S.l.n.d. [circa 1942]. 1 photographie originale en noir et blanc Tampon de tirage original de Rosie Rey au verso. Tirage inédit des deux amis ensemble, dans le parc du château Pastré à Marseille (quartier de Montredon), propriété de Lily Pastré.
Reference : 16292
C'est à La Borie Noble, située dans le Haut-Languedoc, à Roqueredonde que Lanza del Vasto et sa femme Chanterelle installent en 1962 la communauté de l'Arche. Trente ans plus tôt, Lanza del Vasto parcourait l'Europe à pied lorsqu'il croisa le chemin de Dietrich, sur un banc du parc Monceau. Il n'avait pas encore entamé le voyage initiatique qui devait le mener en Inde et qu'il effectua en 1937, où il y rencontra Gandhi - ce à quoi il aspirait depuis sa lecture de Romain Rolland - et devait quelques années plus tard, en 1948, fonder la communauté de l'Arche. Luc Dietrich, mort en 1944, ne verra pas la concrétisation de la sagesse de son ami. Il lui avait auparavant dédié son chef-d'oeuvre, Le Bonheur des tristes, qui fut pour lui - tel qu'il l'écrit dans la dédicace à son ami - « un chemin de salut » qui n'aurait pu avoir lieu sans cette rencontre - sans que l'on ne sut vraiment jamais s'il était souvent derrière son épaule lorsqu'il écrivait, pour ce livre comme plus tard pour L'Apprentissage de la ville. On connaît une autre photographie de cette scène, maintes fois reproduite et presque jumelle : elle fut faite pendant la même la prise de vue et l'on y aperçoit les deux hommes parcourant les pages d'un livre. Ces photos furent prises pendant l'Occupation où dans le cadre splendide de sa propriété à Marseille, la comtesse Lily Pastré "va accueillir, héberger, cacher ou favoriser le départ d'artistes en danger, ou simplement en transit et jouer un rôle de mécène." Dès 1940 elle fonde l'association « Pour que l'esprit vive » dans le but de secourir les artistes. Des soirées littéraires et des concerts qu'elle donnera à Montredon le plus mémorable fut celui du "Songe d'une nuit d'été" en juillet 1942 dont Lanza del Vasto sera l'un des spectateurs. Il s'en souviendra dans la revue clandestine Fusées.
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Par l'auteur, s.l. 1980, 24x30 sur papier Ilford , une feuille.
Grande photographie originale en noir et blanc réalisé par Marc Trivier. Tirage argentique original non signé, comme la plupart des uvres de Trivier. Découpe irrégulière sur le bord droit de la photographie. Précieuse épreuve argentique originale du célèbre photographe belge, un des artistes contemporains les plus secrets, qui malgré un succès international précoce, a préféré limiter sa production pour conserver la cohérence de son uvre. Marc Trivier ne tire pas de nouveaux exemplaires de ses anciens portraits, le papier de tirage qu'il utilisait n'est d'ailleurs plus commercialisé. L'artiste «réalise lui-même ses tirages sur papier baryté Ilford, consacrant plusieurs jours de travail à chacun, avec une concentration particulière pour rendre les blancs, par contraste avec des noirs d'une rare densité. Un tirage de Marc Trivier ne ressemble à aucun autre. Lorsqu'il accepte de les exposer, il les suspend dans des cadres en inox de sa fabrication, laissant libre cours à la vie du papier.» (Xavier-Gilles, « Marc Trivier et la tragédie de la lumière » inLe Monde Libertaire, 2011). Cette «vie du papier» participe de l'uvre au même titre que les diverses altérations que subissent les photographies lorsqu'elles sont exposées : «Dans les boites, les tirages gondolent, mais qu'importe: le photographe affectionne ce genre d'accident.» (Claire Guillot, «Les face à face sans échappatoire du photographe Marc Trivier», Le Monde, 2011). Marc Trivier a une sensibilité particulière pour l'aspect matériel de ses productions. Alors que la photographie relève par essence du multiple, cette intervention de l'artiste dans tout le processus de création confère une aura autographique à