Douai, Imprimerie de François Descamps, 1793 In-folio (430 x 310 mm) de 9 doubles ff., demi-veau émeraude, dos lisse, titre doré en long, tranches nues (reliure du XIXe siècle).
Reference : CLL-860
"Précieux document historique de la période de la Terreur. Daté de Douai, alors chef-lieu du département du Nord, le 20 août 1793, ce grand placard révolutionnaire en feuillets raboutés montés sur onglets en un volume in-folio, publie les noms, classés par districts, de toutes les personnes portées sur la liste des émigrés. Le département du Nord comptait 8 de ces subdivisions, mises en place de 1790 à 1795: Avesnes, Bergues, Cambrai, Douai, Lille, Hazebrouck, Valenciennes, et Le Quesnoy. Ces feuillets se présentent sous la forme de tableaux à colonnes donnant le nom, de famille et de baptême, des proscrits, leur profession ou qualité, ainsi que leur ancien domicile. Une dernière colonne laissée vierge était destinée aux ""observations"". Le phénomène de l’émigration, touchant d’abord les aristocrates, apparut au début de la Révolution, certains membres de la famille royale, tel le comte d’Artois donnant l’exemple dès juillet 1789. Les tantes du roi suivirent, avant le comte de Provence en juin 1791, et la malheureuse tentative avortée de la fuite à Varennes. Face à une partie de la noblesse et du clergé, les deux principales catégories concernées, qui avait choisi l’exil, l’Assemblée législative vota sans succès diverses mesures d’obligation au retour. Après la chute de la monarchie et l’organisation d’une armée des princes au service des ennemis de la République, la Convention condamna désormais à mort les émigrés arrêtés et fit inscrire leurs noms sur des listes. La période de la Terreur qui vit l’exacerbation de ces mesures s’appliqua de manière particulièrement inflexible dans le département du Nord. Ce territoire frontière, était en effet placé sous la menace de l’invasion des armées coalisées après les défaites de Dumouriez dans les Pays-Bas, puis sa trahison. En outre, alors qu’au même moment la Vendée se soulevait, le Nord était, avec les départements de l’ouest, un de ceux qui comptait la proportion la plus élevée (79 %) de membres du clergé ayant refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé. Parmi les plus de 1200 individus inscrits sur ces listes de proscription, figurent à la première place – par exemple 111 sur un total des 183 noms du district d’Avesne - les membres de ce clergé réfractaire; pêle-mêle ""ex-curé"", ""ex-religieux"", ""ex-chanoinesse"", ""vicaire"", ""ex-récollet"", ""oratorien"", ""ex-prieur"", ""ex-capucin"", ""ci-devant sœur grise"", ""ci-devant trinitaire"", ""ex-lazariste"", ""ex-archevêque"" (de Cambrai, Ferdinand de Rohan), ""ex-bénéficier"", ""prêtre réfractaire"", ""ex-coûtre"" (c'est-à-dire prêtre sacristain), ""ex-Augustin"", ""ex-jésuite"", ""ci-devant carme-déchaussé"", etc. Aristocrates et militaires, souvent des officiers nobles, constituent en nombre la seconde catégorie de proscrits. Aux récurrents ""ex-seigneur"", s’ajoutent les ""ex-vicomte"", ""ex-chevalier de St.-Louis"", ""Alexandre de Montmorency ex-prince de Robecq"", et toute la litanie des ci-devant: ""ci-devant marquis"", ""ci-devant écuyer"", ""ci-devant princesse"" (de Berghes), ""ci-devant comte"", ""ci-devant baron de Landas"", ""ci-devant marquis d’Aoust"", ""ci-devant baron de Comerford"", ""ci-devant seigneur"", ""Hespel ci-devant de Guermanez"", ""Guistelle ci-devant marquis"", ""de Vignacourt ci-devant marquis"", ""Derouvroy ci-devant [baron] de Fournes"", etc. À leurs côtés, figurent tous les ""Ancien capitaine d’infanterie"", ""capitaine au régiment de Bourgogne"", ""Officier du régiment d’Armagnac"", Soldat du ci-d. Beauce"", ""officier du génie"", ""d’artillerie"", ""de dragons"", ""de chasseur"", ""de cavalerie"", ""ex-capitaine de Berri"", ""Colonel du génie"", ""capitaine de vaisseau"", ""maréchal de camp"", ""ci-devant aide-de-camp"", ""ancien major de la garde Nat."", ""ci-devant lieutenant de gendarmerie"", etc. Outre ces catégories surreprésentées, sont également inscrits sur cette liste des représentants des élites politiques, ""ex-président du département du Nord"" (Desquelbecq), ""ci-devant Président au Parlement"", ""ex-clerc de procureur"", ""ex-échevin de Douai"", ""Fermier général"", ""ex-receveur des États"", mais aussi de la bourgeoisie et des classes populaires, ""chirurgien"", ""médecin"", ""rentier"", ""notaire"", ""fermière"", ""marchand"", ""tonnelier"", ""organiste"", ""jardinier"", ""maître paveur"", ""ébéniste"", ""boulanger"", ""brodeur"", ""maître des postes"", ""précepteur de collège"", ""marchand de toile"", ""peintre"", ""perruquier"", ""amidonnier"", ""brasseur"", ""maîtresse d’école"", ""domestique"", ""servante"", ""couvreur d’ardoise"", ""fripier"", ""cordonnier"", ""journalier"", etc. Au bas du dernier feuillet, correspondant à la partie inférieure du placard, un arbre de la liberté surmonté d’un bonnet phrygien, entouré de deux gardes-nationaux, est gravé sur bois, avec l’inscription ""Cet Arbre qui nous sauve est l’écueil des Tirans"". Juste au-dessous, figure l’adresse de François Descamps, ""imprimeur du département"", actif à Douai de 1792 à 1794. La présence de son nom au bas de ce document relevant de la catégorie des ""travaux de ville"", apparaît comme une mise en abyme de son propre destin. En effet, né en 1760 à Aire-sur-la-Lys et d’abord rallié aux idéaux de 1789, puis déçu par la politique anti-religieuse de la Révolution, il publia plusieurs textes, dont un Mélange de poésies contenant des vers compromettants: ""Je conserve ma haine/ À nos législateurs/ Peuple, de vos peines/ Ils sont les seuls auteurs"". Dénoncé le 6avril 1794 par le comité révolutionnaire de Douai, il fut envoyé devant le tribunal parisien qui le condamna à mort, le 21 du même mois. Bon exemplaire. De la bibliothèque du Marquis de Montebise avec ex-libris. Le tableau pour le district de Lille s’arrête à la lettre M, celui de Valenciennes n’est pas complet et enfin le registre pour celui de Le Quesnoy n’a pas été joint. Ces manques, comme le défaut de papier dans l’angle inférieur du tableau de Valenciennes, ou les diverses faiblesses compensées par le doublage systématique de tous les feuillets, invitent à penser que la Liste des Emigrés du Département du Nord a d’abord été affichée sous forme de placard, avant d’être détachée et montée en recueil pour en assurer la conservation. B.Lefebvre, ""La Terreur et ses victimes dans une ville de la frontière nord. L'exemple de Douai (juin 1793, juillet 1794)"", Revue du Nord, 2001/4, n°342, pp. 777-800."
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