S.l.n.d. [Les Busclats, 1975]. 24 + 5 f. (245 x 170 mm), sur Roma Fabriano, dans un carnet relié de demi-veau bleu.
Faire du chemin avec est... un texte que Char publie en 1976, et qu'il intégrera trois ans plus tard dans Fenêtres dormantes et portes sur le toit (Gallimard, 1979). Une oeuvre, crépusculaire et puissante, qui porte sur la folie des hommes et la beauté des choses. Le texte a été composé dès 1972, comme l'indiquent les deux manuscrits préalablement connus, donnés à Anne Reinbold, sa compagne d'alors, reliés par Georges Leroux, sur commande de Char. Ils sont aujourd'hui dans deux collections privées - l'un étant en vente publique en 2014 (Artcurial, 16 avril 2014, n° 334), avant que nous le présentions à l'exposition Supplément d'âme consacré à René Char, en 2015, à Lourmarin. René Char se fit néanmoins établir un troisième manuscrit, celui-là définitif et mis au propre, pour sa gouverne, que nous présentons aujourd'hui - et jusqu'ici inédit : Char l'a soigneusement composé et rédigé, d'une large plume à l'encre de chine noire, sur un papier d'exception : le Fabriano Roma - Michelangelo, un papier vergé 100% coton que le poète réservait à ses plus précieux manuscrits. Daté de 1975, il reprend l'intégralité du texte qui sera publié l'année suivante, dans un libelle - au sens premier de « petit livre » -, « tout en feuilles, sans couverture, comme un discours de Saint-Just à la Convention », en dira-t-il. Car le texte dénonce aussi, tel un pamphlet, les « utopies sanglantes du XXe siècle » : ces fragments disent « le sentiment d'impuissance et la nostalgie d'un temps où l'action politique était encore possible. Temps du maquis bien sûr, temps des Matinaux, temps des ‘dieux hagards' que sont Baudelaire, Melville et Van Gogh » (in Dictionnaire Char, p. 235). À la suite de ce texte, René Char en ajoute un second - qui sera lui aussi intégré à Fenêtres dormantes - : Couloir aérien. C'est le souvenir d'une promenade avec son ami Georges Duthuit, en 1948, dans le parc des Névons, près de L'Isle-sur-Sorgue. Un texte, là aussi capital, en parfait contrepoint du premier. « La nature et nous souffrons des mêmes maux, creusons les mêmes désaveux, répugnons au chaos. La nature et nous recelons la substance d'une même allégresse. Cependant que le rêve se glisse hors du rêve et s'empresse à distance dans ce monde brûlé, nous épargnons nos richesses pour un prochain désastre. Ah ! si bien se comprendre et si peu s'entraider. (...) Si le monde est ce vide, eh bien ! je suis ce plein. Une rose sans personne. Une rose pour verdir. (...) Quelques débris de neige serrent le coeur sans le glacer. Le temps reste à la neige. » Comme souvent chez Char, la lecture nous conduit comme en proximité et en voisinage du poète, sans prétendre pouvoir tout expliquer, tout mesures. Mais toujours ressentir. Le choix délibéré de réunir ces deux oeuvres à la suite - Faire du chemin avec... et Couloir aérien - et de les composer, pour soi, si soigneusement, montre bien toute l'importance que Char donnait à ses deux textes. Le titre du premier sera repris pour la première exposition majeure consacrée au poète, en 1990, à la Grande chapelle du Palais des papes d'Avignon : « René Char. Faire du chemin avec ». Il donnera également son titre au catalogue et au film de Richard Copans, réalisé en 1992, consacré à René Char et ses « alliées substantiels », ses amis les peintres. À cette date, Char a collaboré avec les plus grands : Braque, Picasso, Miro, Giacometti, Nicolas de Staël, jusqu'à Zao-Wou-Ki. Avant lui, un dernier artiste sera de son cheminement : Alexandre Galperine. Né en 1937 dans la colonie russe de Boulogne-Billancourt, il fréquente l'École des Beaux-Arts et les Ateliers de la Ville de Paris puis intègre l'atelier d'Henri Goetz (successeur d'André Lhote). Il s'installe en Provence où il fréquente René Char, de 1974 à 1988. De cette amitié naît une oeuvre graphique exclusive et multiple, en proximité des deux hommes. Galperine composera pour Char plusieurs manuscrits enluminés, et enrichira ses dernières oeuvres de petites images aussi poétiques que délicates. C'est à lui que René offrira in fine ce manuscrit, quelques mois avant sa mort, en 1988, en témoignage de leur amitié. Le manuscrit de Faire du chemin avec... pourra alors rejoindre les deux exemplaires que, douze ans auparavant, René Char lui avait offert, au moment de l'édition publiée : - le tirage de tête : seulement 50 exemplaires imprimés. Char offre ici l'exemplaire n° 49 à Alexandre Galperine ; - l'édition courante, qu'il dédicace à son ami avec cet envoi : « Pour Alexandre, sur toutes les routes de son souffle. R.C. » Une photographie originale des deux hommes, ensemble dans le jardin de la maison de Char, « Les Busclats », à L'Isle-sur-Sorgue, est ajoutée, ainsi qu'un dessin original de Galperine, en page de titre ; une délicieuse composition à la gouache d'un paysage, formant une allée bordée d'un grand arbre avec deux personnages cheminant, signé et daté ‘AG 76' par l'artiste. Ces plaquettes sont imprimées par la fameuse « imprimerie Union » de Louis Barnier. René Char en sera un familier pendant près d'un demi-siècle, depuis Le Marteau sans maître paru aux Éditions Surréalistes en 1934, jusqu'à la fin des années 1970. On y recense entre autres La bibliothèque est en feu (1956), Lettera Amorosa (1963), L'Effroi la Joie (Au vent d'Arles, 1969), Se rencontrer paysage et Contre une maison sèche (1975 et 1976) et enfin, toujours en 1976, ce Faire du chemin avec. Le manuscrit de René Char est composé sur le papier « Roma » vergé des papeteries Fabriano, l'un des papiers d'excellence du fabricant italien, au filigrane qui reproduit, en bas à gauche, l'inscription C.M. Fabriano, enfermant l'image d'un loup allaitant deux jumeaux dans un ovale et l'inscription ROMA. Ce magnifique papier est fabriqué dans les plus belles traditions du moulin Fabriano, datant du début de la fabrication de papier européen au XVe siècle. Ce papier fait main est particulièrement adapté pour les éditions de luxe et prisé des artistes pour les pastels, le fusain et le dessin. Il est neutre en termes de pH, ce qui garantit son inaltérabilité dans le temps et est exempt de chlore.
Imprimerie Nouvelle, Forcalquier s.d. (12 janvier 1946), 30,9x42,2cm, une feuille.
«On assiste depuis quelques mois à une chasse passive en règle des patriotes, trop bien notés, il semble, au temps où risquer sa vie et celle des siens n'était pas un article de devanture. L'odieux de cette façon d'agir est qu'elle rappelle étrangement les hitlériens. Déshonorer, ensuite on attend et on voit. Quelle que soit l'estime dont un être est entouré, une visite policière laisse toujours un relent d'équivoque,pense-t-on. Plus que jamais vigilance, solidarité.» (7 décembre 1945 (texte adressé par René Char à Francis Ponge) Édition originale de cette affiche mythique de « l'Affaire de Céreste » imprimée par René Char à quelques exemplaires et placardée dans le petit village de Céreste, cur de son réseau de résistance. D'une insigne rareté, cette affiche est absente de toutes les institutions et des salles de ventes. La BNF, elle-même, ne dispose que d'une reproduction offerte par Pierre-André Benoit. Ce célèbre placard marque la fin de la relation amoureuse et combattante entre René Char et le village de Céreste qui fut pourtant le Q.-G. du capitaine Alexandre, et le berceau d'une de ses plus émouvantes aventures amoureuses avec « la Renarde ». C'est en effet dans ce village isolé de Haute-Provence que René Char s'installe pour organiser son réseau de Résistance, la S.A.P. (Section Atterrissage Parachutage), chargée de récupérer les livraisons d'armes parachutées dans les Basses-Alpes et de les redistribuer aux maquisards. Fidèle hôte de Céreste depuis 1936, René Char put fédérer rapidement les villageois jusqu'aux gendarmes qui le protégeront et l'aideront à constituer son réseau. Avertis, les Allemands envoient une compagnie de S.S. à Céreste pour le débusquer, perquisitionnant toutes les maisons et interrogeant violemment les villageois qui tous connaissaient Char et son amante chez qui il logeait. La réaction héroïque des villageois marquera durablement René Char qui composa en leur honneur un des plus longs et beaux feuillets d'Hypnos : « Le village était assiégé, bâillonné, hypnotisé, mis dans l'impossibilité de bouger. Deux compagnies de SS et un détachement de miliciens le tenaient sous la gueule de leurs mitrailleuses et de leurs mortiers. Alors commença l'épreuve. Les habitants furent jetés hors des maisons et sommés de se rassembler sur la place centrale. [...] Marcelle était venue à mon volet me chuchoter l'alerte. [...] Des coups me parvenaient, ponctués d'injures. Les SS avaient surpris un jeune maçon qui revenait de relever des collets. Sa frayeur le désigna à leurs tortures. Une voix se penchait hurlante sur le corps tuméfié : « Où est-il ? Conduis-nous », suivie de silence. Et coups de pied et coups de crosse de pleuvoir. [...] Alors apparut jaillissant de chaque rue la marée des femmes, des enfants, des vieillards, se rendant au lieu de rassemblement, suivant un plan concerté. Ils se hâtaient sans hâte, ruisselant littéralement sur les SS, les paralysant « en toute bonne foi ». [...] Furieuse, la patrouille se fraya un chemin à travers la foule et porta ses pas plus loin. Avec une prudence infinie, maintenant