1844
Reference : CLL-675
"Précieuse lettre autographe inédite signée de Tocqueville, du 8août 1844, par laquelle il recommande le tout jeune Gobineau (1816-1882) au spécialiste français des organismes de prévoyance: quoique son nom n'apparaisse pas en tête de la lettre, il s'agit du baron Charles Dupin (1784-1873) qui venait de publier Constitution, histoire et avenir des Caisses d'épargne de France (Paris, Firmin-Didot, 1844). Deux membres de l'Académie des Sciences morales et politiques. Tocqueville s'intéresse alors au sujet des caisses d'épargne dans le cadre d'une étude à l'ambition beaucoup plus large, relevant de la philosophie politique: ""Monsieur et cher confrère, / Je suis chargé, comme vous ne l'ignorez pas, par l'Académie des sciences morales et politiques d'un grand travail qui a pour objet de rechercher quels on été les progrès pratiques de la morale depuis cinquante ans et de quelle manière celle-ci a de plus en plus pénétré dans la sphère des affaires publiques et inspiré les législateurs."" Charles Dupin aurait été peu fondé, en effet, à ignorer la mission confiée à Tocqueville par L'Académie des sciences morales et politiques -une création, ou plutôt une recréation de Guizot en 1832- puisque tout comme lui il en était membre. Une trace précoce de l'amitié entre Tocqueville et Gobineau, de onze ans son cadet. Après avoir souligné l'intérêt pour son étude des ""institutions de bienfaisance"" dont les caisses d'épargne sont un exemple, Tocqueville explique avoir délégué une part notable de ses recherches préparatoires à ""un de mes amis Mr de Gobineau"" - Gobineau qui, à moins de trente ans, n'est encore ni l'auteur de l'Essai sur l'inégalité des races humaines (1853-55) ni même l'éminent spécialiste de la civilisation persane. Le contexte de cette collaboration -et, partant, de la présente lettre- se trouve clairement exposé dans la présentation des lettres de Tocqueville à Gobineau lui-même qui furent publiées dans la Revue des Deux Mondes (5e période, t.39) en 1907: ""Les origines de leur amitié ne nous sont pas connues. Mais on se les expliquera facilement en considérant que tous deux étaient issus de familles royalistes et qu'ils avaient des amis communs, comme le comte de Kergolay."" Il est permis de penser, en parcourant ces missives, que ce travail commun n'aboutit jamais, même si la Revue des Deux Mondes se montre à ce sujet prudente: ""Nous ne savons pas ce qu'est devenu ce travail: il ne se trouve ni dans les Mémoire de l'Académie, ni dans les œuvres complètes de Tocqueville."" À la recherche du temps perdu… La lettre à Dupin laisse d'ailleurs deviner chez Tocqueville un certain découragement, précoce, vis à vis d'une tâche pour laquelle il semble que Gobineau, son nègre pour ainsi dire, n'ait pas non plus fait preuve d'un enthousiasme excessif… ""Seriez-vous assez bon pour lui donner quelque avis sur la manière dont il doit diriger son travail? Vous êtes assurément l'homme de France qui connait le mieux la matière dont il va s'occuper et j'a pensé que quelques indications de vous lui seraient bien utiles et pourraient me mettre moi-même plus en état que je ne suis de remplir les vues de l'Académie."" En revanche, les louanges qu'il adresse à Charles Dupin paraissent avoir été sincères, puisqu'il est généralement reconnu que c'est chez cet économiste -également ingénieur, mathématicien et, dit-on, inspiration du personnage d'Edgar Poe partageant son patronyme- que Tocqueville avait puisé une grande part des conceptions exposées dans ses premiers écrits de la fin des années 1830 sur le paupérisme. Quant aux relations privilégiés entre Tocqueville, le modéré, et son cadet, plus royaliste que le roi, elles survivront à l'échec probable de leur commune entreprise puisque lorsque lorsque le philosophe du célèbre De la démocratie en Amérique deviendra l'éphémère ministre des Affaires étrangères du gouvernement Barrot en 1849, son directeur de cabinet, en dépit de ces opinions politiques dissemblables, ne sera autre qu'Arthur de Gobineau."
Librairie Laurent Coulet
Laurent Coulet
166 Boulevard Haussmann
75008 Paris
France
+ 33 (0)1 42 89 51 59
Les prix sont indiqués en euros<br />Nos livres sont garantis complets et en bonne condition sauf mention contraire. Conditions de vente conforme au règlement du SLAM et aux usages de la LILA (ILAB). Port Recommandé en sus ; emballage gratuit. Nous acceptons les cartes de crédit Visa, Mastercard et Amex.