[Franz KAFKA] - Jean-Louis BARRAULT comédien, metteur en scène et directeur de théâtre. [vers 1965]
Reference : 29C27
Très important texte relatif aux représentations au théâtre d’œuvres de Kafka, dont Barrault mettra en scène une première fois en 1947, au théâtre Marigny « Le Procès », repris plusieurs fois, puis « Le Château » en 1957, au théâtre Sarah Bernhardt et enfin « L’Amérique » en 1965, à l’Odéon. Exceptionnelle analyse des pièces de Kafka réalisée par le comédien et metteur en scène, sorte de mea culpa. « C’est grâce aux excellents traductions d’André Vialatte vers les années 1938 que nous avons connu Kafka. C’est grâce au soutien d’A. Gide que nous avons commis en 46 notre premier acte d’Hérésie à l’égard de Kafka en portant par amour et pour le faire connaître "Le Procès" sur une scène de théâtre. C’est grâce à l’exemple de Max Brod, son plus grand ami et exécuteur testamentaire, qu’en 1958 avec Pol Quentin, nous avons commis un nouvel acte d’Hérésie à l’égard de Kafka en portant en scène toujours par amour, son "Château". C’est cette fois grâce à l’encouragement d’Antoine Bourseiller et toujours sous le signe de Max Brod que nous commettions aujourd’hui, notre 3ème acte d’Hérésie en présentant l’Amérique. Pourquoi cette constance dans la faute ? C’est que Kafka est hanté et hante le théâtre. Faire le procès de la Justice n’est-ce pas pour poser un problème d’une théâtralité essentielle ? Rendre présent le corps à corps de l’individu et de la société n’est-ce pas traiter le sujet dramatique numéro un ? Delamarche et Robinson, comme les 2 aides du Château ne sont-ils pas en réalité ces 2 comédiens de la petite troupe juive que Kafka aimait fréquenter ? Karl Rossmans (un héros de l’ouvrage) dans l’Amérique ne débouche-t-il pas enfin comme machiniste sur le th.[éâtre] d’Oklahoma. Hantise du théâtre chez Kafka. Notre "mauvaise conduite" nous aura au moins permis de le servir avec ferveur et nous aura valu 3 pièces qui constituent une espèce de triptyque dont le 1er volet est cette œuvre juvénile d’un espoir obstiné, l’Amérique, le 2ème, d’une angoisse croissante où Joseph K. [le malheureux héros, arrêté pour une raison obscure et soumis aux rigueurs de la justice] désire être admis par "les autres", le 3ème enfin, plus angoissant encore, où K se débat sous l’accusation générale, humaine et métaphysique et finit par être abattu, contre toute justice, "comme un chien"… ».