des yeux anxieux et bons regardaient dans ma direction, passaient comme un jet de lampe sur ma fenêtre. Je me découvris à moitié et un sourire se détacha de ma pâleur. Je tenais à ces êtres par mille fils confiants dont pas un ne devait se rompre. J'ai aimé farouchement mes semblables cette journée-là, bien au-delà du sacrifice. » Une relation fusionnelle unit le poète à son village d'adoption et, dans le contexte de haine et de violence nazie, Céreste représente pour René Char le symbole vivant des valeurs humanistes à défendre et la nécessité de son combat. Cette passion trouvait son incarnation en son amante cérestoise : Marcelle Sidoine devient pour lui l'image même de Céreste, de ce nouveau pays dans lequel il creuse sa mine et entend enfouir les galeries d'où partira la reconquête. Elle est « l'âme de la montagne aux flancs profonds » écrit-il. Tout est dit. Elle sera l'amante, l'hôte, l'intendante, la messagère, l'agente de liaison. Une femme courage. » (René Char, Laurent Greilsamer) Marcelle sera aussi sa faiblesse, et la voie par laquelle, à la Libération, ses ennemis de l'intérieur régleront leur compte avec le trop célèbre capitaine. Puisqu'il est impossible de salir la réputation héroïque de Char, un traître de son réseau, Georges Dubois, dénoncé par Char et devenu journaliste d'un organe communiste, trouvera en Marcelle une cible parfaite pour accomplir sa vengeance. Accusée d'avoir détourné du linge à destination du maquis, Marcelle est salie par des rumeurs parfaitement orchestrées et voit sa maison perquisitionnée par la police. Le bien prétendument détourné s'avéra être au contraire une cargaison de chemises de nuit en laine, offertes par deux résistants marseillais, détricotées et transformées en pull pour les maquisards de la S.A.P. par Marcelle et sa fille Mireille. Bien que sa « Renarde » ait été entièrement blanchie par la justice, Char demeure profondément blessé par le succès qu'obtinrent les propos diffamatoires auprès des villageois. Son affiche est à la fois une ultime déclaration d'amour pour son « village glorieux » « qu['il] aime et que ces mauvais n'aiment pas » et une lettre de rupture avec un Céreste « déshonoré [...] par les grenouilles [...] ignobles ». Rompant avec les communistes, le résistant désabusé quittera également définitivement son village tant aimé, jusqu'à en éradiquer les traces dans la construction de ses Oeuvres complètes en 1983. Malgré l'insistance de Char, Marcelle et sa fille, que le poète voulait adopter, ne le suivront pourtant pas dans la vallée. Elles demeureront fidèles à leur village natal, tour à tour glorieux et ignoble, et finalement simplement humain. Impossible accord entre idéal et réalité, comme Char lui-même le pressentait déjà en 1945 : « N'était-ce pas le hasard qui m'avait choisi pour prince ce jour-là plutôt que le cur mûri pour moi de ce village. » - Photos sur www.Edition-originale.com -
L'Isle-sur-la-Sorgue 2 novembre 1947, 21x26,9cm, 1 page sur une feuille.
Lettre autographe signée de René Char de 11 lignes écrites à l'encre noire. Pliures inhérentes à l'envoi postal. René Char écrit cette lettre à René Wintzen, ancien rédacteur en chef de Documents,revue des questions allemandes. René Wintzen commence alors à faire paraître une revue littéraire, Vent debout, dont il a envoyé à Char un exemplaire. Le poète l'encourage et lui dit de persévérer tout en « discriminant le bon grain de l'ivraie ». René Char s'excuse de ne pas avoir de texte achevé à lui fournir : « je le regrette. J'écris peu et ne suis qu'accessoirement poète ! ». Cette mise en avant d'une écriture rare correspond à l'idée que René Char se fait de la poésie et qu'il oppose au travail prôné par Valéry. René Char écrit peu et se soumet aux exigences de la poésie : « Je ne triche jamais. Il m'est arrivé d'attendre six mois un mot ou une formule [...]. C'est l'exigence de la poésie. Une exigence absolue. Aucun mot n'est gratuit. » (entretien entre René Char et Édith Mora, Nouvelles littéraires, 1965). L'auteur montre également une distanciation vis-à-vis de la poésie en cette fin de décennie. En effet, Char expérimente alors des genres nouveaux : il s'essaie au ballet avec La Conjuration en avril 1947, mais aussi au théâtre avec Le Soleil des eaux, à la musique en compagnie de Boulez, et enfin au cinéma. Il ne quitte toutefois jamais la poésie et publie la même année Le Poème pulvérisé. La modestie de Char quant à son statut de poète exprime bien l'assujettissement de l'artiste à l'exigence de la poésie. - Photos sur www.Edition-originale.com -
Édition originale. Quatre aquatintes d'Alberto Giacometti. Tirage unique à 188 exemplaires sur vélin de Rives - celui-ci un des hors commerce, signé par René Char.Bel exemplaire, bien complet du feuillet volant imprimé mentionnant qu' "Alberto Giacometti est mort le 11 janvier 1966. Retour amont, achevé d'imprimer au moment de sa maladie, n'a pu être signé par lui". Jointe une photographie signée par René Char.Le dernier livre illustré par Giacometti. Paris, Guy Lévis-Mano, [décembre] 1965. 1 vol. (190 x 250 mm) de 58 p., 1 et [3] f. En feuilles, sous couverture à rabats, emboîtage toile grise éditeur, titré au dos. Édition originale. Quatre aquatintes d'Alberto Giacometti. Tirage unique à 188 exemplaires sur vélin de Rives — celui-ci un des hors commerce, signé par René Char. Bel exemplaire, bien complet du feuillet volant imprimé mentionnant qu' "Alberto Giacometti est mort le 11 janvier 1966. Retour amont, achevé d'imprimer au moment de sa maladie, n'a pu être signé par lui".
Retour amont contient quelques uns des beaux poèmes de Char de ces années soixante, dont beaucoup paraîtront - avant ou après cette édition - dans les tirages confidentiels publiés par PAB : Chérir Thouzon, Aux portes d'Aerea, Le Gaucher, Dansons aux baronnies, Lied de figuier, Faim rouge,... Tous rédigés aux Busclats, ils ont pour cadre les paysages et monts du Vaucluse. Les gravures de Giacometti, tirées par Crommelinck en négatif, furent les dernières que l'artiste composa. Familiers de la lithographie et de l'eau-forte - les premieres estampes realisees avec cette technique datent de 1946, dans le cadre des recherches pour l'illustration d'Histoire de rats de Georges Bataille -, Giacometti découvrit l'aquatinte plus tardivement et ce procédé est particulièrement adapté au souhait de René Char, « qui les trouvait ‘exactement dans l'esprit' des textes, [et qui] veilla à ce que les frères Crommelynck obtiennent au tirage un fond nettement et uniment noir et non pas d'un ‘gris délavé', comme il apparaissait aux premières épreuves [...] » (Antoine Coron, René Char, BnF,n p. 170). Ces « gravures en négatif - parmi les plus belles qu'il ait réalisées » furent en effet « ‘ses derniers mots avant qu'il ne parte conclure son destin dans son village des Grisons', selon l'expression de Char à Marcelle Mathieu ». Peu avant ce départ pour l'hôpital de Coire d'où il ne devait pas revenir, Giacommeti prévenait Char qu'il lui expédie "les quatre gravures (...) Ces quatre images se sont fixées dans ma tête, dessinées en blanc sur le fond sombre (c'est le fond qui est mordu à l'acide et pas les traits). Je ne sais pas si le résultat est bon, je n'ai en ce cas aucun jugement objectif, mais je ne peux pas ne pas te les envoyer. Si elles ne te vont pas, je vais faire autre chose, mais j'aimerais mieux avoir des gravures qui ont pour moi un rapport avec les poèmes que des gravures simplement parallèles comme on en fait généralement. Celles-ci seraient ordonnées dans une certaine suite. Devant le titre (frontispice) la montagne (la gravure avec le moins de traits que j'ai fait de ma vie), ensuite dans le livre : I - les hommes à cheval au galop (ils vont quelque part pour quelque massacre). II - l'homme dans les rochers. III - à la fin, l'homme sur le précipice qui regarde dans le vide avec le grand vide du paysage. J'ajoute une variante de l'homme dans les rochers, noire sur gris que je préfère en tant que gravure mais qui va moins bien devant un poème que le blanc sur noir" (Lettre à René Char, 26 septembre 1965). Giacometti est déjà gravement malade, mais a toujours négligé de se soigner. Les épreuves achevées, Il décide néanmoins de quitter Paris le 5 décembre, pour l'hôpital Cantonal de Coire (Canton des Grisons, dans les Alpes suisse). Une bronchite chronique transformée en pneumonie auront raison de son coeur : il décède un mois plus tard, avant d'être enterré le 15 janvier au cimetière de Borgonovo, son village natale de la vallée de Bregaglia, à une petite centaine de kilomètres de Coire, près de Saint-Moritz. Il ne pourra pas signer l'ouvrage, ni aucune épreuve des gravures. René Char, pour l'honorer, rédigera un "Célébrer Giacometti", qui sera intégré à l'édition définitive de Retour amont qui paraîtra, avec les textes seuls, l'année suivante aux Éditions Gallimard. A cette occasion, quelques poèmes auront subi des modifications, mais la structure du recueil resté identique, hormis l'ajout de ce "Célébrer Giacommetti" ; cet hommage sera repris comme texte principal du catalogue de l'exposition Giacometti à la Galerie Engelberts, à Genève, en 1967. Bel exemplaire, bien complet du feuillet volant imprimé mentionnant qu'"Alberto Giacometti est mort le 11 janvier 1966. Retour amont, achevé d'imprimer au moment de sa maladie, n'a pu être signé par lui".
