A la lectµre de ces lettres, toutes relatives à l'édition des ouvrages d'Alexandre Weill, Couronne, Emeraude, Guerre des Paysans et Mismorimes, on devine aisément ce que le pétulant écrivain devait avoir d'insupportable dans ses exigences et son ignorance en matière d'imprimerie. L'échange tourna au cauchemar pour l'éditeur qui abandonna sur le plancher la composition en cours des Mismorimes. Combien Poulet-Malassis dut faire preuve de patience et de courage face à ses auteurs, désinvoltes ou exigeants, pinailleurs, souvent insupportables, toujours prêts à discuter leurs émoluments ou à quémander la sempiternelle avance. Pour qui veut être renseigné sur l'art d'éditer, ces lettres constituent un témoignage précieux. Weill réclame et s'irrite au point que Malassis ne l'appelle plus que «Mon cher Ouragan Weill », le salue comme un" homme de salpêtre et de pétarades » quand il n'ajoute pas en guise de post-scriptum « ce qu'il y a,de meilleur en vous, c'est votre femme, voilà mon opinion ». Durant la composition d'Emeraude, Poulet-Malassis lui écrit même: «je suis content d'éditer Emeraude mais si toutefois vous trouvez un éditeur qui peut publier votre livre plus à votre convenance pour le temps, vous pouvez vous entendre avec lui. Considérez moi comme votre éditeur pis-aller, jeune homme pressé, et si vous mettez la main sur l'éditeur illico, ne vous gênez pas » (10 septembre 1858). Lorsqu'il sollicite de son auteur un manuscrit, redoutant ses tergiversations il lui écrit « ayez soin de me bien spécifœr pour ce dernier le format et le papier car vous êtes un terrible homme quand vous ne faites pas vous même toutes vos affaires. Mettez moi les points sur les i ... ». Il s'agit du manuscrit des Mismorimes que Weill aurait publié avec un s supplémentaire sans la perspicacité de Malassis qui poursuit: « je prendrai la liberté de vous faire observer que Mismorismes par un Nazaréen aura l'air terriblement charabia. - Et vous savez l'observation qu'on afaite depuis longtemps sur les mots en isme à partir de gargarisme (. .. ) » 29 juillet 1859). A l' épreuve de la casse - pour plagier Babou -l'éditeur redoutable de patience et, non sans sarcasmes, prodigue à cet hystérique de la modifïcation ce qu'il peut d'enseignement. En vain. En décembre 1858, harassé, excédé, Malassis l'envoie se faire éditer ailleurs: « je m'empresse de renoncer à imprimer les Mismorimes, quoique l'achat du papier soitfait, et ce papier même donné, car je reconnais qu'il n'y a rien de plus difficile que les affaires avec un homme qui ne sait jamais ce qu'il veut. Je ne m'amuserai pas à vous faire épreuve de tous les caractères de mon imprimerie pour la bonne raison qu'après en avoir choisi un vous l1J'en demanderez un autre le lendemain, ou que vous me direz comme vous l 'aviez fait pour Emeraude, que ce n'est pas le caractère de Couronne: j'en ai assez comme cela et ne veux plus en entendre parler. Il résulte de cela que vous avez toujours les livres les plus mal imprimés du monde, parce que vos tracasseries sontfaites pour dégoûter un imprimeur de métier. Le caractère de votre Guerre des Paysans est un caractère presque neuf et excellent, cent fois supérieur à celui de la première édition, oùj'ai relevé engénéral2fautes par pages (il s'agit de l'édition Amyot de 1847),faite sans soin, confuse, désordonnée de typographie [. .. ] Comment voulez-vous que je marche de l'avant et avec réussite sur votre livre quand l'aller et venir de la première feuille dure depuis plus de 15 jours et que vous demandez une Sème épreuve pour quatre fautes ou corrections insignifiantes en marquant les caractères qui écartent dans la composition en paquet, chose stupide, puisque les caractères se joignent mal n'étant liés qu'avec des ficelles, comme toujours en paquets. C'est ce que vous appelez des caractères accouplés, sans doute. Vous ferez bien aussi de me trouver une fonderie où les caractères se fondent du même jet. Les caractères en questions viennent de la meilleure fonderie de Paris, la fonderie générale rue Madame [. .. ] Vous n'aurez votre seconde feuille que quand vous aurez renvoyé la première, définitive. Et vous comprendrez que je ne prenne pas sur moi de corriger des répétitions, ne sachant jamais si ces répétitions sont ce que vous appelez des effets de style. » (12 décembre 1859) Les Mismorimes parurent chez Dentu, en 1860. Malassis ne se contenta plus que de rééditer les ouvrages de Weill qui, dans l'ensemble, se vendirent très bien. C.E.B.A. n° 141.
Reference : 46404270
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