[Lyon], Dans l'Antre de Trophonius, au pays des Visions, 1779. 4 vol. in-12 de 363-(1) pp. ; 338 pp. ; 316 pp. ; 417 pp., demi-veau blond à coins, dos orné à nerfs, pièces de tire en maroquin rouge et de tomaison en maroquin noir (reliure du XIXe siècle).
Édition originale rare de cet ouvrage du littérateur lyonnais Jean Marie Chassaignon (1735-1795), personnage original, auteur de plusieurs ouvrages anti-révolutionnaires rivalisant d’extravagance. Dans les Cataractes Chassaignon déploie toute sa pensée mystico-réformatrice et porte à son comble son indignation contre les encyclopédistes et la vue des horreurs qui souillèrent les commencements de la Révolution. Ouvrage « bizarre, rempli de folies et d’idées singulières, mais où l’on trouve assez de verve et d’originalité pour regretter que l’auteur n’ait pas joui de son bon sens » (Hoefer). La mise en garde de l'auteur, dans la préface laisse douter de ce réel manque de bon sens : « Si, malgré tous mes aveux et mes protestations, on s'obstine encore à me démontrer que mon ouvrage est extravagant, et que je n'aurais jamais dû le mettre au jour, esprits froids, apathiques géomètres, m'écrierai-je, en lançant un regard de colère sur mes persécuteurs acharnés, qui n'avez jamais senti remuer votre être, tressaillir, fermenter vos facultés, qui n'avez jamais éprouvé le bouleversement d'une âme impétueuse, accablée du poids de ses idées, tourmentée par une excessive énergie et par un besoin d'explosion. Ah! si vous connaissiez les pénibles convulsions d'un enthousiasme retenu, plus indulgents, vous me plaindriez et vous applaudiriez aux débordements de mon imagination ». Bel exemplaire non rogné, complet des deux frontispices gravés. Les pages 205 à 215 du tome IV, sont imprimées en rouge et noir.Brunet, Les Fous Littéraires, p. 40 ; Blavier, p. 55. Ex-libris Alfred Piet.
A Paris (Lyon), , 1792. In-8 de (2)-362 pp., demi-maroquin rouge à coins, dos à nerfs, tranches dorées (reliure du XIXe siècle).
Édition originale, très rare, publiée sous le voile de l'anonyme. Littérateur français, Chassaignon se fit remarquer par des ouvrages bizarres, produits d'un cerveau en délire. Son principal ouvrage, Cataractes de l'imagination, déluge de la scribomanie, vomissement littéraire, hémorragie encyclopédique, monstre des monstres, fut publié en 1779. Dans les Nudités, « Livre plein d'énergie sauvage. C'était dans sa pensée, une espèce d'antidote au fameux ouvrage de La Vicomterie sur les crimes des rois. il s'y élève aussi contre les persécutions dont le clergé dissident était l'objet, et contre les moteurs des troubles révolutionnaires de Lyon, et notamment Chalier » (Hoefer). Il défendait le curé de Mornand en dénonçant l'hypocrisie des vicaires épiscopaux. Il accusait nommément les vicaires Jolyclerc et Renaud d'être des clercs concubinaires. Blavier, p. 55 ; Gonon, Bibliographie historique de Lyon pendant la Révolution française, 1065.
Dans l'antre de Trophonius, au Pays des Visions, 1779 [Genève ?]. 4 volumes in-12 (17 x 10 cm) de 363-(1) ; 338 ; 316 et 417 pages. Frontispice gravé à l'eau-forte aux tomes I et II (imprimés sur papier bleu). Cartonnage plein papier à la colle bleu à l'imitation des cartonnages de l'époque. Petits coins de parchemin. Pièces de titre à l'encre sur papier aux dos. Les gardes blanches sont absentes. Bien complet de tous les faux-titres et des deux très-jolis frontispices. Très bon état de l'ensemble. Édition originale rare et unique édition de cet ouvrage complètement "fou".