L'Isle-sur-la-Sorgue 19 mai 1953, 21x13,5cm, 2 pages sur une feuille.
Lettre autographe signée de René Char à René Wintzen de 9 lignes à l'encre noire. Pliure inhérente à l'envoi postal. Le correspondant de René Char est l'ancien rédacteur en chef de Documents,revue des questions allemandes, René Wintzen, et René Char lui confie « je lis régulièrement votre revue Documents ». René Wintzen publie depuis la fin de la guerre une revue, Vent debout. Il organise également des rencontres entres auteurs. René Char le remercie pour sa lettre et lui assure que ses sentiments pour lui sont restés sympathiques. Le poète lui fait part de sa défiance envers les journalistes : « On ne se montre hélas jamais assez méfiant à l'égard de la légèreté des journalistes, ces spécialistes parisiens des fausses situations ». Cette suspicion vis-à-vis des journalistes remonte à la fin de la guerre. René Char est alors célébré sous le nom de Capitaine Alexandre pour sa participation active à la Résistance. Au même moment, le journal communiste Rouge Midi, commence une campagne de calomnie en accusant le poète de libertinage et de détournement de marchandises. Ces accusations touchent René Char et sa colère augmente démesurément quand un des journalistes du Rouge Midi, Georges Dubois, est suspecté d'avoir commandité le meurtre de son compagnon de guerre Gabriel Besson. - Photos sur www.Edition-originale.com -
Précieux manuscrit, complet et unique, d'un des plus beaux recueils poétiques de René Char, offert à Anne Reinbold. Reliure souple en veau estampé de Louis Bescond. Les Busclats, 8 octobre 1968. 1 vol. (170 x 215 mm) 2 f., 38 p. et 3 f. Reliure souple à la Vernier en veau naturel teinté violet estampé d'une eau-forte originale composée à partir des pages manuscrites de l'auteur, tranches dorées sur témoins à l'or blanc par Jean-Luc Bongrain, gardes de chèvre velours violet, chemise et étui entièrement bordé assortis, titre à la chinoise sur la chemise au film crème, par Claude Ribal (reliure signée de Louise Bescond, 2022). Précieux manuscrit offert à Anne Reinbold, et daté « Les Busclats 8 octobre 1968 – Pour Anne, Anne ma présente. René Char ». Les poèmes occupent 18 feuillets manuscrits numérotés 1 à 14 comportant un faux-titre, un titre, « Dans la nuit… », les poèmes « Crible », « Outrage », « Encart », « Les apparitions dédaignées », « Même si… », « Le Baiser », le texte « En cette fin des Temps… » et un feuillet de date et d’envoi. À la suite, a été relié le jeu d’épreuves définitif et le bon à tirer, signé et daté par l’auteur « Épreuves. Bon à tirer. R.C. Nov. 69 », soit 20 feuillets imprimés. René Char y a apporté des corrections d’ordre typographique et deux variantes aux poèmes « Les Apparitions » et « Même si… ». Enfin les deux vers de la dernière page des épreuves : « Maintenant que nous sommes délivrés de l’espérance et que la veillée fraîchit » ont été biffés.
Ce manuscrit autographe est le seul connu du texte : il existe du Chien de coeur un ensemble « de travail » (Artcurial, mars 2014, n° 333), en partie d'une autre main ou sur feuillets dactylographiés - Char étant encore alité au début de l'été lorsqu'il entreprend l'écriture des premiers poèmes, tous composés entre juin et août à l'exception d'« Outrages », composés par bribes entre 1944 et 1967. Notre manuscrit est à l'évidence la version mise au propre de ce jeu de travail, composite et rédigé dans l'intention de constituer les épreuves à venir. Il présente d'importantes variantes par rapport à l'édition qui sera imprimée chez Guy Levis-Mano en janvier 1969. Six mois plus tôt, en mai 1968, à l'écart des événements qui secouent la France, René Char fait une crise cardiaque, première d'une longue série d'accidents cardiovasculaires. Il évoque cette « expérience » dans le texte liminaire qui ouvre le recueil : « Dans la nuit du 3 au 4 mai 1968, la foudre que j'avais si souvent regardée avec envie dans le ciel éclata dans ma tête, m'offrant sur un fond de ténèbres propres à moi le visage aérien de l'éclair emprunté à l'orage le plus matériel qui fut. Je crus que la mort venait, mais une mort où, comblé par une compréhension sans exemple, j'aurais encore un pas à faire avant de m'endormir, d'être rendu éparpillé à l'univers pour toujours. Le chien de coeur n'avait pas geint. » Le recueil donne ensuite à lire six poèmes, tous composés pendant l'été, aux Busclats, juste avant l'arrivée de Martin Heidegger qui sera accueilli par René Char fin août. René Char et Anne Reinbold habitaient ensemble dans la propriété de 1965 à 1985. L'exemplaire contient en fin, dans les épreuves, quelques corrections, principalement d'ordre typographiques, et de légères variantes au texte ; un paragraphe prévu pour clore le recueil est également biffé, et qui n'apparaîtra pas dans le volume imprimé : « Maintenant que nous sommes délivrés de l'espérance et que la veillée fraîchit » : ces vers sont d'importance, puisque Char les conservera pour les intégrer dans son dernier recueil, Les Voisinages de Van Gogh (1985), enrichi d'un vers supplémentaire : « Maintenant que nous sommes délivrés de l'espérance et que la veillée fraîchit, nul champ sanglant derrière nous, tel celui que laisserait un chirurgien peu scrupuleux, au final de son ouvrage. » Ce poème viendra clore le recueil et constitue le tout dernier vers publié de Char, quelques mois avant sa mort. Vingt-cinq plus tôt, le poète avait décidé de ne pas les conserver pour clore Le Chien de coeur. L'heure n'était, en 1968, pas venue... Le tirage du Chien de coeur se limite, pour les exemplaires sans la lithographie originale de Miro, à 790 exemplaires sur offset Roberstsau. Le tirage numéroté avec une lithographie en couleurs de Joan Miró, signée, constitue le tirage de tête : 95 exemplaires sur vélin d'Arches et six exemplaires sur vélin gris (I à VI) ; il existe en outre 15 exemplaires hors commerce sur divers papiers colorés : 7 vergé rose (A à G) et 8 sur vélin vert (H à O). Magnifique manuscrit préservé dans une délicate reliure de Louise Bescond, en veau teinté et estampé d'après les poèmes autographes du poète.
Céreste, (octobre) 1944. 2 tirages argentiques noir et blanc (11,5 x 70 mm) contrecollés sur 1 carte (130 x 160 mm). Deux tirages originaux, légendés par René Char, au milieu des habitants de Céreste. Envoi signé au verso : « À Max-Pol Fouchet, affectueusement, René Char », avec note autographe « Céreste, basse Alpes, à la Libération, Été 1944 (retour d'Alger). »
Le premier cliché présente René Char en blouson américain Field Jacket M-41 orné des galons de capitaine et d'un insigne en tissu de parachutiste de la R.A.F. en compagnie des Ginoux, le cantonnier du village et sa mère à laquelle, « craignant une perquisition, [il] demanda un jour [...] de cacher des codes et autres documents importants sous ses jupons » (René Char, Bibliothèque nationale, p. 76). Le poète l'a légendé de sa main : « ces trois-là se comprenaient... » L'autre photographie, prise le même jour et toujours à Céreste, le présente sous le même uniforme, parmi un groupe de villageois et de quelques gendarmes avec cette autre légende, toujours de sa main : « un rocher de braves gens ». La jeune fille qui porte une robe à carreaux et se tient au premier rang est Mireille Sidoine, la fille, âgée de onze ans, de Marcelle Sidoine-Pons, la « renarde » des Feuillets d'Hypnos en son poème 222. René Char vient de rentrer d'Alger, où il avait été appelé le 15 juillet par l'état-major interallié pour préparer le débarquement de Provence qu'il regagne en septembre, affecté au bureau liquidateur de la Section des atterrissages et des parachutages (Sap). Ces clichés sont pris par Irisson, le photographe ami de Char, dans le but de tourner un film documentaire sur la Sap et le maquis de Céreste qui n'aboutira pas. D'autres épreuves sont connues, Irisson en ayant tiré plusieurs autres à partir de 1945, dans des formats plus grands (100 x 170 et 120 x 180 mm), mais elles sont postérieures aux épreuves strictement d'époque, comme celles que nous présentons ici, plus petites. Ces photographies auront probablement été offertes par René Char à Max-Pol Fouchet, en même temps que son portrait dédicacé (cf. n° 74), au moment où il prépare la publication de ses Feuillets d'Hypnos dont des extraits paraîtront dans Fontaine.
Belle provenance éditoriale pour la première collaboration de René Char et Georges Braque, alors que le poète a repris ses publications depuis 1945 aux éditions Gallimard, avec Seuls demeurent et Les Feuillets d'Hypnos. La reliure est signée de Danielle Mitterrand, qui fut formée à l'art du janséniste par Miguet. Avec une certaine réussite. Paris, H. Matarasso, (14 avril) 1949. 1 vol. (220 x 280 mm) de 146 p. et [1] f. Maroquin vert tendre, dos lisse tire doré, contreplats et gardes chèvre velours orange, couvertures et dos conservés, chemise et étui bordés (Reliure signée de D. Mitterrand). Édition originale. 4 eaux-fortes, dont 1 en couleur, par Georges Braque. Un des 170 exemplaires sur vélin du Marais, signé par Braque et Char (n° 67). Envoi signé : "À Gaston Gallimard, en pensée amicale cette histoire, cette enfance autour du cœur et sous les yeux transparents. René Char ".