ces tirages. Photographies d'artistes, de fous, d'arbres ou d'abattoirs, Marc Trivier aborde tous ces sujets avec un regard aussi précis qu'intense. «Dans sa cosmogonie, chaque chose, chaque être, végétal, animal ou humain, mérite le même respect. Car tous sont confrontés à la même loi d'airain : la solitude.» (Luc Desbenoit). La beauté qui émane de ses photos vient de cette nudité. Il n'y a ni retouches, ni recadrages. On retrouve dans son uvre le même format carrésouligné par le carré du négatif que Trivier laisse sur ses tirages. Ce cadrepiège notre regard dans des photographies où le fard de la couleur est rejeté pour un noir et blanc incisif. Toute artificialité ayant disparu nous ne faisons pas face à la mise en scène d'un sujet mais à une présence exacerbée par la lumière irradiante et singulière, témoin d'un instant de vie et non de pose. C'est cette lumière, liée au médium photographique, qui unit les séries de Marc Trivier : «Les photographies de Marc Trivier écrivent une tragédie de la lumière, celle-ci n'accueillant les êtres - hommes, arbres ou bêtes - qu'en les brûlant, avant disparition."» (Xavier-Gilles inLe Monde Libertaire). C'est aussi elle, délivrée de tous les artifices, qui donne à ses uvres l'aura qui les rend si présentes. Cette «brûlure» de la lumièrenous renvoie à un instant réel, au «ça a été» de Barthes (La Chambre Claire, 1980) : «De trente-cinq ans de pratique photographique, d'obsessions, c'est peut-être ça qui reste : un mode d'enregistrement singulier de la brûlure de la lumière, décliné d'une image à l'autre, en une succession de propositions qui se ressemblent et pourtant chacune est aussi singulière que la fraction de temps auquel elle renvoie.» (Marc Trivier). «La photographie ne dit qu'une chose : «C'était.» On ne fixe que ce qui a été. S'il y a une tragédie, elle est là.» (Marc Trivier) Warhol, Foucault, Beckett, Dubuffet ... les plus grands écrivains et artistes ont posés pour Trivier. Simultanément l'artiste s'intéressent également aux marges de la société, à ce que les hommes ne veulent pas voir. Il photographie alors les aliénés et les abattoirs qu'il place en regard des célébrités. Dès la fin des années 1980 son uvre est unanimement reconnue et il reçoit le prestigieux Young Photographer Award de L'international Center of Photography en 1988 ainsi que le Prix Photographie Ouverte (Charleroi). Après le Palais de Tokyo à Paris, le musée de l'Elysée à Lausanne et le Casino à Luxembourg, la Maison Européenne de la photographie à Paris lui consacre une importante rétrospective en 2011. Les photographies des aliénés que Trivier réalise à la même période étaient volontairement mêlées àcelles des artistes lors de la rétrospective parisienne de 2011. Loin d'une tentative d'opposer la folie et le génie, cette mise en regard fut au contraire l'occasion d'un questionnement de notre regard sur ces deux pôles fantasmatiques de la personne humaine. La série consacrée aux abattoirs pourrait sembler éloignée des autres uvres de Trivier. Cependant, comme les aliénés, les abattoirs font partie de ces images honteuses d'une marginalité que l'on ne veut pas voir. C'est un lieu rejeté hors de la ville, loin des regards, loin des hommes. Il n'y a d'ailleurs presque jamais d'hommes dans ces photographies. Contrairement au film de Franju, Le Sang des bêtes, en 1949, Trivier ne s'intéresse pas au geste du travail dans les abattoirs. Il les capture vides, peuplés de cadavres ou d'animaux aveuglés avant d'être conduits à la mort. Le photographe s'inspire de la peinture de Bacon, qu'il a d'ailleurs pris en photo en 1981, et du rapport de ce dernier au corps. On retrouve toute la pitié du peintre anglais pour la viande et les animaux dans la série de Trivier. «J'ai toujours été très touché par les images relatives aux abattoirs et à la viande, et pour moi elles sont liées étroitement à tout ce qu'est la Crucifixion... C'est