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‎[BALLON MONTÉ] -‎

Reference : 46404929

‎2 longues lettres autographes signées relatant la vie à Paris durant le siège. Novembre décembre 1870. 7 pp. in-12. Adressées à Clara d’Espinay résidant alors au château de Theix, par un membre de sa famille. Adresse, timbres et cachets.‎

‎ 1) “45e jour du siège de Paris [1er novembre 1870]. Ma chère Clara, nous avons passé hier une rude journée dont il me souviendra. La veille nous nous avions éprouvé au Bourget (en avant d’Aubervilliers) un échec dont le 14e bataillon de mobiles de la Seine et le bataillon des franc tireurs de la Prusse avaient fait les frais. Cela avait fort mal disposé la population des hauts quartiers et dès le soir on pouvait pressentir quelque chose pour le lendemain. L’armée de Thiers à Paris avec la nouvelle de la reddition de Bazaine a fait éclater les événements. Les communistes ont trouvé l’occasion bonne pour faire un coup de main sur l’hôtel de ville et ils en ont profité et à une heure les bataillons de la garde nationale qui sont à leur dévotion ont commencé à se poster sur le palais et à 5 heures, ces MM. après avoir coffré une partie des membres du gouvernement, s’étaient installés à leur place et avaient proclamé la commune mais les membres restés libres n’ont pas croisé les bras, ils ont battu le rappel dans tout Paris. On dit que le soir vers 10 heures plus de 150000 gardes nationaux se trouvaient ainsi massés sur plusieurs points. On a fait cerner l’hôtel de ville ; on a délivré les prisonniers, désarmé cinq cents émeutiers, dispersé le gouvernement improvisé et rétabli les choses dans l’ordre. À 3h du matin Trochu a passé la revue de la garde nationale sur la place Vendôme et le long de la rue de Rivoli et il a été partout acclamé. Ce matin tout était calme (...) Il est question d’une amnistie sérieuse qui nous permettrait de faire appel au pays, de nommer nos représentants et de leur remettre en mains les destinées de la France. Une paix convenable sortira t-elle de là ? Espérons-le. Il est bien temps que tous ces désastres aient une fin, cependant il vaudrait encore mieux continuer la lutte que de se laisser mutiler par M. de Bismarck. La France est encore assez forte pour se dégager des étreintes de la Prusse (...) La viande fraîche n’abonde plus sans doute notre ration quotidienne est fort minime mais nous avons la ressource d’un cheval et nous en profitons (Il y a encore bien des fiacres dans Paris). Les légumes frais sont chers mais ils ne font pas défaut, le beurre vaut 19 francs la livre. On n’en achète pas. Les œufs sont à 35 et 40 centimes la pièce, on s’en passe d’autant plus facilement qu’ils ne sont pas pondus d’hier. Un lapin de clou se vend 12 francs, le fromage n’a pas de prix ; on n’en trouve plus depuis longtemps, en somme on fait une cuisine d’une grande simplicité. Nous autres nous avons une grande ressource : c’est la ration que la Marine délivre chaque mois. Elle a ses réserves cette bonne marine et contre un modique remboursement elle nous donne des vivres de bonne qualité sous forme de ration de bord. J’ai droit à une ration et cela nous fait du nanan pour les jours de détresse. Arthur qui n’est pas commode à nourrir est assez malheureux. Il est fâcheux en temps de siège de n’aimer que la viande rôtie et de faire fi des pommes de terre et des haricots. Une grande ressource c’est le thon mariné ! Nous en avons fait grande provision, en outre la Marine nous en donne dans la ration. Nous en avons mangé souvent ces jours-ci car notre cuisinière n’ayant pu se faire servir le jour où c’était notre tour de viande fraîche nous avons passé six jours sans pouvoir en avoir. Le cheval même ne se trouve pas facilement. Il ne paraît pas qu’on se soit battu sous les murs de Paris depuis dimanche (...) peut-être sacrifie-t-on des deux côtés le jour de la Toussaint (...) Ah ! Je paierais bien une lettre de vous ! Nous vous avons écrit souvent et on prétend qu’aucun de nos ballons montés ne s’est encore perdu, vous avez donc du recevoir tous nos billets (...) Nous sommes toujours réduits aux hypothèses sur votre compte (...) On a été obligés