1621 1 Titre allégorique gravé (signatures anciennement et proprement noircies !) 6 ff.n.ch. (2 dédicace, 2 épistre, indice des matières, advertissement) 569 pp. (au verso, privilège du 16 janvier 1621 pour dix ans). Manque la page de titre. Ex-libris armorié "Gualterius Young" (Trip Coll Dub, en pied) à la devise : Robori - Prudentia - Praestat. Rouen, Romain de Beauvais et Jean Osmont, 1621, petit in-4° reliure moderne plein maroquin bordeaux, titre or sur dos 5 nerfs à élégant décor géométrique aux caissons dans double filets d'encadrement, roulette sur les nerfs, plats à la Du Seuil, triple filets à petits écoinçons avec fer extérieur dans un triple filet d'encadrement, tranches rouges, roulettes sur les coupes, dentelle intérieure, contreplats peignés, gardes mobiles blanches ; deux éraflures au premier plat ; minime galerie de vers en pied du petit fond des 40 premières pages ; petit trou en I et en I3 avec atteinte à une lettre p. 63 et p. 68 ; manque en pied sans atteinte au texte p. 341.
Édition originale fort rare. Elle est remarquablement imprimée (notamment avec une magnifique italique), contrairement à toutes les éditions examinées par Brémond, « fort mal imprimées ». Lettres ornées, bandeaux, culs-de-lampe et figures dans le texte, gravés sur bois.Thiébaud précise que deux chapitres traitent de chasse : la vénerie, et la chasse des bêtes, des pages 1 à 22 ; la fauconnerie française est page 23 à 43. À signaler également les pages 208 à 234 : les oyseaux ; pour parler du vol des oiseaux en général.L'ouvrage connut un très grand succès et fut réédité plus de vingt fois jusqu'en 1657. « Un des plus extraordinaires livres baroques français. Cest une véritable encyclopédie poétique dont il faudrait tout citer » selon Oberlé. Le jésuite Étienne Binet (1569-1639), recteur des collèges de Rouen et de Paris, puis Provincial de France, est lauteur de nombreux ouvrages théologiques. Brémond, qui le classe parmi les « encyclopédistes dévôts » dans son Histoire du sentiment religieux en France, consacre de nombreuses pages à louvrage, « un vrai trésor () Théophile Gautier qui raffolait de ce genre douvrages, aurait fait de lEssay des merveilles un de ses livres de chevet. Romanciers, historiens, simples amateurs le liraient avec délices. Malgré sa jolie patine archaïque, cette encyclopédie est conçue dans un esprit déjà tout moderne. Très différent sur ce point des compilateurs qui lont précédé et de la plupart de ses contemporains, Binet nemprunte pas son érudition à lautorité des anciens. Merveilles de la nature, des métiers et des arts, il semble avoir tout observé de ses yeux. Il sest fait jardinier, médecin, chasseur, astronome et que sais-je encore » Dans sa préface, Binet manifeste un souci fondamental pour la lexicologie et affiche un but pédagogique précis : il est « composé pour lusage des jeunes esprits qui apprennent lart de parler, à dessein que les mots et par suite les choses ne leur manquent jamais et quils puissent toujours paraître à leur avantage. » Selon Ilana Zinguer, lenchaînement apparemment insolite des sujets répond à un ordre déterminé : « LEssay des Merveilles offre soixante-deux entrées, qui font chacune lobjet dun chapitre, ensuite regroupé en séries et précédé dun texte liminaire, le tout sous légide dune « épître nécessaire au lecteur judicieux », de caractère général. La disposition relève de celle dun palais de curiosités « littéraire », pour encyclopédiste, et obéit à la loi associative des « glissements par contiguïté » (G. Genette) ainsi lon passe du vin à lart dimprimerie par le biais de la presse. () Aux créations naturelles merveilleuses, (le moucheron, leau, les poissons, dont le mystérieux rémora, la tempeste), succèdent les accomplissements de la civilisation (le jardinage, limprimerie, la peinture, la médecine, larchitecture, les mathématiques, léloquence, la