sûr, nous sommes de la viande, nous sommes des carcasses en puissance. Si je vais chez un boucher, je trouve toujours surprenant de ne pas être là, à la place de l'animal... » (Francis Bacon in Francis Bacon. Logique de la sensation , par Gilles Deleuze). Ses photos nous montrent les bêtes en martyrs comme Marsyas ou Saint Pierre. Trivier dévoile la tragédie du corps dépossédé de la présence, photographiant des animaux aveugles, morts, dépecés et vidé de leurs entrailles que le noir et blanc change en marbre. Mais c'est toujours l'homme qui se reflète dans ces portraits de chairs sans âmes, un homme qui, à travers le miroir argentique de Marc Trivier, se projete dans cette chair aveugle, et traverse un instant l'infime espace du regard qui les sépare. «Les vaches régulièrement photographiées par Marc Trivier à l'abattoir d'Anderlecht manifestent la même essence que ses visages humains.» (Henri Van Lier «Le timbre photonique, Robert Frank et Marc Trivier», in les cahiers de la photographie 1992) - Photos sur www.Edition-originale.com -
Par l'auteur, s.l. 1980, 22x22cm sur papier Ilford 30x40cm, une feuille.
Grande photographie originale en noir et blanc réalisé par Marc Trivier. Tirage argentique original non signé, comme la plupart des uvres de Trivier. Précieuse épreuve argentique originale du célèbre photographe belge, un des artistes contemporains les plus secrets, qui malgré un succès international précoce, a préféré limiter sa production pour conserver la cohérence de son uvre. Marc Trivier ne tire pas de nouveaux exemplaires de ses anciens portraits, le papier de tirage qu'il utilisait n'est d'ailleurs plus commercialisé. L'artiste «réalise lui-même ses tirages sur papier baryté Ilford, consacrant plusieurs jours de travail à chacun, avec une concentration particulière pour rendre les blancs, par contraste avec des noirs d'une rare densité. Un tirage de Marc Trivier ne ressemble à aucun autre. Lorsqu'il accepte de les exposer, il les suspend dans des cadres en inox de sa fabrication, laissant libre cours à la vie du papier.» (Xavier-Gilles, « Marc Trivier et la tragédie de la lumière » inLe Monde Libertaire, 2011). Cette «vie du papier» participe de l'uvre au même titre que les diverses altérations que subissent les photographies lorsqu'elles sont exposées : «Dans les boites, les tirages gondolent, mais qu'importe: le photographe affectionne ce genre d'accident.» (Claire Guillot, «Les face à face sans échappatoire du photographe Marc Trivier», Le Monde, 2011). Marc Trivier a une sensibilité particulière pour l'aspect matériel de ses productions. Alors que la photographie relève par essence du multiple, cette intervention de l'artiste dans tout le processus de création confère une aura autographique à ces tirages. Photographies d'artistes, de fous, d'arbres ou d'abattoirs, Marc Trivier aborde tous ces sujets avec un regard aussi précis qu'intense. «Dans sa cosmogonie, chaque chose, chaque être, végétal, animal ou humain, mérite le même respect. Car tous sont confrontés à la même loi d'airain : la solitude.» (Luc Desbenoit). La beauté qui émane de ses photos vient de cette nudité. Il n'y a ni retouches, ni recadrages. On retrouve dans son uvre le même format carrésouligné par le carré du négatif que Trivier laisse sur ses tirages. Ce cadrepiège notre regard dans des photographies où le fard de la couleur est rejeté pour un noir et blanc incisif. Toute artificialité ayant disparu nous ne faisons pas face à la mise en scène d'un sujet mais à une présence exacerbée par la lumière irradiante et singulière, témoin d'un instant de vie et non de pose. C'est cette lumière, liée au médium photographique, qui unit les séries de Marc Trivier : «Les photographies de Marc Trivier écrivent une tragédie de la lumière, celle-ci n'accueillant les êtres - hommes, arbres ou bêtes - qu'en les brûlant, avant disparition."» (Xavier-Gilles