CHAMBORD (Comte Henri de, petit-fils de Charles X, prétendant à la couroone de )
Reference : 54418
6 pages et demi in-8.Cette longue lettre a été adressée par le comte de Chambord en exil au château de Frohsdorf en Autriche, à un général qui lui a fait un affligeant tableau de la situation intérieure française : Lannée qui va finir, mon cher ami, na pas été heureuse pour lEurope et en particulier pour la France. La gravité des circonstances frappe tous les esprits (…) Partout on arme, partout on prépare des moyens formidables de destruction et de guerre. Les évènements dont lAllemagne et lItalie ont été le théâtre ont confondu tous les calculs, trompé toutes les prévisions, rompu brusquement léquilibre Européen et aucun pays nen a ressenti plus vivement que le nôtre le douloureux contrecoup. Cependant grâce à Dieu, en considérant avec calme et de sang-froid létat des choses, je ny vois rien pour nous dirréparable. Notre influence prépondérante a été profondément atteinte, mais une sage et ferme conduite, sans témérité comme sans faiblesse, peut la relancer.Suivent des considérations sur ce que doit être une politique prévoyante, et limportance de lautorité du Pape et du rôle de léglise qui est remise en cause. Il évoque la Gesta Dei per Francos (laction de Dieu passe par les Francs) : je veux dire la souveraineté temporelle du chef des églises, indispensable garantie de son indépendance et du libre exercice de son autorité spirituelle dans tout lunivers (…) La France aurait quelque chose de plus à offrir au Saint Père quun appui provisoire et passager ; soutenu par elle Pie IX naurait rien à craindre de ses ennemis (…) Aujourdhui nous touchons peut-être à une catastrophe, dont les conséquences sont incalculables. Ce nest pas lavenir de la souveraineté pontificale qui est seule en péril. Jusque-là il ne sagissait, disait-on en dépouillant le chef de léglise de son pouvoir temporel, que de la ramener à la sainte et vénérable pauvreté de lâge apostolique, afin que déchargé de tous les soins de la terre, il put exercer librement son autorité spirituelle. Mais maintenant on ne se cache plus ; dans son pouvoir temporel cest bien son autorité spirituelle quon veut atteindre, cest au principe même de toute religion et de toute autorité quon sen prend (…) Alors il ny aura plus entre les hommes dautre lien que lintérêt. La justice ne sera plus quune convention, il ne restera plus dautre moyen pour lobtenir que la force, et lédifice social miné jusque dans ses fondements sécroulera de toutes parts (…) Non la cause de la souveraineté temporelle du pape nest pas isolée, elle est celle de toute religion, celle de la société, celle de la liberté. Il faut donc à tout prix en prévenir la chute. Daprès le comte de Chambord, il faut un pouvoir fondé sur lhérédité monarchique respecté dans son principe et dans son action, sans faiblesse comme sans arbitraire, un gouvernement représentatif dans sa puissante vitalité, des dépenses publiques sérieusement contrôlées, le règne des lois, le libre accès de chacun aux emplois, la liberté religieuse et les libertés civiles, une administration intérieure dégagée des entraves dune centralisation excessive, la propriété foncière rendue à vie et à lindépendance, le commerce et lindustrie constamment encouragés, et au-dessus de tout cela une grande chose ! lhonnêteté (…) Est-il nécessaire dajouter quaprès tous ses déchirements, un des premiers besoins de la France cest lunion. La seule politique qui lui convienne est une politique de conciliation (…) qui fasse appel à tous les dévouements, à tous les mérites, à tous les nobles cœurs qui aiment la patrie comme une mère, la voudrait grande, libre, généreuse et honorée. Quant à moi, ma douleur est surtout les maux de mon pays ; sans quil me soit donné de les partager, mais si dans les épreuves quil faut encore avoir à partager, la Providence mappelle un jour à la servir, nen doutez pas vous me verrez paraître résolument au milieu de vous, pour vous sauver ou périr ensemble.Après avoir été roi de France pendant dix jours sous le nom dHenri V, le comte de Chambord sexila au château de Frohsdorf à la suite à la révolution de Juillet. Comme en témoigne la fin de cette lettre, il ne perdit jamais lespoir de revenir en France. Il reste dans lHistoire comme le fondateur de la IIIe République.Beau et émouvant document qui révèle les idées politiques et les conseils du comte de Chambord, dont de nombreux pourraient être encore d'actualité. Traces de plis, marge d'un des feuillets abîmée.