musique, etc.). Une dernière série comprend plusieurs chapitres entièrement consacrés aux merveilles des plus extraordinaires et des plus inexplicables : de lhomme, des vers à soie, du ciel, du feu et de lair, de la rosée et surtout de larc-en-ciel. Lhomme, merveille des Merveilles, gouverne tout lEssay de Binet : « Ce chef-duvre de la main toute puissante de Dieu est le miracle du monde, et la merveille des merveilles. Son corps est labrégé de toutes les éminentes perfections de lUnivers, son esprit un épitomé des grandeurs de Dieu et des Anges ; son entendement un thresor des sciences, sa mémoire un vray prodige qui conserve dix millions de choses rares, sa volonté un vray paradis de vertus, [] je vous donne piece a piece toute leconomie de ce petit monde qui est a la vérité du tout miraculeux. » (De lhomme, Au lecteur, p. 544) « La nature macrocosme et microcosme est une machine créée par un divin créateur ; les uvres humaines sont limitation, la prolongation, le perfectionnement de cette création divine. Les conquêtes spirituelles et esthétiques de lhomme, le triomphe de son intelligence témoignent dune conception nouvelle de la relation entre la nature et les artifices. Au lieu dune coupure entre le monde de la nature et le monde de la culture se sont instaurés accord et continuité : le cantique des créatures trouve un écho naturel dans les inventions, et les triomphes de lart nont rien dhérétique. « Le projet encyclopédique de Binet saccomplit en ces termes, systématiquement répétés : à lintention des virtualités projetées des préfaces, succède la description technique pointilleuse du texte ; lobjet visé est exploré sous tous ses aspects linguistiques, dilué, ramifié, diffusé à partir dune précision et dune richesse de termes exceptionnelles. Les deux parties ne pouvant être séparées, cest leur ensemble qui produit lEssay. Le regard, lintention de Binet cherchent une pleine réalisation et satisfont la curiosité de tous en fournissant un maximum dinformations sous la forme condensée de la liste, de lénumération, de lellipse. Ce qui lui permet de faire face à toutes les exigences du genre encyclopédique et pédagogique, du collectionneur de curiosités. » (Ilana Zinguer : D'une vanité à l'autre, du Palais des Curieux à l'Essay des Merveilles de nature (Dans Littératures classiques, 2005/1 (n° 56), pp. 219 à 231). Le privilège fut accordé conjointement aux deux libraires rouennais Romain de Beauvais et Jean Osmont. Outre la présente édition originale, il existe la même année des exemplaires au seul nom de l'un ou l'autre libraire, également rares.« Romain de Beauvais est lun des plus actifs éditeurs rouennais des trois premières décennies du XVIIe siècle. De 1597 à 1637, ce sont plus de cent éditions ou rééditions qui portent seul ou en société restreinte (Jean Osmont et Théodore Reinsart) le nom du libraire de la cathédrale. () Le gros de sa production consiste en ouvrages religieux ; sy ressent aussi linfluence de la Compagnie de Jésus. Romain de Beauvais nest pas absent du répertoire profane, nombre de ses confrères du Palais lui offrant plus dune fois de prendre part, avec des titres divers. () Le rayonnement éditorial de Jean Osmont I saffirme dès 1597. Ce libraire réalise très tôt, seul ou en association, un nombre considérable déditions. () Il participe, par exemple, à la reprise rouennaise, en deux éditions partagées, des Essais de Montaigne. » J.-D. Mellot, Lédition rouennaise et ses marchés (vers 1600 vers 1730), pp. 83-85, 68 & 96.LEssay des Merveilles de nature porte bien son titre, lémerveillement et la jubilation de Binet à établir ce formidable inventaire étant communicatifs Cioranescu I, 11280 - Oberlé (dithyrambique), Fastes de Bacchus et de Comus, 371 - Thiébaud, col. 93 - J.-D. Mellot, Lédition rouennaise et ses marchés (vers 1600 vers 1730), pp. 83-85, 68 & 96.