par Pia, dans l’Enfer de la BNF. Autres incohérences du personnage : après avoir tout d’abord affirmé que son « œuvre abondante [est] désormais introuvable en commerce, etc. », celle-ci, un peu plus loin devient en partie, miraculeusement, « disponible chez l’ogre Amazon » ; ceci avant son couplet assassin sur les « bouquinistes attardés » (aujourd’hui, 10/01/2022, on trouve 968 occurrences sur le site LRB). Mais ce n’est pas tout. JANNONE, dans sa chasse forcenée à l’antisémite, semblable à la quête du Graal, dénonce les rééditions d’auteurs voués aux flammes de l’Enfer : Céline, Drieu, Chardonne et, parfois, leur ré-éditeur (Gobineau, par François-Régis Bastide « de sensibilité socialiste », et Roger Vailland « communiste », préfacier des « Pléiades »). Et, pour faire bonne mesure, exécutons aussi la musique de Vincent d’Indy et de Florent Schmitt, « antisémites notoires ». JANNONE, L’APOTHEOSE : en 1932, année du décès de Gyp, apparait « Guy Mazeline, usurpateur du [prix] Goncourt ». Passons sur cette dernière vacherie aussi gratuite que hors sujet, Mazeline n’étant certainement pour rien dans les tripatouillages entre maisons d’édition : en 1932, sur les 16 prix Goncourt attribués depuis 1903, 7 pour Gallimard, 2 pour Grasset [aujourd’hui, sur 118, Gallimard 38, Grasset 14, Seuil 6], d’où la formule qui circulait dans le milieu de l’édition, il y a quelques lustres : cette année le Goncourt sera attribué à « Galligraseuil » !. Jannone grimé en chevalier blanc, défenseur de la morale éditoriale : c’est très beau. Devinette : mais qui donc était l’adversaire malheureux du lauréat ? tout simplement Louis Ferdinand Destouches, plus connu sous le pseudonyme de Céline, l’un des antisémites les plus virulents de l’avant [deuxième]- guerre mondiale. Gyp étant peintre à l’origine, j’ose… ; en matière d’antisémitisme, Gyp était à Céline, ce que Ripolin fut à Renoir : une bagatelle. Alors, diable ! Jannone défenseur de Céline, le Diable en rit encore. CONCLUSION : Certains penseront que tout ceci est de l’enc… de mouche ; je préfère la sodomie de diptère, ou mieux encore, la formule de Céline, dans sa préface des Bagatelles : « avec beaucoup de patience et beaucoup de vaseline, éléphant encugule fourmi », car c’est bien la seule phrase qui m’ait fait rire à la lecture de son pamphlet… Alors pourquoi ai-je pondu ce texte ? Premièrement, parce que, si je n’ai pas une (trop) haute idée de ma modeste personne, en revanche, j’ai une certaine conception de cette profession qui fut la mienne pendant près de trente ans : « le bouquiniste attardé » qui vend des « livres moisis » sur son « étal » : ça ne passe pas. Deuxièmement, parce que, si les « œuvres » de ces deux écrivassiers sont nulles et non avenues, en revanche, la publication de ces torchons dans des revues « grand public », « Lire » de Bernard, pivot de la Culture et dans « l’Express », magazine à grand tirage, montre à quel niveau est tombé la presse dans notre pays et le peu de cas que l’on fait du patrimoine culturel... Troisièmement, parce que ce cas d’école illustre bien les ravages causés par ce genre de littérature qui n’a rien à voir avec l’Histoire : de nos jours, n’importe qui peut impunément jânonner n’importe quoi, n’importe comment, sur n’importe quoi, ou pire, sur n’importe qui… Vivent les réseaux a-sociaux, prétendument « sociaux ». BUR (H5/18) ‎

Roland Gautier - Jurançon

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