16,5 x 21 1833 "Du prieuré de Solèmes [sic], ce 29 juillet 1833. Monsieur, Je réponds à votre lettre du 24, par laquelle vous me demandez si vous seriez reçu Benoitement à Solèmes dans le cas où fantaisie vous prît de venir visiter les nouveaux habitants de cette solitude. Nul doute, Monsieur, et d'autant plus que vos façons de faire et de dire annoncent un homme dont le commerce doit être aimable et plein de liberté : le ton du cloître est tel : loin du monde et de ses exigences, on respire librement avec Dieu et sa douce charité, mais de grâce, Monsieur, n'allez pas nous prendre pour des savants : comme d'autres, nous sommes peut-être du bois dont on les fait, mais ils sont encore à faire. Pour cela il nous faut du temps et nous sommes jeunes. Il nous faut des livres et les livres ne se donnent pas, mais se vendent ce qui n'est pas très commode pour nous qui sommes pauvres. Toutefois, nous n'en avons pas moins le coeur plus d'espérance et de joie; la semence jetée en terre est petite; qu'on laisse faire le temps, elle se multipliera en moissons quand notre père S. Benoît commença son institut il y a douze siècles, il faisait encore moins de bruit que nous. Si Dieu veut, nous serons bons à quelque chose; s'il ne voulait pas, nous devrions encore le remercier de nous avoir donné la paix de la solitude, au sein de laquelle on la trouve par la prière. Si vous venez, Monsieur, nous tacherons de vous recevoir con corde limpide e bianco et vous excuserez notre frugalité par la considération du plaisir avec lequel nous vous donnerons l'hospitalité. J'ai l'honneur d'être, Monsieur, avec tous les sentimens [sic] que vous méritez. Votre très humble et très obéissant serviteur. P. Guéranger, prieur de Solèmes". En juillet 1833, Dom Guéranger a 28 ans. Ce jeune moine bénédictin vient de refonder le 11 juillet 1833, sur la commune de Sablé (Sarthe), l'abbaye de Solesmes, ancien prieuré bénédictin acquis l'année précédente. La restauration de l'ordre de Saint-Benoît, supprimé par la Révolution, suivra en 1837. La date de juillet 1833 et son ton modeste mais résolu et plein d'espérance, donnent à cette lettre une dimension historique, lorsqu'on connait aujourd'hui le devenit et le rayonnement de l'abbaye de Solesmes, y compris auprès des "hommes de lettres". Pliure, cachet postal rouge de Dax, déchirure à l'endroit du cachet de cire absent. Très bon état.