Très belle lettre. Il envoie au Directeur une version revue, corrigée et améliorée de sa pièce « Jean Le Cocher » (drame en 5 actes, précédé d’un prologue en 2 tableaux, Paris, Théâtre de l’Ambigu-Comique, 11 novembre 1852) qui a eu du succès. Il explique les raisons qui, d’après lui, n’ont pas permis à sa pièce de rencontrer la réussite méritée et lui propose de jouer cette nouvelle version dans son théâtre à Paris. « N’ayez pas peur ! Le paquet qui accompagne cette lettre est inexplosible. Ceci vous représente la pièce de Jean le Cocher, depuis longtemps revue et corrigée, et je le crois, améliorée. Me direz-vous ! Pourquoi ce travail ? Voici pourquoi. Cette pièce qui a eu un très heureux sort avait cependant contre elle deux bien mauvaises chances, et le temps m’a démontré que j’avais commis deux fautes. 1ère faute – mauvais titre. Jean le sous-officier. Voilà son vrai titre. De prime abord, un sous-officier peut exciter quelque sympathie, mais un cocher ? Aucune. 2ème faute : 5ème acte concluant mais lourd et sans effet. La première mauvaise chance, vient de l’obligation, dans laquelle se trouva le Directeur qui, pressé par de mauvaises recettes, fut forcé de suspendre la longue exécution d’un décor, ce qui supprima un tableau de quelques minutes de durée et d’un effet matériel assurément très certain. La deuxième mauvaise chance fut la situation dans laquelle je me trouvais. Ayant à choisir, entre, aider à la ruine du directeur, ou donner mon rôle à St Ernest, artiste d’un très grand talent mais impuissant à laisser à Jean sa physionomie, jeune, ardente et résignée, puisqu’il fallut le vieillir à l’état de père noble. Et cependant, en dépit de tant de conditions fâcheuses la pièce jouée le 11 Novembre 1852, alla jusqu’au milieu de de février 53, avec de fort bonnes recettes. Elle avait donc un peu de force en elle-même. Quand j’ai appris que la réunion des plusieurs théâtres dans vos mains, autorisait la réunion des troupes, il m’est arrivé de songer que peut-être un jour Dumaine (l’acteur de théâtre français Louis Dumaine), l’homme et l’ame de Jean, pourrait le jouer à côté de Laurent, inimitable dans Petit Pierre. Et saisi d’une sainte ardeur, j’ai rétabli le tableau regretté, et refait un cinquième acte, non pas plus long, mais certainement meilleur. Ce travail accompli, l’entrain nécessaire pour m’en servir, m’a manqué, et depuis près de 2 ans, je l’ai gardé dans mon tiroir. Ce que je viens vous demander aujourd’hui, c’est de vouloir bien le faire passer dans le vôtre. Voilà toute ma prétention. Si une occasion, quoiqu’ imprévue, peut être favorable à cette pièce, elle naitra plus tôt à Paris qu’à Chatenay… ».