Curieuse et étonnante lettre, dont la dernière citation laisse pressentir que ce théoricien et pédagogue, fait aussi preuve d’humour. Il a terminé « un de ces trucs qui, commencé il y a 9 mois, n’en finissait plus. J’ai encore une chose semblable à finir (celle-là, commencée il y a 18 mois) et puis ce sera le retour à nos effusions mutuelles au Goya fraichement arrivé et tout et tout… ». Il lui signale qu’il a rencontré une jeune femme qu’il avait connu il y a 10 ans. « Elle était alors une fraiche jeune fille etc. Maintenant c’est une picomane. Si tu ne sais pas ce que c’est, voici : ayant été successivement éthéromane, opiumane, cocaïnomane et morphinomane, cette dernière manie, dont elle a essayé de se désintoxiquer lui a laissé un gout immodéré pour la piqure en soi. Alors voilà j’te pique et j’te pique avec n’importe quel produit pourvu que son nom finisse par "zal" ou "nal" (ex : gardenal, alunozal etc…) ou même avec de l’eau ». Son contact avec cette jeune femme lui a donné un rhume et quelques idées. « Le rhume est fini, et quant aux idées, je te les expose : il semble que cette picomanie prouve le bien fondé de la réduction phénoménologique puisque la personne atteinte de cette manie effectue une réduction en mettant résolument toute drogue effective entre parenthèses et il ne reste plus alors que le cogito transcendantal aux prises avec une seringue qui fonde son ex-is-tan-ce et non pas ex-is-ten-ce. C’est une preuve aussi que Husserl et Heidegger sont bien d’accord. Après cette ex-pli-ca-tion phénoménologico-existentialiste on peut aussi tenter une appréhension esthétique. En effet, la picomanie semble incarner l’état d’esprit académique dans toute sa splendeur puisqu’il ne s’agit de rien d’autre que de l’application d’une formule, d’un moule formel, privé de substance réelle (et de drogue), d’où réciproquement : pour qu’il y ait "grand Art" non académique, il faut de la drogue. Tout cela pour te démontrer de façon magistrale que tu as raison de nous envier notre "pays de soleil" puisqu’il n’y a que là que l’esprit peut travailler ainsi à plein rendement et en pleine ébullition… ». Enfin, pour terminer après cette étonnante « démonstration », il lui indique qu’il est en train de lire un livre de Merleau-Ponty, et que cette lecture ne l’a nullement influencé pour ces propos précédents. « En fait, j’estime qu’à côté des résultats auxquels aboutissent mes recherches, celles de M. P. ont une mine piteuse (ce qui vaut tout de même mieux qu’une pine miteuse.). Ce jeu de mot n’est pas de moi. Il n’est même pas de celui qui prétend l’avoir fait, mais il est implicite dans toute pensée qui se con-çoit comme telle. ».
Reference : 82C20
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