« Dernière édition publiée du vivant de l’auteur, elle est très complète, très belle et justement estimée ». (Tchemerzine, II, 890). Paris, Mamert Patisson, 1600. 1 volume in-8 de (8) ff., 338 pp., (6) ff. Maroquin rouge, plats ornés d’un décor doré à la fanfare, dos à nerfs richement orné, filet or sur les coupes, roulette intérieure, tranches dorées sur marbrures. Reliure signée de Trautz-Bauzonnet vers 1860. 172 x 105 mm.
« Dernière édition publiée du vivant de l’auteur, elle est très complète, très belle et justement estimée ». (Tchemerzine, II, 890). « Une des plus belles éditions de ces poésies ». (Brunet, II, 647) présentée sur le titre comme « dernière édition, reveue et augmentée ». C’est l'édition la plus élégante, la plus estimée et la plus recherchée des œuvres de Desportes, le poète favori de Henri III, considéré comme l'égal de Ronsard, auquel on l'a souvent préféré. C'est l'édition citée par Rahir dans la « Bibliothèque de l'amateur » (399). Brunet, Lepetit, Tchemerzine s'accordent à reconnaître cette édition comme très belle et très estimée « la plus recherchée ». La poésie de Desportes, celle des Premières œuvres connut un succès considérable, attesté par plus d'une cinquantaine d'éditions entre 1573 et 1629, en France, mais aussi en Flandres, en Angleterre et en Écosse où le poète chartrain fut reconnu comme un modèle à l'instar de Pétrarque. Ce succès éditorial, soigneusement contrôlé par le poète attentif aux privilèges qui protégeaient ses œuvres, allant jusqu'à interdire, en 1587, toute publication dans des anthologies, fut amplifié par une large diffusion musicale, qui prolongea bien après 1640 la mélodie même de vers parfaitement adaptés au genre nouveau de l’air de cour. On ne saurait bien entendu attribuer ce succès comme on l'a fait au « mauvais goût » de l'époque, ni réduire la poésie de Desportes à une poésie de cour factice, imitée des Italiens. Ce serait oublier la véritable nature de l'imitation italienne, dynamique, jouant sur l'invention et la variation, et non pas servile, ce serait oublier des choix esthétiques concertés dans une tradition poétique et non pas seulement un cadre mondain. Le poète un temps favori d'Henri III ne cessa, comme Ronsard, de concevoir une poétique de l'œuvre ; il compléta ses premiers recueils, les augmenta de pièces nouvelles (le nombre de sonnets passa de 185 à 416 entre 1573 et 1600), modifia leur disposition, procéda à un lent travail de variation thématique à partir des pièces initiales et de modulation des genres ; la réorganisation des Meslanges en diverses sections contribua à l'élaboration d'un style moyen et donnait en filigrane le discours métapoétique et critique que le poète tenait sur son propre discours. L'originalité profonde de Desportes vient de sa rupture avec Ronsard. Il ruina le mythe lyrique du poète inspiré et de ses fureurs, en une poésie volontairement impersonnelle, qui renonçait à l'ambition encyclopédique désormais assumée par d'autres, au profit des seules formes interchangeables du lyrisme amoureux et spirituel. Il abandonna la « fureur » d'un haut style passionné pour revenir à l'ambition d'une « douceur » et d'une proprietas héritées de Marot et de Du Bellay et dont la revendication constituait un des éléments forts de l'apologie de la langue française durant tout le siècle. La « douceur » de Desportes, son style « doux-coulant » étaient en fait moins un caractère singulier du poète qu'ils ne faisaient de lui une véritable incarnation de la langue nationale policée. Ces qualités ne tiennent pas à l'utilisation d'un code néopétrarquiste infléchi en casuistique amoureuse à l'usage du monde, riche pourtant d'ethos et de tout un enjeu moral répondant à l'idéal de maîtrise des passions développé au sein de l'Académie du Palais ; elles tiennent à un travail systématique sur la métrique, la prosodie et la syntaxe : si le sonnet reste prédominant dans l'ensemble de l'œuvre, Desportes accorde au fur et à mesure des éditions une place accrue aux formes libres et semi-fixes, l'élégie et les stances en particulier, disciplinées par l'alexandrin et de fortes contraintes logiques, l'alexandrin lui-même, soumis à une régularité métrique accrue, aux enjambements quatre fois moins nombreux que chez Ronsard, est adouci par la subtile fluidité des rimes intérieures, favorisant les effets de répétition et de continuité. C'était une voix, sinon une voie, plus juste que celle de Ronsard et moins sévère que celle de Malherbe que célébrait Pierre de Deimier dans son Académie de I 'Art poétique françois, et que les contemporains surent entendre. L'édition se distingue en particulier par la finesse des caractères italiques et l'élégance de la présentation : marges, lettrines, fleurons, initiales ornées en tête de chaque pièce. Superbe exemplaire a marges immenses (hauteur : 172 mm) provenant des bibliothèques de Clinchamp et Léon Rattier.