Angers, Editions de l'Ouest, 1952, in-8°, 587 pp, biblio, index, broché, bon état
"Cet ouvrage paru en 1952 constitue la « première » grande étude, en langue française, sur la réception des Essais, après celle, en langue anglaise, que le professeur Alan Martin Boase a fait paraître en 1935 sous le titre : The Fortunes of Montaigne (1580-1669). L’intérêt de cet ouvrage réside surtout dans le fait qu’il prend le relais de celui d’Alan Martin Boase qui n’avait traité que de ce que l’on a coutume d’appeler la « première réception des Essais » (1580-1669), c’est-à-dire la période comprise entre la première édition parue du vivant de l’auteur et la dernière édition parue au XVIIe siècle. Or c’est précisément après 1669 que l’enthousiasme pour Montaigne commence à décliner, comme l’atteste l’histoire de l’édition des Essais, qui connaîtra à partir de cette date-là un brutal coup d’arrêt. Maturin Dreano fait alors débuter son enquête en 1677, date à laquelle Charles de Sercy fait paraître une édition allégée des Essais, pour l’achever en 1802, quand le philosophe Naigeon revient au texte intégral de Montaigne et rétablit l’orthographe originale ainsi que les notes manuscrites de l’exemplaire de Bordeaux découvert 25 ans plus tôt. Entre ces deux dates extrêmes, on peut distinguer trois périodes : 1) 1677-1724, soit un peu moins d’une cinquantaine d’années pendant lesquelles il n’a paru en langue française aucune édition intégrale des Essais, mais uniquement ce que Maturin Dréano appelle des « réductions » des Essais, c’est-à-dire des éditions dans lesquelles on a pris soin d’expurger tout ce qui est considéré comme inutile : digressions, citations et confidences personnelles ; 2) 1724-1773, soit encore une cinquantaine d’années pendant lesquelles les Essais ont de nouveau été réédités in extenso, sous l’impulsion de Pierre Coste, l’éditeur et traducteur de John Locke, qui a découvert Montaigne à travers les Pensées sur l’éducation du philosophe anglais ; 3) 1773-1802, soit une trentaine d’années pendant lesquelles on réédite les Essais en même temps que le Voyage en Italie dont la découverte n’est pas sans modifier la perception et la réception des Essais. Toutefois, quelle que soit la période étudiée, les Essais suscitent autant d’amour que d’indignation : c’est là, sans aucun doute, le phénomène le plus étonnant que révèle cette étude. En général, les controverses interprétatives ont tendance à s’éteindre sur la longue durée, un phénomène de classicisation étant à l’œuvre. Maturin Dréano montre que ce n’est pas le cas ici : admirateurs et contempteurs font jeu égal tout au long de ces quelque 130 années. (...) En conclusion, si la grandeur de Montaigne est toujours discutée à la fin du XVIIIe siècle et pas encore indiscutable, un indice laisse penser que les choses sont peut-être en train de changer, avec le nombre de dissertations qui se mettent à fleurir sur l’écrivain à la fin du siècle." (Georg-Friedrich, 2013)