C'est avec Le Soleil des eaux que s'inaugure la particulièrement importante collaboration de René Char et Georges Braque. Il a été publié peu de temps après leur rencontre lors d'une exposition de peintures et de sculptures contemporaines organisée par Christian et Yvonne Zervos au Palais des Papes en Avignon. L'un des rares textes de ce dernier où il se prête à une mise en scène, plus cinématographique que théâtrale cependant, puisque la plupart des situations se déroulent dans des cadres naturels : et pour cause, puisque le projet fut d'abord bel et bien cinématographique. René Char rédigea le scénario d'août à octobre 1946 : il raconte l'histoire d'une communauté de pêcheurs au début du siècle, en Provence, dans le Comtat Venaissin. L'implantation d'une usine au bord de la rivière Crillone qui baigne le petit village de Saint-Laurent déclenche une révolte parmi les pêcheurs de truites et d'anguilles, confrontés à la pollution de leur rivière par les rejets de chlore de cette papeterie. Comment concilier le bonheur agreste et la technique dévastatrice ? Le lieu prévu du tournage était L'Isle-sur-la-Sorgue, où devaient être recrutés bon nombre de figurants. Ce serait, dit-il « un film dont l'ambition est de faire oublier qu'il est un film, c'est-à-dire un peu plus qu'une nourriture pour les yeux : une preuve pour le coeur », qu'il souhaite partager avec Jean Vilar, à qui il avait pensé pour tenir un des rôles et à qui il écrit le 12 décembre : « Il serait urgent que je vous voie [...] J'ai écrit le scénario et les dialogues d'un film qui sera tourné au printemps dans des conditions sérieuses. » Yvonne Zervos, directrice de la galerie des Cahiers d'art, est contactée pour financer le projet ; un contrat est signé avec la société Sifdac de Serge Sandberg en février 1947. Sans expérience de la réalisation, René Char fit appel à quatre metteurs en scène successifs, qu'il se chargerait de « superviser ». Mais face aux conditions difficiles (dont la grande grève de 1947), les financiers se retirèrent et seuls quelques plans furent tournés. Char se tourne alors vers la scène : le spectacle sera créé en 1948 par la Radiodiffusion française sur une musique de Pierre Boulez et dans une réalisation d'Alain Trutat. La rencontre avec Braque, l'année suivante, donne enfin corps au projet d'une édition illustrée. C'est pour ce livre que le peintre inaugure le célèbre motif de l'oiseau ouvert, qu'il a exécuté trois planches en noir et une planche frontispice en couleurs. Les quelques textes de René Char destinés à la scène seront réunis plus tard sous le titre : Trois coups sous les arbres. Provenance : Vente "Surréalisme", Binoche-Renaud-Giquello, Paris, 27 mars 2009, Claude Oterelo exp., n° 66 ; collection privée.
Paris, Editions Surréalistes, 1931 In-4 de 1 f. bl., 34pp., (2) ff., 2 ff. bl., broché sous couverture rempliée, entièrement non rogné, étui bordé.
"Édition originale. Tirage limité à 100 exemplaires numérotés sur papier Vidalon à la forme, les cinq premiers imprimés en vert (et trois hors commerce); celui-ci n°14. Ce recueil de courts poèmes est contemporain des expérimentations collectives que mène alors Char avec Éluard et Breton. Il les complète et son importance est en partie due à ce qu'y résonne la voix propre de René Char, telle qu'elle se déploie pendant les cinq ans (1929-1934) où le surréalisme aura été pour lui, précisera-t-il dans une lettre à Benjamin Péret, ""tout au monde"". Le titre représente une citation partielle d'un passage du texte de Char À Rimbaud: ""L'action de la Justice est éteinte là où brûle, où se tient la poésie, où s'est réchauffé quelques soirs le poète."" Envoi autographe, au crayon, signé de René Char à Benjamin Cremieux. Benjamin Crémieux, écrivain et critique, pilier intellectuel de la N.R.F., faisait partie des quelques personnes capables de mesurer la portée de l'œuvre immensément exigeante de René Char. La convergence de leurs trajectoires n'en sera pas moins entièrement réalisée plus tard, sur un plan aussi ou plus élevé… Sous l'occupation, en effet, Crémieux, comme Char qui prend le maquis, s'engage de façon active et totale dans la Résistance. Membre du réseau Combat, il est arrêté en avril 1943 et meurt un an plus tard à Buchenwald. Exemplaire à l'état de neuf. Antoine Coron, René Char, BnF, n° 36. - P. A. Benoit, Bibliographie des œuvres de René Char, 5."
Phone number : + 33 (0)1 42 89 51 59
Paris, Gallimard, (24 février) 1945. 1 vol. (185 x 230 mm) de 90 p. et [1] f. Broché. Édition originale. Un des 1 000 exemplaires sur châtaignier (n° 387). Envoi signé : « à Yvonne et à Christian Zervos, dont la Rencontre et l’amitié ajoutent une page à ce livre et un sens à son titre. De tout coeur leur ami. René Char ».
C'est vraisemblablement par l'entremise de Paul Éluard que René Char rencontre le couple Zervos, à l'époque où les membres du mouvement surréaliste écrivent dans les Cahiers d'art de Christian Zervos. La première relation avérée remonte au moment où l'éditeur galériste obtient de Kandisky (qu'il a aidé à venir en France) une pointe-sèche pour orner en 1933 le tirage de tête du Marteau sans maître. Char ne contribuera réellement aux Cahiers d'art qu'en 1937 avec « Dehors la nuit est gouvernée ». La guerre, ensuite, les sépare. Yvonne et Christian Zervos, ce dernier natif de l'île ionienne de Céphalonie et arrivé en France en 1917 à l'âge de dix-huit ans, se réfugient dans la ferme de La Goulotte, près de Vézelay, tandis qu'ils mettent l'appartement parisien du 40 de la rue du Bac où ils vivent depuis 1938 à la disposition de Paul et Nusch Éluard ; nombre de tracts clandestins y seront imprimés dans le sous-sol. Naturalisé en 1927, Zervos est déchu de la nationalité française par le régime de Vichy en 1941. René Char, lui, ne quitte pas la Provence, sinon pour l'Afrique du Nord pendant l'été 1944 pour la préparation du débarquement de Provence. Char retrouvera les Zervos après la Libération : il n'est pas encore démobilisé qu'il devient un hôte régulier de la rue du Bac, que les Zervos réintègrent en février 1945. C'est à ce moment-là que paraît Seuls demeurent : la dédicace portée sur l'exemplaire qu'il leur offre garde l'empreinte de ce nouveau départ et de l'amitié indéfectible qui se nouera par la suite : l'année suivante, Char invite les Zervos à Céreste, avant que le couple s'installe au Thor, près de l'Isle-sur-la-Sorgue, où ils préparent une importante exposition au Palais des papes d'Avignon pour laquelle Jean Vilar, sollicité par Char, leur proposera trois créations théâtrales : c'est la naissance du festival d'Avignon. « De la fin des années 40 aux années 60, Char séjourna régulièrement à La Goulotte, dont il appréciait le calme et l'environnement naturel propice à la marche comme le montre sa correspondance postée depuis Vézelay. Le 16 mai 1948, il tient à indiquer le lieu et la date au bas des deux poèmes qu'il vient d'y écrire : «Un oiseau...» et «Pénombre» [qui seront publiés dans Fureur et mystère]. Après la vente de sa propriété familiale des Névons (à L'Isle-sur-Sorgue), Char n'a plus de maison et passe les étés suivants avec Yvonne Zervos, soit dans l'Eure, soit à Vézelay » (Christian Limousin, Maison Zervos à Vézelay, 2019). C'est à La Goulotte que Char rédigera le poème « L'une et l'autre », qu'il enverra à PAB pour en donner une édition minuscule, qui sera faite en septembre 1957. Les Zervos seront parmi les premiers invités de Char lorsque le poète achètera en 1960 les Busclats pour en faire sa nouvelle et dernière demeure provençale.
Édition originale. Un des 50 premiers sur vélin d'Arches. Gravure originale justifiée et signée par Alberto Giacometti. Reliure de Pierre-Lucien Martin. [Paris], GLM, (février) 1955. 1 vol. (120 x 190 mm) de 47 p., [1] et 1 f. Veau brun orné sur les plats de mosaïques de bois, contreplats et gardes de papier bois, titre doré, tête dorée, couvertures et dos conservés (reliure de P.-L. Martin, 1964). Édition collective, en partie originale. Un des 50 premiers exemplaires sur vélin d'Arches (n° 33), signé par René Char, avec une gravure originale justifiée et signée par Alberto Giacometti. La première collaboration entre le poète et l’artiste.
