Angelo De Gubernatis (1840-1913), ethnologue, philologue, orientaliste italien.
Reference : 016203
Angelo De Gubernatis (1840-1913), ethnologue, philologue, orientaliste italien. L.A.S., Florence, 8 décembre 1875, 2pœ in-8. A l'historien Gabriel Monod (1844-1912). « Cher Monsieur, Je suppose que c'est à votre bienveillance que je dois l'article charmant qui me concerne publié dans le dernier numéro de la Revue Critique. Permettez-moi pourtant une petite observation après avoir reçu mes sincères remerciements. Vous me reprochez, Monsieur, d'avoir « dit quelque part que Dall'Ongaro n'a rien à envier à la gloire de Byron ». Lorsque je nommais les poètes patriotes italiens qui ont combattu pour la liberté, j'ai pu dire, et je pense encore avec raison que l'Italie n'avait, sous ce rapport, rien à envier aux étrangers ; la Grèce a eu Riga, l'Allemagne Koerner, l'Angleterre Byron, c'est-à-dire, un poète soldat de la Liberté ; l'Italie en a eu plusieurs et je les ai nommés, et après les avoir nommés, j'ai ajouté « Anche, il nostro poeta (Dall'Ongaro) fu di questa animosa schiera ». Est-ce trop d'enthousiasme ? Je vous jure que je n'ai pas dit et voulu dire autre chose ; au reste, chaque lecteur italien a fort bien compris que je ne prétendais point comparer le génie poétique de Byron avec le talent de Dall'Ongaro, mais tout simplement indiquer que les poètes italiens de ce siècle ont été, en général, des excellents patriotes, et que Dall'Ongaro, à son tour, a parfaitement rempli son devoir. Vous étiez évidemment un peu pressé, Monsieur, en lisant la page où vous avez trouvé le nom de Byron ; mais si je ne pouvais féliciter mon pays d'avoir eu beaucoup de patriotes parmi les poètes, je demande à mon bienveillant critique ce qu'il faudrait dire des poètes courtisans , des poètes serviles. Vous m'accusez, cher Monsieur, de ne pas avoir accentué davantage les côtés faibles de mon ami ; j'ai une excuse bien simple : ce rôle peu sympathique en tous les cas, a été rempli à outrance par de nombreux ennemis, et je ne pensais pas que j'aurais rendu un grand service à la mémoire de Dall'Ongaro en reprenant pour mon compte et en accentuant les accusations qui ont par trop déchiré le coeur du poète, pendant qu'il était en vie ; je n'ai point fait l'apothéose de Dall'Ongaro ; mais, assurément, je me suis gardé de jeter des pierres sur son tombeau. Je n'ai pas, d'ailleurs, appelé mon livre un essai critique : mais tout simplement des ricordi. Je crois avoir été fidèle à mes souvenirs ; je me suis pourtant, je le sens, je le reconnais, ému quelquefois ; et je vous en demande grâce ; vous en auriez fait de même, je crois, mon cher confrère ; il n'y a pas encore trois ans que le poète est mort ; et sa soeur, pauvre délaissée, continue dans sa solitude et dans son désespoir à pleurer ; dans un demi-siècle, il n'y aura assurément plus de larmes en Italie pour Dall'Ongaro ; et alors on pourra entreprendre paisiblement un livre profond d'anatomie sur ce poète ; mais ni moi, ni monsieur Monod lui-même, s'il avait été l'ami de Dall'Ongaro, n'aurait pu imaginer à présent un livre aussi savant. Vous conviendrez d'ailleurs, cher Collègue, que pour certaines appréciations, il faut se fier un peu au bon jugement des gens du pays. Il n'y a pas deux ans que la Revue Critique dans un article aimable (11 avril 1874), pour faire honneur à sa réputation de juge sévère, me reprochait d'avoir dans mes Ricordi biografici compris parmi les hommes intéressants de l'Italie actuelle le poète Dall'Ongaro ; maintenant votre article commence précisément par ces mots : « François Dall'Ongaro est une des figures intéressantes de l'Italie moderne » à la bonne heure ! Nous commençons dont à nous entendre un peu ; et j'en suis heureux. je n'ai pas maintenant la prétention de voir insérée cette justification dans la Revue Critique ; elle ne s'occupe, je le vois bien et je l'en félicite sincèrement, que de ce qui est utile ; et probablement vous trouverez cette lettre de défense personnelle parfaitement inutile. Pourtant, si dans votre esprit d'impartialité, il vous se