de manger toutes les bêtes du jardin d’acclimatation. Ceci s’est vendu fort cher. Nous aurions bien voulu goûter au yack. Notre boucher voisin en avait acquis un mais les prix qu’il demandait n’étaient pas de notre compétence. Pauvre jardin, pauvre bois de Boulogne, nous ne le reverrons plus ! (...)” Par ballon monté Madame Espinay chez Madame de Chauvassaigne château de Theix près et par Clermont Puy de Dôme. Timbre à 20 c. Cérès bleu “du siège”, ce timbre titré “République française” fut imprimé en remployant des plaques de 1849 qui se trouvaient encore dans la capitale. Il est oblitéré avec un losange criblée portant le n° 105, cachets postaux à date de Paris (? nov 70) et Clermont (4 nov 70). Ce pli aura donc voyagé à bord du ballon le Fulton qui décolla le 2 novembre de la gare d’Orléans à Paris avec 250 kg de courrier monté par l’aérostier Le Gloannec et son passager Ernest Cézanne. Ils se sont posés à Chanzeaux près de Cholet après un vol de 5h15. 2) “105e jour du siège de Paris [30 décembre 1870]. Quelle année des désastres et des malheurs que celle qui finit aujourd’hui, ma chère Clara. L’histoire des peuples n’en offre pas de pareille. MM. les Prussiens ont voulu l’enterrer avec pompe, aussi depuis 4 jours ils ont ouvert un feu terrible contre nos forts et ouvrages de l’Est. On calcule qu’à l’heure qu’il est ils nous envoyé au moins 450000 kilog de projectiles. Heureusement tout cela fait plus de bruit que de besogne ; la population de Paris ne s’en émeut pas plus qu’il ne faut. Ce qui nous préoccupe plus c’est l’absence de nouvelles du dehors due eu froid intense qui règne depuis dix jours (...) ce froid est bien pénible pour ceux qui ne peuvent se chauffer, pour nos troupes campées dehors. On y pense sans cesse et cela rend très malheureux (...) Les ressources en combustibles sont très limitées et on s’est forcé de les ménager le plus possible, notre appartement est une glacière, il gèle dans toutes les pièces sauf dans ma petite bibliothèque où nous faisons du feu depuis 10h du matin jusqu’à 10h du soir. Nous sommes contents quand nous y avons 8 degrés (...) Maintenant c’est une résignation, un courage empreint d’une bien profonde tristesse. Hélas ! Quel chagrin, ma chère Clara ! Quel coup ! Il y a des moments où il ne me semble pas possible que cela soit - Et pourtant cela est - Le pauvre enfant est là haut à Montmartre sous la pierre, et nous ne le verrons plus. Et sa maladie a été si terrible, si fourdroyante que nous n’avons pour ainsi dire pas vu notre pauvre enfant pendant les six jours qu’elle a duré. Nous n’avons vu qu’un malade égaré qu’il fallait souvent tenir de force dans son lit. Il a eu cependant quelques moments de calme et de lucidité pendant lesquels il nous a fait des adieux des plus touchants. Ah ! ce souvenir est navrant ! Merci mille fois à vous tous, à tes enfants pour la bonne hospitalité que vous donnez à mon cher Marcel et à sa pauvre vieille mère. Nous en sommes profondément reconnaissants dis le bien à Madeleine et à son mari. Demain ce sera le jour de l’an, qu’il sera triste en comparaison de ceux qui l’ont précédé (...) Ah ! Puisse l’année qui va commencer être moins calamiteuse ! N’avons nous pas assez expié ? Mais il est des malheurs qu’elle ne réparera pas, qui ne seront jamais réparés ! Je t’embrasse de tout mon cœur pour moi et pour ma chère femme ; le chagrin et les fatigues l’ont rendue malade elle a été dix jours confinées. Elle va mieux maintenant et elle est sortie hier et ce matin mon beau frère a attrapé la scarlatine en m’aidant à soigner mon enfant. Il va mieux (...)” Par ballon monté Madame Espinay chez Madame de Chauvassaigne château de Theix Clermont Puy de Dôme. Timbre à 20 c. Cérès bleu “du siège” oblitéré avec l’étoile criblée portant le n° 35, cachets postaux à date de Paris (31/12/70) et Clermont. Ce pli aura donc voyagé à bord du ballon le Newton monté par l’aérostier Aimé Ours, parti le 4 janvier de la gare d’Orléans à Paris pour se poser après un vol de 9h30 à Digny près de Chartres en emportant une charge de 310 kg. Déchirure avec petit manque de papier.‎


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