Le 3 mars 1980 le poète se rappelait pour les lecteurs du Nouvel Observateur les circonstances qui avaient présidé à la naissance d'un de ces poèmes : « Un jour, près d'une église romane, une femme (...) me racontait en pleurant la jalousie de son mari. Passant de nouveau devant cette église gracieuse et massive, un vers m'était venu, comme tombé du clocher : « Vérité aux secrètes larmes, la plus offrante des tanières." Et le mot-porteur « ‘tanière' était né d'incidents successifs. » Poèmes des deux années fera partie avec Lettera amorosa du recueil La Parole en archipel paru en 1962. Ce recueil orné au frontispice d'une gravure d'Alberto Giacometti rappelle s'il le fallait combien Char fut le poète illustré par les peintres, combien surtout il en fut l'amateur éclairé et l'ami fidèle : « Dans le bastidon de René Char entre L'Isle-sur-Sorgue et Saumane, les murs étaient chargés de tableaux : une gravure de Picasso, une cire de Victor Brauner, une gouache de Braque, une lithographie de Vieira da Silva et de dessins de Giacometti. Devenus proches dès leur rencontre au sein du mouvement surréaliste auquel ils adhèrent l'un l'autre en 1930, ils reprendront tous deux leur indépendance. Ils restèrent cependant très liés et le poète devait le premier donner un texte sur son ami peintre dans Recherche de la base et du sommet, l'année même où pour la première fois Giacometti illustre l'un de ses livres : ces Poèmes des deux années. Selon le catalogue de l'exposition René Char à la Bibliothèque nationale (2008) le poète choisit parmi cinq gravures ces deux personnages debout, ensemble près d'un buisson. À partir de ce livre, et jusqu'à sa soudaine disparition en 1966, Giacometti collabora à deux reprises avec René Char. L'une fut l'expérience unique du manuscrit enluminé, telle que le poète l'a conçue pour plusieurs de ses amis peintres. Avec Giacometti, il calligraphia Visage nuptial, dont l'édition originale datait de 1938, et offrit cette oeuvre unique à son amie et mécène, Yvonne Zervos. L'autre et l'ultime, réunissait quatre eaux-fortes du peintre et les poèmes de Retour Amont. Giacometti, on le sait, disparut avant d'avoir pu en signer les exemplaires. Entre ces Poèmes des deux années et Retour Amont, leur amitié et leurs échanges furent constants. Giacometti offrit plusieurs oeuvres à René Char : des dessins dont le portrait de sa propre épouse et celui qu'il réalisa de Georges Braque, assis, au jour de sa mort, dans la chambre mortuaire. En écho, nombreux sont les livres que Char lui dédicaça et un texte de mai 1964 reste célèbre dans le corpus de l'oeuvre du poète : Célébrer Giacometti.
Édition originale. Un des 185 exemplaires sur papier Ingres rose. Précieux exemplaire offert à Raymond Roussel, le seul connu. Paris, Éditions Surréalistes, chez José Corti, (25 novembre) 1930. 1 vol. (185 x 235 mm) de [48] p. Broché. Édition originale. Un des 185 exemplaires sur papier Ingres rose (n° 38). Précieux exemplaire offert à Raymond Roussel, le seul connu. Envoi signé : « à Raymond Roussel », suivi de cette citation : « Il y avait un naufragé qui attirait tous les regards. Au lieu de crier : ‘Au secours, à l’aide, mon Dieu sauvez-nous !’ Il se bornait à s’accrocher à une fissure au rocher répétant avec un orgueil étrange en face d’une mort imminente : ‘qu’est-ce que je vous avais dit ? Vous voyez si j’avais raison !’ Ch. R. Maturin (Melmoth). » L’envoi est daté et signé « René Char, 4 avril 1931 ».
On connaît l’admiration passionnée de René Char et des surréalistes pour l’œuvre de Raymond Roussel. Dans son testament daté du 20 janvier 1933, quelques mois avant son suicide, ce dernier avait indiqué d’envoyer « un exemplaire de chacun de [ces] livres par la poste à Messieurs… ». Suivaient les noms et adresses de Robert Desnos, Paul Éluard, Tristan Tzara, Michel Leiris, Fernand Gregh, André Breton, Jacques-Émile Blanche, René Char, Salvador Dali, André Gide, Philippe Soupault, Louis Aragon et Edmond Jaloux, en joignant une lettre à l’adresse de ces « chers confrères » : « Songeant à la bienveillance que vous avez bien voulu manifester à mes livres, je me suis dit qu’il vous intéresserait peut-être de savoir par quel procédé très spécial j’ai écrit certains d’entre eux - procédé expliqué dans le manuscrit ci-inclus […] [Il s’agit de Comment j’ai écrit certains de mes livres] ». Artine semble être le seul livre que Char offrit à Raymond Roussel : le jeune poète n’avait publié, auparavant, que trois ouvrages : Les Cloches sur le cœur, en 1928, Arsenal, en 1929 et Le Tombeau des secrets, en avril 1930. Pour ces trois livres, aucun exemplaire n’est connu comme envoyé à Roussel, que Char, à ces dates, n’a pas encore rencontré. Sans doute grâce à l’amitié naissante avec Éluard et Breton, le rendez-vous n’aura lieu qu’au début de l’année suivante. Le poète lui offre alors Artine, son dernier livre paru, avec cette dédicace qui en appelle au chef-d’œuvre du roman noir gothique de Charles Maturin, Melmoth : ce roman-labyrinthe, construit en dédales et abîmes, renouvelle le thème faustien du pacte démoniaque et brosse avec fureur sur près de six cents pages la vie d’un « héros » possédé par le mal, pour qui le temps n’existe pas. Arrêtons-nous un instant sur cette présence, car elle est d’importance : le révérend Maturin, vicaire à Dublin, publie Melmoth ou l’Homme errant en 1820. L’ouvrage est traduit en français dès l’année suivante. Bien qu’incomplète, cette traduction d’un certain Jean Cohen marque les esprits des décennies durant. Nodier, Walter Scott, Banville, Nerval, Edgar Poe l’honorent ; Balzac, en premier, en écrit une suite, intitulée Melmoth réconcilié. « Pour lui, Melmoth a été une grande œuvre inspiratrice, à l’égal de Tristram Shandy de Sterne, des Contes d’Hoffman, des romans historiques de Scott : il est une source reparaissante, aux multiples résurgences, de l’œuvre balzacienne »(Le Yaouanc). Avant que Baudelaire ne s’en empare. Hanté par le regard insoutenable de ce « rire qui ne dort jamais », le poète évoque par deux fois, dans Les Curiosités esthétiques puis dans L’Art romantique, le « rire terrible de Melmoth », selon son expression, emblème satanique par excellence : « Aussi comme il rit, comme il rit, se comparant sans cesse aux chenilles humaines, lui si fort, si intelligent, lui pour qui une partie des lois conditionnelles de l’humanité, physiques et intellectuelles, n’existent plus ! Et ce rire est l’explosion perpétuelle de sa colère et de sa souffrance. Il est, qu’on me comprenne bien, la résultante nécessaire de sa double nature contradictoire, qui est infiniment grande relativement à l’homme, infiniment vile et basse relativement au Vrai et au Juste absolus. Melmoth est une contradiction vivante ». Insatisfait par ailleurs de la traduction, il projeta d’en donner une traduction plus conforme pour le compte des éditeurs belges Lacroix et Verboeckhoven, mais finalement ces derniers firent réaliser la traduction par Maria de Fos en 1867 - mais elle aussi toujours incomplète. C’est probablement André Breton qui signale l’existence du roman à René Char, ainsi qu’aux autres membres du groupe surréaliste. Breton, dès lors, ne lâchera plus le texte et sera à l’origine de son édition, enfin complète, en 1954 chez Jean-Jacques Pauvert. Jacqueline M.-Chadourne, la traductrice de cette version moderne, précise que les parties retranchées correspondent surtout aux passages où le romancier « donne le plus libre cours à ses assauts contre les jésuites, l’Église romaine, l’Inquisition en Espagne, les misères des couvents, le sadomasochisme monacal, bref contre toutes les perversions d’une religion, fondée selon lui, sur la souffrance et les tourments. Là, Maturin pousse aux extrêmes la dialectique de la révolte luciférienne » (note du traducteur de la première traduction intégrale en français, Phébus, 1996, p. 29). « Ce célèbre roman noir dont l’imagination frénétique atteignit un degré qui ne fut égalé que par Le Moine de Lewis […] exerça une influence énorme sur la littérature fantastique française » (Marc Loliée) et constitue « l’apogée du roman noir. Il eut une influence considérable sur la jeunesse romantique, sur Balzac qui déclarait que Melmoth était égal et par endroits supérieur au Faust de Goethe (…) André Breton en fit le plus grand cas » (Gérard Oberlé). Ce concentré couleur de nuit, que ni Sade ni Goya n’auraient reniés, fascina également Lautréamont, ainsi que le rappelle André Breton dans la préface qu’il donne en tête de l’édition Pauvert : « il n’est pas douteux que Lautréamont a pourvu Maldoror de l’âme même de Melmoth. Il s’agit bien dans les deux cas, non point du démon lui-même, mais de l’agent du démon : l’“ennemi du genre humain”. Le génie de Maturin est de s’être haussé au seul thème qui fût à la mesure des très grands moyens dont il disposait : le don des noirs à jamais les plus profonds, qui sont aussi ceux qui permettent les plus éblouissantes réserves de lumière. Il tenait l’éclairage voulu pour appeler à s’y inscrire le problème des problèmes, celui du mal ». Dans cette même préface, dont l’intérêt est aussi grand que celle rédigée en 1931 par Artaud pour la traduction du Moine, Breton précise que « la présente réédition de Melmoth, ou l’Homme errant vient combler une des plus considérables lacunes de cette information qui nous est nécessaire non seulement pour l’élucidation du problème des sources - on en a rarement vu jaillir d’aussi fécondantes - mais encore pour la fixation d’un point véritablement crucial de l’histoire des idées », celui de l’union du ciel et de l’enfer : certes, ce moment unique a été guetté par Blake et Hugo mais Maturin, lui, « n’a eu besoin que de sonder à l’origine les profondeurs du cœur ». Breton donne alors en exemple la réponse d’Immalee à son amant satanique : « Vous devez m’apprendre à souffrir et je serai bientôt préparé à entrer dans votre monde, mais j’aime mieux pleurer sur vous que sourire sur des roses ». Charles R. Maturin est accessoirement le grand-oncle d’Oscar Wilde, qui puisera dans Melmoth quelques éléments pour son Portrait de Dorian Gray, notamment celui du tableau caché dans le grenier. À sa sortie de prison, Wilde adopte d’ailleurs le pseudonyme de Sébastien Melmoth, s’identifiant au héros maudit créé par son grand-oncle par alliance. Signalons enfin que Humbert Humbert, le héros du Lolita de Vladimir Nabokov, avait baptisée sa voiture Melmoth. Roussel lui offrira l’année suivante ses Nouvelles impressions d’Afrique, avec un envoi plein de gratitude, daté de décembre 1932. C’est, là aussi, le seul exemplaire connu de Roussel envoyé à René Char. Cet envoi, du printemps précédent, est remarquablement poétique, noir et prémonitoire de la disparition de Roussel, que l’on retrouve mort dans sa chambre d’hôtel à Palerme le 14 juillet 1933. Exemplaire bien complet du prière d’insérer.
