On ne connaît que peu de chose sur l’activité et sur la postériorité du maréchal après la bataille de Waterloo, épisode tellement controversé, à propos de son rôle dans cette bataille, que l’on accuse communément d’avoir fait perdre, par son inertie. Dans cette copieuse correspondance, on ne peut que constater que ces lettres sont chargées d’un contenu, évoquant une grande tendresse. Elle nous révèle une admiration et un attachement partagé par le couple Grouchy. Il est dans son château de la Ferrière et informe Fanny de toutes les obligations liées à ce domaine et lui retrace ses déplacements à Paris, en particulier d’un dîner chez le père de Fanny en présence de plusieurs convives et des Dupaty (l’auteur et chansonnier Emmanuel Dupaty) dont la soirée se termina avec lui, par une partie d’échecs, après une visite aux Tuileries. « Hier nous fûmes comme des aventuriers aux Tuileries et Mr de Saint Joseph qui vient causer avec nous m’a dit que sa femme était grosse et qu’elle regrettait fort de t’avoir si peu vu à l’époque de son mariage », l’amenant à lui faire part de son observation concernant la multitude de femmes enceintes qu’il rencontrait au hasard de ses promenades. « Je ne sais pas comment seront les bals cet hiver, mais bien surement bon nombre de danseuses n’y seront pas. ». Il lui donne des nouvelles de l’élevage de Chevreuils qui « sont superbes » lui parle de leurs chevaux, des chiens « qui se portent bien », enfin d’une manière générale de la vie dans la ferme du château. La présence de Fanny loin de la Ferrière le désole. « J’y ai trouvé tout en bon ordre mais tu n’y es point : c’est te dire que je ne puis y goûter de satisfaction, ni m’y plaire. C’est pour moi une triste solitude que ce lieu quand je l’habitais sans ma bien aimée […] Me voilà ici depuis hier, ma chère femme : la route de Caen à Villiers est si mauvaise que je me suis bien félicité en la parcourant que tu n’es plus à le faire, dans ton état. Je ne sais en vérité comment tu t’en serais tirée : mes chevaux m’attendaient à Aunay (Aunay sur Odon), et dans les deux heures j’étais à la Ferière (sic). ». Concernant la vente de son bois, les marchands sont venus et ont signé les billets (à ordre), « Voilà une affaire finie », affaire qui le désolera suite au retour de ces billets, « escomptés à notre départ sont revenus protestés et voilà un nouvel embarras pécuniaire ». Cette situation a nécessité une démarche près de leur avocat « pour commencer un procès à ces gueux de marchands de bois…Tu juges combien je suis contrarié de cette anicroche, heureusement que ces marchands là ne sont pas au nombre des acquéreurs des coupes dernièrement vendues. ». Mi-novembre 1829, il est rassuré de la santé de Fanny, la sienne en revanche n’est pas fameuse, son rhumatisme dans la tête le fait encore souffrir ajouté à un mal de gorge. « Sans doute que le temps qui est devenu inopinément très vigoureux contribue principalement à ce mal… ». Il l’informe de ses contrariétés. « j’en éprouve de toutes les couleurs depuis mon arrivée, toujours les mêmes embarras, avec les fermiers de Surlemont : ils ne fournissent ni le bled, ni l’avoine qu’ils doivent : on ne sait comment nourrir les chevaux, il faut tout acheter… ». Le froid et la gelée l’empêcheront de se rendre à l’Hermitage « où mes chiens sont déjà rendus… Si cela dure, adieu la chasse pour cette année. Tu sais que le désir de pouvoir m’occuper de ma lettre aux auteurs du petit poème de Waterloo, entrait au nombre des motifs qui m’amenaient à la Ferière […] J’ai oublié de te donner des nouvelles des paons, et du cygne, ils se portent bien, et les poneys sont grands comme père et mère… ». Il abandonne son idée d’aller à la chasse. « Je ne vois que trop combien tu souffres de mon absence, je vais t’en faire le sacrifice et envoyer en express, dire à mon équipage dès ce soir - la peine que me fait de ma priver d’un plaisir si vif maintenant pour moi sera bien vite passé en songeant à la satisfaction que tu en auras n’est-ce-pas qu’elle sera réelle, ma bien aimée et que cette preuve d’affection te touchera un peu. ». La rejoindre est conditionné à « des rentrées de fonds » qui ne dépendent pas de lui, « sont-ce qui m’arrête ; tu dois bien croire que seul ici, ne pouvant sortir ni chasser, et n’ayant plus d’ouvriers puisqu’ils sont partis aux bois, le séjour de la Ferière, n’a rien qui soit propre à me faire désirer d’y rester ». Il ne voit dans les journaux, « qu’histoires de voleurs » et revient vers des nouvelles plus réjouissantes. « Les 3 paons sont chaque jour sous mes fenêtres, attendant leur petite redevance du matin… Les petits chiens sont gras comme père et mère et aucun n’est malade jusqu’à ce jour… ». Il lui adresse pour l’imprimeur, « deux nouvelles feuilles à envoyer de suite chez Didot (imprimeur, éditeur, Firmin Didot) : fais les y porter immédiatement après les avoir reçues, car ils sont très lents dans cette imprimerie, et je voudrais n’avoir que les épreuves à revoir à mon arrivée ». Il pense la retrouver à Paris, vers le 5 (décembre), et lui demande de faire retenir la malle-poste pour la veille « et m’envoyer un cabriolet à Aunay, le trois, la pensée de se voir enfin, le moment où je te presserai contre mon cœur me fait du bien : elle me fait oublier que je suis encore bien dolent, car le soir presque ridiculement exagéré que j’ai près de ma vieille carcasse, a prévenu une forte attaque de rhumatismes, mais n’a pu suffire pour me désarmer de douleurs vagues, et de cette tristesse provenant du dérangement physique nerveux qui en ce moment m’accable et ne prend assurément pas sa source dans les sentiments des souvenirs qui ne m’occupent pas plus ici qu’ailleurs. D’ailleurs, chère et vertueuse épouse, crois bien qu’ils n’ont de pénible depuis que tu me fais si complètement oublier les amertumes de ma vie, que le chagrins qu’ils te causent : ils sont à mes yeux, l’acquittement d’une dette sauvée : mais non une prolongation de regrets qui soient même à t’affliger ou à te blesser – avec le temps, tu les approuveras mieux que tu ne peux encore le faire. Je vais envoyer à Mr Longchamps surement cette explication pour qu’il tache d’envoyer, ce que tu désires, la non venu de ton mari à Paris… ». Il la remercie pour l’envoi de la brochure du général Gérard, « J’y répondrai, c’est nécessaire, de toutes les manières - Gardes les épreuves de ma lettre…Je les recorrigerai à mon arrivée et avant mon départ je t’expédierai la fin de cette réponse, que j’aurais voulu faire courte mais c’est chose impossible ; J’espère que désormais que tu la trouveras mesurée. Si d’ailleurs elle n’est pas bien, j’y ferai, à Paris, les changements que nous croyons devoir améliorer : il est trop tard pour renvoyer ici les épreuves…».
Reference : 156C19
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