inLe Monde Libertaire). C'est aussi elle, délivrée de tous les artifices, qui donne à ses uvres l'aura qui les rend si présentes. Cette «brûlure» de la lumièrenous renvoie à un instant réel, au «ça a été» de Barthes (La Chambre Claire, 1980) : «De trente-cinq ans de pratique photographique, d'obsessions, c'est peut-être ça qui reste : un mode d'enregistrement singulier de la brûlure de la lumière, décliné d'une image à l'autre, en une succession de propositions qui se ressemblent et pourtant chacune est aussi singulière que la fraction de temps auquel elle renvoie.» (Marc Trivier). «La photographie ne dit qu'une chose : «C'était.» On ne fixe que ce qui a été. S'il y a une tragédie, elle est là.» (Marc Trivier) Warhol, Foucault, Beckett, Dubuffet ... les plus grands écrivains et artistes ont posés pour Trivier. Simultanément l'artiste s'intéressent également aux marges de la société, à ce que les hommes ne veulent pas voir. Il photographie alors les aliénés et les abattoirs qu'il place en regard des célébrités. Dès la fin des années 1980 son uvre est unanimement reconnue et il reçoit le prestigieux Young Photographer Award de L'international Center of Photography en 1988 ainsi que le Prix Photographie Ouverte (Charleroi). Après le Palais de Tokyo à Paris, le musée de l'Elysée à Lausanne et le Casino à Luxembourg, la Maison Européenne de la photographie à Paris lui consacre une importante rétrospective en 2011. Les photographies des aliénés que Trivier réalise à la même période étaient volontairement mêlées àcelles des artistes lors de la rétrospective parisienne de 2011. Loin d'une tentative d'opposer la folie et le génie, cette mise en regard fut au contraire l'occasion d'un questionnement de notre regard sur ces deux pôles fantasmatiques de la personne humaine. La série consacrée aux abattoirs pourrait sembler éloignée des autres uvres de Trivier. Cependant, comme les aliénés, les abattoirs font partie de ces images honteuses d'une marginalité que l'on ne veut pas voir. C'est un lieu rejeté hors de la ville, loin des regards, loin des hommes. Il n'y a d'ailleurs presque jamais d'hommes dans ces photographies. Contrairement au film de Franju, Le Sang des bêtes, en 1949, Trivier ne s'intéresse pas au geste du travail dans les abattoirs. Il les capture vides, peuplés de cadavres ou d'animaux aveuglés avant d'être conduits à la mort. Le photographe s'inspire de la peinture de Bacon, qu'il a d'ailleurs pris en photo en 1981, et du rapport de ce dernier au corps. On retrouve toute la pitié du peintre anglais pour la viande et les animaux dans la série de Trivier. «J'ai toujours été très touché par les images relatives aux abattoirs et à la viande, et pour moi elles sont liées étroitement à tout ce qu'est la Crucifixion... C'est sûr, nous sommes de la viande, nous sommes des carcasses en puissance. Si je vais chez un boucher, je trouve toujours surprenant de ne pas être là, à la place de l'animal... » (Francis Bacon in Francis Bacon. Logique de la sensation , par Gilles Deleuze). Ses photos nous montrent les bêtes en martyrs comme Marsyas ou Saint Pierre. Trivier dévoile la tragédie du corps dépossédé de la présence, photographiant des animaux aveugles, morts, dépecés et vidé de leurs entrailles que le noir et blanc change en marbre. Mais c'est toujours l'homme qui se reflète dans ces portraits de chairs sans âmes, un homme qui, à travers le miroir argentique de Marc Trivier, se projete dans cette chair aveugle, et traverse un instant l'infime espace du regard qui les sépare. «Les vaches régulièrement photographiées par Marc Trivier à l'abattoir d'Anderlecht manifestent la même essence que ses visages humains.» (Henri Van Lier «Le timbre photonique, Robert Frank et Marc Trivier», in les cahiers de la photographie 1992) - Photos sur www.Edition-originale.com -
Par l'auteur, s.l. 1983, 22x22cm sur papier Ilford 30x40cm, une feuille.