Paris, s.e., [décembre] 2007. 1 vol. (275 x 375) de [106 pp.] en feuilles sous emboîtage de l'éditeur en toile de jute. Préface de Dominique de Villepin, 18 poèmes de René Char en fac-similé, illustrés de 10 aquarelles de Zao Wou-Ki, et la correspondance inédite entre René Char et Zao Wou-Ki. Tirage limité à 100 exemplaires signés par Zao Wou-Ki et portant le timbre de René Char, celui-ci un des 84 exemplaires numérotés de 13 à 96 (n° 54).
En 1980, Char propose au peintre Zao Wou-Ki une quinzaine de poèmes du Nu perdu - une des sections de Fenêtres dormantes et porte sur le toit ; ils seront alors réunis sous le titre de Effilage du sac de jute ; il faudra un mois environ au peintre et au poète pour réaliser leur projet : « Ici, le désir de peinture d'un poète a rencontré le désir de poème d'un peintre. Zao Wou-Ki et René Char s'y entretiennent. L'un et l'autre ont exprimé souvent ces quêtes complémentaires, René Char avec Georges Braque, avec Joan Miró, avec Giacometti, avec Vieira da Silva et Zao Wou-Ki avec Henri Michaux, avec Yves Bonnefoy, avec Roger Caillois, exemples parmi tant d'autres. » (Préface)
Le Caire, Librairie L.D.F., 1956. 1 vol. (140 x 190) de 18 et [1] p. Broché. Edition originale. Tirage unique à 200 exemplaires numerotes sur papier velin (n° 129 ), signé par René Char de ses initiales. Envoi signé : " à Simone Vannier, avec l'amitié des neiges que le soleil fait fleurir. R.C. 27 décembre 1957 ".
Projet de ballet, imaginé par René Char après la lecture dans un journal d'un article relatant la découverte par des explorateurs de traces de pas gigantesques dans l'Himalaya, traces attribuées à un yeti. Avec Nicolas de Staël, lui aussi sensible à la notion d'immensité quelle que soit sa forme, ils décidèrent de traduire ce simple fait en ballet, mais le projet avorta avec le désistement des musiciens à qui Staël avait proposé la mise en musique. Ce n'est qu'en 1956, un an après la mort de l'artiste, que René Char fit publier ce texte chez un éditeur du Caire et dans une collection dirigée par le poète Edmond Jabès. L'exemplaire de l'édition originale est ici offert à une proche amie qui, l'année suivante de la parution, donnera un spectacle en hommage à Char, à partir de sa pièce Claire : Simone Vannier. Qualifié de « spectacle le plus poétique de Paris » (L'Express), son René Char, Le Fer et le Blé, Claire sera donné chez Agnès Capri, aux côtés de Serge Bossac et de Jacques Monod. C'est Char lui-même qui s'occupa du montage des poèmes pour ce spectacle, crée le 11 novembre 1957 pour un mois, et qui sera prolongé jusqu'au 28 janvier 1958 devant le succès rencontré. C'est pendant cette période que le poète lui offre cet exemplaire, au moment des représentations de fin décembre. Cette plaquette ne sera imprimée qu'à 200 exemplaires numérotés.
Édition originale. Tirage unique à 50 exemplaires sur Arches. Exemplaire offert à Pablo Picasso. Lisle-sur-Sorgue et Alès, PAB, été 1960. 1 vol. (210 x 260 mm) de 23 p. et 5 planches. En feuilles, couverture imprimée. Édition originale. Illustré de 5 empreintes naturelles composée par Picasso. Tirage unique à 50 exemplaires sur Arches, celui-ci justifié à l’encre par l’auteur : « Exemplaire de Picasso R.C. »
Les pierres et le fer qui ont servis aux empreintes ont été trouvés dans les monts du Vaucluse par René Char, PAB et Jacques Polge, sur le site du massif des « Dentelles de Montmirail » (du latin « mons mirabilis » signifiant « mont ou montagne admirable »). Le lieu tient son nom de l'érosion qui a façonné la forme de ces montagnes de telle façon que la roche, taillée par le temps, semble ciselée comme un ruban dentelé à la silhouette unique. Elles se situent aux premiers abords du Mont Ventoux, dans le Vaucluse, à une trentaine de kilomètres de Lisle-sur-la-Sorgue, où Char résidait. Les Dentelles de Montmirail sont publiées au même moment, pendant l'été 1960 ; Picasso séjourne alors à Cannes, en compagnie de Jacqueline Roque, qu'il allait épouser l'année suivante. Cette dédicace est l'une des premières marques d'une amitié et d'une association naissante que la mort de Braque, en 1963, renforceront. Si les premiers échanges datent d'avant-guerre, par l'intermédiaire d'Eluard, ce n'est qu'à partir de 1958 que Char et Picasso collaboreront. Eluard disparu, c'est essentiellement grâce à la persévérance de Pierre André Benoit que les contacts se renouent et que Picasso accepte, en marge des grands illustrés qu'il donne chez Broder, de collaborer aux minuscules de PAB, grâce au procédé des celluloïds : " lorsque PAB rencontre Picasso en 1956, il a 35 ans, Picasso en a 75. En mai 1956, pour illustrer un texte de jeunesse de René Crevel, compagnon de route des surréalistes, que Picasso répond à PAB, lui retournant par la poste, sans un mot, la minuscule plaque de celluloïd gravée d'un visage. Ce sera Nuit. Picasso, lui si célèbre et si sollicité, pourquoi répond-il finalement à ce jeune éditeur cévenol ? Peut-être parce que PAB propose des textes de personnes proches de Picasso, ou de personnes qui l'ont été : Crevel, Tzara, René Char... Mais PAB sait aussi le séduire en l'invitant à jouer avec des techniques nouvelles : le celluloïd puis la cartalégraphie. Il interpelle Picasso qui a le goût du défi technique, insistant toujours dans ses courriers sur l'aspect ludique, « amusant » de ses propositions : « voyez si mon projet vous chante » lui écrit-il le 7 mai 1958, en lui adressant le poème L'Escalier de Flore de René Char. " (Picasso et le livre d'artiste, Exposition 2018, préface). Char préfacera en 1973 le catalogue de l'exposition Picasso à Avignon, qui paraîtra juste après la mort du peintre, le 8 avril 1973. C'est au total dix-sept livres que PAB réalise avec Picasso entre 1956 et 1974, ce qui fait de lui l'éditeur avec qui l'artiste a le plus collaboré.
Édition originale. Un des exemplaires sur vélin Plumex.Envoi signé à Maria Casarès. Paris, Gallimard, (10 avril) 1951. 1 vol. (185 x 240 mm) de 49 p. et [3] f. Broché, chemise et étui (Devauchelle). Édition originale. Un des exemplaires sur vélin Plumex (n° 3252), celui-ci un des hors commerce. Envoi signé : « Exemplaire de Maria Casarès, avec un amitié meilleure que l’écriture. René Char ». Prière d’insérer conservé.
Important recueil de René Char, dont il donnera une version modifiée en 1963. Précieux exemplaire de la maîtresse et grand amour d'Albert Camus, Maria Casarès. Leur histoire est intensément romanesque, leur correspondance follement passionnée. Albert Camus a 30 ans, en 1944, lorsqu'il rencontre Maria Casarès, tout juste 21 ans. Il a publié L'Étranger en 1942 et dirige le journal de résistance Combat. Elle sort du Conservatoire et joue sa pièce, Le Malentendu, au théâtre des Mathurins. Leur histoire d'amour commence précisément le jour du débarquement, le 6 juin 1944. La comédienne y mettra fin, très vite, en octobre 1944, lorsque Francine est de retour à Paris, enceinte de jumeaux, Jean et Catherine. Elle reprendra cinq ans plus tard, le 6 juin 1948 : Maria se promène avec une amie boulevard Saint-Germain quand elles croisent deux hommes sur le trottoir. Le souffle soudain coupé, Maria s'arrête et se retourne : « Dans la même position, derrière moi à un pas de moi, comme le reflet dans une glace, Camus retourné sur moi, me regardait, se souvient-elle. Une hésitation, un imperceptible flottement nous tint tous les deux muets un temps dans le boulevard brusquement vide et silencieux. » Quatre ans jour pour jour après leur première nuit, leur histoire reprend son cours, clandestine. Un amour absolu qu'ils placent tous deux au-dessus de tout. « Cet abandon total d'un coeur à un autre, cette plénitude tranquille de l'âme, c'est du moins notre victoire et notre récompense », lui assure Camus en 1950 qui écrit aussi : « La vie n'a pas d'autres visages que le tien. » En quinze ans, Albert Camus et Maria Casarès échangent au moins 865 lettres, pneumatiques et autres télégrammes. À la disparition tragique de l'écrivain, le 4 janvier 1960, René Char, se rend chez Camus, dans le petit appartement qu'il a gardé rue de Chanaleilles et donc il est voisin : il prend les lettres de Maria Casarès et les lui apporte afin de protéger les proches du couple. Elle ne rencontrera Catherine Camus, la fille de l'écrivain, en 1980, qu'après la mort de Francine, sa mère. Elle lui vendra les lettres quelques années plus tard, qui seront publiées en 2017. Tout au long de ces années clandestines, René Char aura été celui qui fut le plus au contact et d'Albert Camus, et de Maria Casarès. L'un et l'autre ne cesseront d'offrir leurs livres à la comédienne - une vingtaine de tires pour chacun d'eux. Ceux de René Char sont aussi conservés dans leur grande majorité au Fonds de la Maison Maria Casarès d'Alloue, en Charente. Cet exemplaire, sur l'un des titres importants du poète, est un émouvant témoin de l'amitié constante et fidèle qui régnait entre eux. Maria Casarès a copieusement annoté l'exemplaire, qui contient de nombreux aphorismes soulignés en marge. Très bel exemplaire.