Tout a été écrit ou presque sur Jean-Marie Chassaignon (1743-1795), nous renverrons donc aux principales notices biographiques de référence, notamment à celle de Benoît Melançon publiée en mai 1998 (Tangence, Littérateurs atypiques et penseurs irréguliers, n°57 - publié sur Erudit.org). "Mystique et instable" pour les uns, ce lyonnais de 44 ans donnait dans ces 4 volumes un ensemble de textes imbriqués et très compliqué à démêler. Benoît Melançon, de l'Université de Montréal, croit déceler chez Chassaignon un homme très érudit, nourri de ses très nombreuses lectures, cherchant à exposer aux lecteurs, selon son plan impénétrable, ses critiques, ses visions, ses sensations, toutes faites de l'ingestion et de la déjection de ses propres sensations. Cet ouvrage bizarre, produit par un cerveau en délire, comme l'écrivait Hoefer au XIXe siècle (Biographie Générale), porte en lui les germes du monde nouveau. Celui d'après les Lumières. Chez Chassaignon les Lumières étaient allumées au rouge sang, parfois noires comme la mort, clignotantes ou persistantes, mais jamais éteintes. En lire quelques passages permet de s'en convaincre rapidement. Alors, Chassaignon malade mental ? A classer parmi les fous littéraires (ce qui a été fait) ; Chassaigné illuminé ? prophète ? lucide ? extra-lucide ? conscient de son état ? Ce qui est certain c'est qu'il laisse ici un "Monstre" d'où sortent les "Entrailles du Monstre", laissant finalement pointer un "Arrière-Monstre" non moins effrayant que tout le reste. Quérard insiste quant à lui sur la profonde érudition déployée par l'auteur tout au long des volumes, cependant mêlée d'incohérence. " [...] Dieu vivant, qui lis dans le fond de mon âme ... qui connaît le but de mon ouvrage ... dont le souffle brûlant pénètre jusqu'à la moelle de mes os ... dont le sans ineffable rougit mes entrailles et m'inonde tout entier ... Être souverain, que j'invoque au lever de l'aurore, que j'invoque au coucher du soleil... j'en appelle à toi [...]" (extrait du IIIe volume). Chassaignon pouvait-il être tout à fait lucide et conscient du plan de son ouvrage ? « Si, malgré tous mes aveux et mes protestations, écrit-il dans sa préface, on s'obstine encore à me démontrer que mon ouvrage est extravagant, et que je n'aurais jamais dû le mettre au jour, esprits froids, apathiques géomètres, m'écrierai-je, en lançant un regard de colère sur mes persécuteurs acharnés, qui n'avez jamais senti remuer votre être, tressaillir, fermenter vos facultés, qui n'avez jamais éprouvé le bouleversement d'une âme impétueuse, accablée du poids de ses idées, tourmentée par une excessive énergie et par un besoin d'explosion. Ah! si vous connaissiez les pénibles convulsions d'un enthousiasme retenu, plus indulgents, vous me plaindriez et vous applaudiriez aux débordements de mon imagination. » « J'écris non pour les cerveaux froids, mais pour les têtes ardentes », écrit-il encore. Voici là un livre propre a "épouvanter le public" ! (volume I). Le seconde figue est légendée "Tremble, Impie, il est un Enfer :" (visions mortuaires et infernales assaillant l'auteur). Le premier frontispice, tout aussi curieux, montre l'auteur assaillit par les Muses "Muses retirez vous, je cède à mon génie." Curiosité dans la curiosité si l'on peut dire, les pages 205 à 215 du tome IV sont imprimées en rouge et noir. Pourquoi ? Aucune idée ... (mais c'est original). Références : Mélançon, B. (1998). Les Cataractes de Chassaignon. Tangence, (57), 72-86 ; Caillet I, 2.255 ; Blavier, Les Fous littéraires, 79-80 ; Mathieu Brunet, L’appel du monstrueux. Pensées et poétiques du désordre en France au XVIIIe siècle, Louvain : Peeters, coll. « La république des lettres », 2008, 283 p. Provenance : les tomes III et IV portent au verso du titre l'étiquette du Cabinet littéraire de M. Royol, rue et porte St Jacques, 159, à Paris. Bel exemplaire.
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