Grande photographie originale en noir et blanc réalisé par Marc Trivier. Tirage argentique original non signé, comme la plupart des uvres de Trivier. Précieuse épreuve argentique originale du célèbre photographe belge, un des artistes contemporains les plus secrets, qui malgré un succès international précoce, a préféré limiter sa production pour conserver la cohérence de son uvre. Marc Trivier ne tire pas de nouveaux exemplaires de ses anciens portraits, le papier de tirage qu'il utilisait n'est d'ailleurs plus commercialisé. L'artiste «réalise lui-même ses tirages sur papier baryté Ilford, consacrant plusieurs jours de travail à chacun, avec une concentration particulière pour rendre les blancs, par contraste avec des noirs d'une rare densité. Un tirage de Marc Trivier ne ressemble à aucun autre. Lorsqu'il accepte de les exposer, il les suspend dans des cadres en inox de sa fabrication, laissant libre cours à la vie du papier.» (Xavier-Gilles, « Marc Trivier et la tragédie de la lumière » inLe Monde Libertaire, 2011). Cette «vie du papier» participe de l'uvre au même titre que les diverses altérations que subissent les photographies lorsqu'elles sont exposées : «Dans les boites, les tirages gondolent, mais qu'importe: le photographe affectionne ce genre d'accident.» (Claire Guillot, «Les face à face sans échappatoire du photographe Marc Trivier», Le Monde, 2011). Marc Trivier a une sensibilité particulière pour l'aspect matériel de ses productions. Alors que la photographie relève par essence du multiple, cette intervention de l'artiste dans tout le processus de création confère une aura autographique à ces tirages. Photographies d'artistes, de fous, d'arbres ou d'abattoirs, Marc Trivier aborde tous ces sujets avec un regard aussi précis qu'intense. «Dans sa cosmogonie, chaque chose, chaque être, végétal, animal ou humain, mérite le même respect. Car tous sont confrontés à la même loi d'airain : la solitude.» (Luc Desbenoit). La beauté qui émane de ses photos vient de cette nudité. Il n'y a ni retouches, ni recadrages. On retrouve dans son uvre le même format carrésouligné par le carré du négatif que Trivier laisse sur ses tirages. Ce cadrepiège notre regard dans des photographies où le fard de la couleur est rejeté pour un noir et blanc incisif. Toute artificialité ayant disparu nous ne faisons pas face à la mise en scène d'un sujet mais à une présence exacerbée par la lumière irradiante et singulière, témoin d'un instant de vie et non de pose. C'est cette lumière, liée au médium photographique, qui unit les séries de Marc Trivier : «Les photographies de Marc Trivier écrivent une tragédie de la lumière, celle-ci n'accueillant les êtres - hommes, arbres ou bêtes - qu'en les brûlant, avant disparition."» (Xavier-Gilles inLe Monde Libertaire). C'est aussi elle, délivrée de tous les artifices, qui donne à ses uvres l'aura qui les rend si présentes. Cette «brûlure» de la lumièrenous renvoie à un instant réel, au «ça a été» de Barthes (La Chambre Claire, 1980) : «De trente-cinq ans de pratique photographique, d'obsessions, c'est peut-être ça qui reste : un mode d'enregistrement singulier de la brûlure de la lumière, décliné d'une image à l'autre, en une succession de propositions qui se ressemblent et pourtant chacune est aussi singulière que la fraction de temps auquel elle renvoie.» (Marc Trivier). «La photographie ne dit qu'une chose : «C'était.» On ne fixe que ce qui a été. S'il y a une tragédie, elle est là.» (Marc Trivier) Warhol, Foucault, Beckett, Dubuffet ... les plus grands écrivains et artistes ont posés pour Trivier. Simultanément l'artiste s'intéressent également aux marges de la société, à ce que les hommes ne veulent pas voir. Il photographie alors les aliénés et les abattoirs qu'il place en regard des célébrités. Dès la fin des années 1980 son uvre est unanimement