Paris, Editions surréalistes, 1931. 1 vol. (283 x 227 mm) de 44 p. Broché. Édition originale. Un des cinq premiers exemplaires imprimés en vert, sur papier Vidalon à la forme (n° 4). Tirage unique à 100 exemplaires sur ce papier Vidalon – les 95 suivants sont imprimés en noir, dont au moins un exemplaire d’essai. Envoi signé : « à Pierre Unik, ‘au bout du bras du fleuve il y a la main de sable qui écrit tout ce qui passe par le fleuve’. Le rêve des fous éternels ne se lève que lorsque l’action de la justice est éteinte. Il y a toujours une place pour dormir ailleurs comme il y en a toujours une pour mourir ici. La ressemblance ne frappe que nous. Affectueusement, René Char. Buis, 22 mars 1932 ».
C’est le quatrième recueil publié par René Char (après Arsenal, Le Tombeau des secrets et Artine). Il est composé de douze poèmes (« Poème », « Sommeil fatal », « Voyageur sans tunnel », « La main de Lacenaire », « Le Fantôme de Lola Abat », « L’Artisanat », « Poètes », « L’Esprit poétique », « Les Messagers délirants de la poésie frénétique », « Les Soleils chanteurs », « L’Instituteur révoqué » et « L’Amour »), imprimé en juillet 1931 par Ducros et Colas, maîtres imprimeurs à Paris, pour le compte des Éditions surréalistes, que dirige José Corti. Dédié à André Breton, il doit son titre à une phrase incomplète extraite du texte de René Char, À Rimbaud (« L’action de la justice est éteinte là où brûle, où se tient la poésie, où s’est réchauffé quelques soirs le poète »). Le recueil sera repris, avec quelques corrections, dans Le Marteau sans maître, toujours chez Corti, en 1934. Il sera ensuite intégré au recueil Moulin premier. Précieux et rare recueil sur ce papier de tête des poésies surréalistes de Char, au plus fort de sa collaboration avec Breton et Éluard. « Char, dit Corti dans ses Souvenirs désordonnés, ne croit probablement pas beaucoup à l’inspiration ; mais, au hasard d’une rencontre, à l’aimantation des êtres et des choses. Il sait que le poète est un médium qui perçoit, sait le lieu et la prise. Quand il laboure, il pèse sur la terre ; il va toujours plus loin ; il revient sur le sillon autant de fois qu’il faut. Un manuscrit de Char est toujours la recherche de la dernière perfection. Quand on en est à l’impression, le repentir intervient : un mot, une inversion et le livre n’est pas plutôt achevé que se révèle ce qui aurait pu le parfaire. Tel poème de quelques vers n’a pas eu moins de sept ou huit états dont chacun a été définitif pendant quelques heures ou quelques jours […] ». Nous n’avons retrouvé trace que de deux exemplaires sur papier vert : celui conservé à la bibliothèque Doucet et l’exemplaire Jean Hugues puis Pierre Leroy, établi par le premier dans une reliure de Georges Leroux. L’envoi à Pierre Unik contient un extrait du poème « L’Esprit poétique », dédié à Louis Aragon. De la bibliothèque Paul Destribats (Christie’s, 2019, I - n° 313).
Louis Broder, Paris 1957. Collection "Miroir du poète" n° II. 1 volume in-12 carré (165 x 135 mm), en feuilles, 52 pages, sous couverture de papier japon à rabats titrée en rouge sur le premier plat. Édition en partie originale illustrée de 4 EAUX-FORTES EN COULEURS HORS-TEXTE DE ZAO WOU-KI. La typographie est dûe à l'imprimerie Union et le tirage des gravure à Robert Dutrou. Édition: 130 ex. sur vélin de Rives. Celui-ci "exemplaire de chapelle" justifié 7/8 est signé à l'encre par René Char et au crayon par Zao Wou-Ki au colophon. - Exemplaire enrichi de très importants envois autographes signés : “Pour Bernard Gheerbrant, bien amicalement, René Char”, “Pour Jacqueline aussi, Zao Wou-Ki“. Le couple Gheerbrant ayant créé et magnifiquement animé la célèbre Librairie-Galerie "La Hune" à Saint Germain-des-prés - Précieux petit recueil de poèmes illustré de gravures originales de Zao Wou-ki datant de la période charnière où l'artiste allait franchir définitivement le pas vers l'abstraction pure. Exemplaire formidablement personnalisé et conservé tel que paru, à l'état de neuf (Rivière 108-111). ENGLISH : Zao Wou-ki - René Char : Les Compagnons dans le jardin. Collection Miroir du Poète II, Louis Broder, Paris, 1957. 4 original etchings printed in colors, 1957, on BFK Rives, title, text, list of contents, justification and the set of four, the justification signed in pencil by Zao Wou-ki and René Char, copy number 7/8 "de chapelle" from the total edition of 130 on Rives paper, with margins, the full sheets as published, in excellent condition (book). overall S. 177 x 153mm (Rivière 108-111). This copy is enriched with very important signed autographs: “For Bernard Gheerbrant, kind regards, René Char”, “For Jacqueline too, Zao Wou-Ki“. Condition d'origine. Parfait état (Rivière 108-111).
Exemplaire formidablement personnalisé et conservé tel que paru, à l'état de neuf (Rivière 108-111). Photographies supplémentaires sur demande.
de la main à la main, s.l. 1930. 1 volume in-4 (270 x 215 mm) broché sous couverture rouge (279 x 220 mm) imprimée du titre en noir sur le premier plat uniquement, 35 pp. + 2 fnch. Seconde édition, (en partie originale), du premier recueil de poèmes de René Char augmentée de cinq nouveaux, les quatorze originaux étant ici modifiés. Avec une illustration hors-texte du peintre catalan Francesc Domingo imprimée en noir. Aussi rare que la première (26 ex.) celle-ci a été tirée "qu'on le veuille ou non" à 39 exemplaires hors-commerce le 5 Février 1930 : 5 Vergé d'Arches + 7 sur Guérimand vert d'eau + 27 sur couché Prioux. Au colophon on lit : " Il est réconfortant de savoir que les imbéciles n'en sauront rien ". Celui-ci 1 DES 7 EXEMPLAIRES SUR PAPIER VERT, numéroté et justifié à l'encre par René Char "EXEMPLAIRE D'ANDRÉ BRETON". Sur le faux-titre, René Char a ajouté de sa plume "Pour distraire Madame Marcelle Ferry, cet ARSENAL, René Char". Le recueil est dédié à Paul Eluard.
Exemplaire des plus précieux et d'une magnifique provenance. Marcelle Ferry (1904-1985), "femme surréaliste" a alors une liaison amoureuse avec André Breton. Celui-ci lui dédicacera un exemplaire de Violette Nozière ainsi : "À Marcelle / le sureau noir / le cornouiller sanguin / le bois de Ste Lucie / et toutes les autres fleurs, à / langage hermétique". Ses premiers poèmes "L'Île d'un jour" ne paraitront néanmoins qu'en 1938 aux Éditions surréalistes. Préservé broché, en parfait état sans la moindre décoloration des papiers.
Paris, Imprimerie Union, 1966. 1 lithographie (760 x 555 mm), sur papier d'Auvergne. Fameuse prise de parole de Char, en lithographie, avec une illustration de Picasso. Une des 45 épreuves de tête, tirées sur papier Auvergne (n° 20). Epreuve Louis Barnier, son imprimeur, directeur de l'imprimerie Union. René Char lui dédicace au verso : « Pour Louis Barnier, avec les remerciements et l'amitié de René Char ».
Lorsqu'il est question, en 1965, d'installer une base de lancement nucléaire sur le plateau d'Albion, non loin d'Apt et de Céreste où depuis les années de résistance il garde une forte attache, René Char n'hésite pas à organiser rapidement des manifestations contre le projet et fait éditer à 2 000 exemplaires une petite brochure (avec 60 exemplaires tirés à part et signés) dans laquelle il dénonce violemment le danger atomique. L'affiche homonyme sera imprimée l'année suivante, en février, avec un texte remanié et une illustration de Picasso. Un tirage réimposé à 45 exemplaires, sur papier Auvergne, est réalisé, imprimé par l'imprimerie Union. René Char est un familier de l'Imprimerie Union depuis Le Marteau sans maître (1934), jusqu'à la fin des années 1970. Avec Louis Broder, il y publiera La Bibliothèque est en feu (1956), avec Erwin Engelberts Lettera Amorosa (1963), avec Jean Hugues L'Effroi la joie (1969), avec Sima Se rencontrer paysage (1973), avec Lam Contre une maison sèche (1975) et De la Sainte Famille au Droit à la paresse (1976). À la suite de Louis Broder, Louis Barnier « avait sur le livre en général (...) des idées précises, d'où un classicisme - ce qu'on a pu appeler le « style Union » - qui se reconnaissait immédiatement au choix des caractères, à un certain emploi de l'italique, à l'équilibre de la composition, à la suppression de toute afféterie, de tout élément superflu. Il aimait particulièrement créer des affiches pour les musées : d'un coup d'oeil, sa ‘patte', claire et fine, était reconnaissable » (Antoine Coron, in Catalogue de la vente Bibliothèque Lucie et Louis Barnier, Imprimerie Union, Artcurial, 2005).
