[CAHIERS AUREVILLIENS] - Baron Jean de BEAULIEU, fondateur et rédacteur aux « Cahiers ».
Reference : 32C23
Très intéressante correspondance relative à Barbey d’Aurevilly et aux « Cahiers Aurevilliens », revue culturelle de luxe tirée à 300 exemplaires, qui fut principalement consacrée à l'écrivain Jules Barbey d'Aurevilly, avec les soutiens et participations de Jean de Beaulieu, Jules Bertaut, Georges Blaizot, François Coppée, La Varende, René Dumesnil, Léo Larguier, Georges Lecomte, Pierre Normand, pour n’en citer que quelques-uns. Fondée en 1935 en association par le baron Jean de Beaulieu et la Société Barbey d'Aurevilly. Sa publication se termina après la parution de 10 numéros en 1939, conséquences des hostilités de la Seconde Guerre mondiale. 14 Décembre 1939. C’est le début de la seconde guerre mondiale. Il écrit à son ami depuis sa vieille propriété à « La Saussaye » où il s’était replié avec sa famille depuis la tourmente de la guerre. Il lui indique avoir reçu des nouvelles de « Jouvin », [Henri Jouvin, qui était l’administrateur et gérant des Cahiers], qui s’est rendu à Paris et qui a trouvé la librairie fermée. Il ajoute avoir reçu une lettre-réponse du directeur de l’Ouest Eclair, Pierre Arthur, [l’un des rédacteurs des Cahiers] dans laquelle il lui assurait « d’être en mesure, malgré les hostilités, de faire paraitre « le prochain Cahier Aurevillien, le n° 10 ! ». Il lui explique, ce qu’il est en train de préparer. « C’est long et ce n’est pas commode avec tous mes collaborateurs dispersés. Ce serait une excellente chose de le publier en ce moment, et cela prouverait notre force et notre vitalité ! Mais comment ferons nous pour la vente du n°, avec votre librairie fermée, l’accueillante maison de notre dévoué et avisé dépositaire général ? ». Concernant le conflit il se veut rassurant. « J’espère que nous n’aurons pas un second hiver de guerre. D’ailleurs, d’après des renseignements très sérieux que j’ai eus, le dénouement s’obtiendra, je crois, beaucoup plus du côté diplomatique, économique et politique que du côté militaire. Enfin nous tenon le bon bout, nous sommes parés à toute éventualité fâcheuse, et c’est beaucoup, et c’est même tout. ». 4 Avril 1940. Il lui indique qu’il a envoyé les textes au complet du 10ème cahier à M. Pierre Arthur, le 19 Mars dernier. Le sachant à Paris, il lui demande, de se rapprocher du Directeur de l’imprimerie de l’Ouest-Eclair, M. Drouadaine, afin de connaître l’avancée de ce travail. Il lui avoue qu’il souhaiterait une parution pressée. « Si nous pouvions paraitre fin Avril ou commencement de Mai ce serait parfait. Je serai donc heureux de recevoir ici les épreuves à corriger, bientôt et je ne les garderai pas longtemps. ». 13 Mai 1940. Dans cette troisième lettre, il s’excuse du délai de sa réponse tardive, et s’en explique en lui indiquant « qu’il a reçu et corrigé les épreuves du cahier n°10 » et qu’il les a renvoyées « dès mardi dernier à M. Pierre Arthur ». Il lui décrit ensuite en quelques lignes, le contexte dramatique qu’ils subissent. « Voilà les heures tragiques attendues depuis des mois, arrivées. On puise du courage dans sa foi, on ne doute pas du succès final mais on pense avec angoisse à toute la jeunesse. Je souhaite que ces heures d’épreuves soient courtes et en particulier que Madame Courville et vous-même les passiez le moins péniblement qu’il se pourra ». 7 janvier 1943. Après lui avoir adressé en retour ses meilleurs vœux, « Puisse-t-il vous apporter la fin des maux de l’heure présente et voir l’aurore du relèvement de notre malheureux pays ! », il l’informe avoir vendu sa « propriété de Normandie » et avoir tout transféré à Paris, dans son appartement. Il lui signale qu’il est intervenu à deux reprises à Radio-Paris, à la fois sur Barbey d’Aurevilly, « génie immortel » et sur Victor Hugo, « le Victor Hugo des Choses vues ». Il lui annonce également la parution imminente de son dernier livre « Je ne sais pas si je vous ai parlé du grand ouvrage - grand par le sujet -, que j’ai écrit dans le courant de l’hiver 1941-1942, ouvrage dans lequel j’expose ma doctrine politique et sociale. Il va paraitre très prochainement (vers la fin janvier), au Mercure de France ». Il a célébré avec l’écrivain Jean de La Varende, son élection à l’Académie Goncourt. « Je lui avais conseillé de laisser de côté l’Académie Française, cette vieille dame, qui sommeille ramollie dans son fauteuil et ne se réveille que pour proférer des propos rétrogrades et totalement incompréhensifs des problèmes de l’heure ». Il lui signale également, toujours à propos de La Varende, qu’il vient de publier son dernier ouvrage. « Un roman qui égale s’il ne les dépasse, Nez de Cuir et le Centaure de Dieu ». 7 juillet 1943. Six mois se sont écoulés, et s’inquiète du silence de son ami. « Je vous ai adressé il y a environ un mois, mon livre qui venait de paraître au Mercure de France : l’Europe de Demain. N’ayant reçu aucune nouvelle de vous, je suis un peu inquiet du sort de l’exemplaire à vous envoyé, et je n’ai rien reçu non plus de Pierre Arthur, servi en même temps que vous ». 15 Janvier 1944. Devenu lecteur aux Editions Alsatia, « maison importante et prospère », il lui assure que « c’est une besogne décemment rétribuée » et que « la lecture de quelques excellents manuscrits, compense l’ennui " d’avaler " ceux qui sont médiocres ». Concernant les différents bustes d’Aurevilly, il lui précise ses actions « Lors de la récupération des métaux, j’avais été assez heureux pour sauver de la fonte le buste de Barbey d’Aurevilly par RODIN, à Saint-Sauveur-le-Vicomte, et ce maintien en place, est je crois, maintenant définitif. Mais le buste que j’avais inauguré à Valognes en 1938, œuvre d’un sculpteur normand de talent a été fondu. En remplacement, les Beaux-Arts ont commandé à un autre artiste une statue en pierre de 5 m de haut. Celui-ci m’avait demandé des renseignements sur l’iconographie de Barbey et un peu mes directives […] J’étais inquiet, me méfiant de la sculpture officielle et surprise agréable, nous nous sommes trouvés, ma femme et moi en face d’une œuvre à la fois ressemblante, sobre et grandiose ».