Oblong recto-verso (135 x 110 mm) de 3 f., pliés et une carte autographe sur Arches. Travail préparatoire de Char, à fin d'édition, pour L'Alouette , adressée à Ciska Grillet et titrée " René Char - A Ciska Grillet. L'Alouette ", avec la dédicace trois fois répétée, ainsi que d'une carte sur papier crème : " écris un peu trésor. Je deviens inquiet sans nouvelles de toi, de tout. As tu mal [souligné] ? A bas les genoux même sans prie-dieu. R. ".
René Char offrira à la même Ciska Grillet un exemplaire de l'Alouette, dédicacé. En septembre 1943, Char s'engagea dans les Forces Françaises Combattantes, au sein desquelles il est rapidement nommé responsable de la section atterrissage et parachutage des Basses-Alpes. C'est à cette époque qu'il rencontre Ciska Grillet. Il habitait alors une laison à la sortie du village de Céreste. "J'ai connu durant l'hiver de 1943, [...] dans un logis perdu des Alpes de Provence, une jeune femme qui partageait son temps entre l'aide difficile aux réfractaires et un frêle chevalet où elle se plaisait à appuyer des toiles qu'elle peignat avec amour [...]". (Recherches de la base et du sommet, in René Char, Oeuvres poétiques, Pléiade, p. 66). C'est en partie pour elle qu'il travaille à l'édition des Quatre fascinants, bestiaire comptant parmi les créatures fétiches du poète : le taureau, la truite, le serpent et l'alouette, cette dernière comme famillière des eaux de la Sorgue. Char, deux ans auparavant, préfaçait le catalogue de l'exposition de Ciska Grillet à la galerie Claude, à Paris.
Paris, G.L.M., Paris, G.L.M.1967 ; in-16 carré, broché. 50 pp., 3 ff.ÉDITION EN PARTIE ORIGINALE. Ces réflexions sur la poésie avaient paru pour la première fois chez G.L.M. en 1958. Dix ans plus tard, Guy Lévis Mano imprime en caractères Bodoni cette nouvelle édition augmentée, à 998 exemplaires numérotés “Le poète est la partie de l’homme réfractaire aux projets calculés. Il peut être appelé à payer n’importe quel prix ce privilège ou ce boulet. Il doit savoir que le mal vient toujours de plus loin qu’on ne croit, et ne meurt pas forcément sur la barricade qu’on lui a choisi.”Un des 968 exemplaires sur bouffant fleur d’alpha (n° 160) offert par René Char au poète René Ménard. ENVOI AUTOGRAPHE sur un carton au verso du faux-titre “À René Ménard dans une pensée fraternelle qui ne l’a jamais quitté, année après année, René Char. Les Busclats 16.1.68”René Ménard (Paris 1908 - Fontainebleau 1980) avait publié des poèmes dans la revue Empédocle (dirigée par R. Char et A. Camus) au début des années 50. C’est à cette période qu’il s’était lié d’amitié avec Char, Guillevic, Follain.
« Les Busclats, 9 décembre 1965 ». 1 carnet japonais en accordéon (160 x 90 mm) de 19 f., sous couverture de papier dominoté, étiquette titrée au premier plat, étui papier. Manuscrit autographe : une version pour sa compagne Anne Reinbold.
« Nous tombons », publiée dans La Parole en archipel, est une oeuvre importante dans laquelle Char définit son art de l'aphorisme : des archipels de vers isolés au milieu de l'océan de sa poésie. Il en offre ici une version soignée et recopiée pour Anne Reinbold, au tout début de leur histoire, qui débute pendant l'été 1965. Le poète offre à sa nouvelle muse ce poème au mois de décembre. Prélude d'une longue histoire de près de vingt ans. Les aphorismes poétiques de Char, ce que le poète a appelé La parole en archipel, publié en 1962, révèlent la pudeur du poète, en particulier quant à son expérience de la guerre et du maquis : « Je redoute tant l'impudeur, le trop dire » confie-t-il à Camus en 1954. C'est peu de dire que l'écriture brève est primordiale chez lui, tant la forme de l'aphorisme a toujours sa préférence et domine l'oeuvre de bout en bout, qualitativement et quantitativement. Le recueil contient plusieurs groupes de poèmes écrits entre 1952 et 1960, extraits de Lettera amorosa, La Paroi et la Prairie, Poèmes des deux années ou encore La bibliothèque est en feu. « Nous tombons », alors inédit, y figure en bonne place et sera un poème choisi par René Char pour le confier à un artiste - en l'occurrence Joseph Sima - afin d'être enluminé, ce qui sera fait en 1963. Exposé à la galerie des Zervos, il fait aujourd'hui partie de la collection des manuscrits enluminés de René Char conservé à la Bibliothèque nationale de France. Très beau document, aux premières heures de la relation d'Anne Reinbold et de René Char.
Paris, Les Éditions Surréalistes, 1931. In-4, 33 pp., broché, couverture originale imprimée (minuscules déchirures et taches au dos).
Édition originale de ce recueil de poèmes de René Char. Un des 95 exemplaires imprimés en noir sur papier Vidalon à la forme, second papier après 5 exemplaires tirés en vert. Cet exemplaire est enrichi d'un envoi autographe signé de René Char à Tristan Tzara. Les deux hommes se sont probablement rencontrés dans les cercles surréalistes parisiens lors de la venue de Tzara à Paris. Ils adhèrent tous deux au mouvement en 1929 et Char dédie un de ses poèmes non publié au poète d'originale roumaine. Tzara rédigera le prière d'insérer du Marteau sans maître de Char en 1934. On joint un morceau de l'enveloppe avec l'adresse autographe de René Char. Exemplaire non coupé. Voir photographie(s) / See picture(s) * Membre du SLAM et de la LILA / ILAB Member. La librairie est ouverte du lundi au vendredi de 14h à 19h. Merci de nous prévenir avant de passer,certains de nos livres étant entreposés dans une réserve.
Précieux exemplaire enrichi du manuscrit autographe du dernier poème du recueil, " pour une vierge ", signé et daté du 10 octobre 1927. Le poète a tout juste 20 ans. C'est l'un des plus anciens manuscrits de René Char connu ; ceux de cette époque sont rarissimes et il n'existe pas de manuscrit du recueil, les poèmes autographes ayant été dispersés par le poète et, pour certains, détruits. Paris, Le Rouge et le Noir, (20 février) 1928. 1 vol. (130 x 165 mm) de 63 p. et [4] f. Maroquin taupe, dos lisse, titre doré, tête dorée, couverture et dos conservés, étui bordé (reliure signée de Clara Gevaert, titrage de Claude Ribal). Édition originale. Illustrée de trois compositions à pleine page de Louis Serrière-Renoux. Un des 150 exemplaires sur papier vergé (n° 89) - après trois exemplaires sur Lafuma-Navarre. Envoi signé : « À Michel Rousselot, homme de sac et de corde, d’une main sûre pour qu’il colle à la balle. Son ami, René Char ». Précieux exemplaire enrichi du manuscrit autographe du dernier poème du recueil, « pour une vierge », signé et daté du 10 octobre 1927.
Le poète a tout juste vingt ans. C’est l’un des plus anciens manuscrits de René Char connu ; ceux de cette époque sont rarissimes et il n’existe pas de manuscrit du recueil, les poèmes autographes ayant été dispersés par le poète et, pour certains, détruits. Ce premier livre de l’auteur – le seul publié sous le prénom de René-Emile – regroupe des poèmes écrits en 1925 et 1927, qui contiennent pour certains des élans surréalistes. Depuis 1925, Char suit des cours de l’École de commerce de Marseille, sans réel intérêt pour la chose, et certaines de ses errances et rencontres amoureuses dans les quartiers populaires de la ville sont évoquées dans ses premiers poèmes. En 1927, il effectue son service militaire à Nîmes, dans l’artillerie, pendant dix-huit mois. C’est pendant cette période qu’il met en forme son recueil, qui publié en juin 1928, près de six mois après son impression, aux Éditions Le Rouge et le Noir, à compte d’auteur. Il en offre alors quelques exemplaires à des proches : amis de Marseille et du contingent de Nîmes, et quelques poètes locaux, ainsi qu’à Jules Supervielle, seule véritable destinataire « littéraire ». On connaît ainsi des exemplaires dédicacés à Maurice Courtois-Suffit, Jean Gleizes, Armel Ferrand, Lucien Franchi, Jules Supervielle, donc, et, bien plus tard, à Yves Breton, Yves et Jeannette Tanguy et Paul Éluard – tous envoyés tardivement. Entretemps, le poète détruira une bonne partie des cent-cinquante-trois exemplaires : « Leur titre me devint rapidement haïssable ; mais à vrai dire, derrière ce titre, c’étaient des poèmes dont je n’étais guère fier », et n’évoquera plus cette parution dans sa biblio-graphie, la faisant ensuite débuter à la parution d’Arsenal. Dans la revue éditée par la même maison d’édition, Georges Dupeyron écrira cependant en novembre 1928 : « L’auteur est un poète ; il en a l’instinct, c’est-à-dire que poussé par une sensibilité toute puissante, il essaie de construire un nouvel ordre. » Plus critique, G. Goubeyre, écrit la même année dans La Cigale uzégeoise : « Ces courts poèmes indiquent une vie intérieure qui n’arrive encore que difficilement à se concrétiser sous forme verbale. » Le poète en prend acte et publie en 1929, dans la revue mensuelle de littérature et d’art Méridiens, qui connaîtra trois livraisons et révèlera André Cayatte, plusieurs poèmes qu’il rassemblera ensuite pour former un deuxième recueil, Arsenal, qui paraît en août 1929.