reconnue et il reçoit le prestigieux Young Photographer Award de L'international Center of Photography en 1988 ainsi que le Prix Photographie Ouverte (Charleroi). Après le Palais de Tokyo à Paris, le musée de l'Elysée à Lausanne et le Casino à Luxembourg, la Maison Européenne de la photographie à Paris lui consacre une importante rétrospective en 2011. Les photographies des aliénés que Trivier réalise à la même période étaient volontairement mêlées àcelles des artistes lors de la rétrospective parisienne de 2011. Loin d'une tentative d'opposer la folie et le génie, cette mise en regard fut au contraire l'occasion d'un questionnement de notre regard sur ces deux pôles fantasmatiques de la personne humaine. La série consacrée aux abattoirs pourrait sembler éloignée des autres uvres de Trivier. Cependant, comme les aliénés, les abattoirs font partie de ces images honteuses d'une marginalité que l'on ne veut pas voir. C'est un lieu rejeté hors de la ville, loin des regards, loin des hommes. Il n'y a d'ailleurs presque jamais d'hommes dans ces photographies. Contrairement au film de Franju, Le Sang des bêtes, en 1949, Trivier ne s'intéresse pas au geste du travail dans les abattoirs. Il les capture vides, peuplés de cadavres ou d'animaux aveuglés avant d'être conduits à la mort. Le photographe s'inspire de la peinture de Bacon, qu'il a d'ailleurs pris en photo en 1981, et du rapport de ce dernier au corps. On retrouve toute la pitié du peintre anglais pour la viande et les animaux dans la série de Trivier. «J'ai toujours été très touché par les images relatives aux abattoirs et à la viande, et pour moi elles sont liées étroitement à tout ce qu'est la Crucifixion... C'est sûr, nous sommes de la viande, nous sommes des carcasses en puissance. Si je vais chez un boucher, je trouve toujours surprenant de ne pas être là, à la place de l'animal... » (Francis Bacon in Francis Bacon. Logique de la sensation , par Gilles Deleuze). Ses photos nous montrent les bêtes en martyrs comme Marsyas ou Saint Pierre. Trivier dévoile la tragédie du corps dépossédé de la présence, photographiant des animaux aveugles, morts, dépecés et vidé de leurs entrailles que le noir et blanc change en marbre. Mais c'est toujours l'homme qui se reflète dans ces portraits de chairs sans âmes, un homme qui, à travers le miroir argentique de Marc Trivier, se projete dans cette chair aveugle, et traverse un instant l'infime espace du regard qui les sépare. «Les vaches régulièrement photographiées par Marc Trivier à l'abattoir d'Anderlecht manifestent la même essence que ses visages humains.» (Henri Van Lier «Le timbre photonique, Robert Frank et Marc Trivier», in les cahiers de la photographie 1992) - Photos sur www.Edition-originale.com -
Par l'auteur, s.l. 1980, 22x22cm sur papier Ilford 30x40cm, une feuille.
Grande photographie originale en noir et blanc réalisé par Marc Trivier. Tirage argentique original non signé, comme la plupart des uvres de Trivier. Précieuse épreuve argentique originale du célèbre photographe belge, un des artistes contemporains les plus secrets, qui malgré un succès international précoce, a préféré limiter sa production pour conserver la cohérence de son uvre. Marc Trivier ne tire pas de nouveaux exemplaires de ses anciens portraits, le papier de tirage qu'il utilisait n'est d'ailleurs plus commercialisé. L'artiste «réalise lui-même ses tirages sur papier baryté Ilford, consacrant plusieurs jours de travail à chacun, avec une concentration particulière pour rendre les blancs, par contraste avec des noirs d'une rare densité. Un tirage de Marc Trivier ne ressemble à aucun autre. Lorsqu'il accepte de les exposer, il les suspend dans des cadres en inox de sa fabrication, laissant libre cours à la vie du papier.» (Xavier-Gilles, « Marc Trivier et la tragédie de la lumière » inLe Monde Libertaire, 2011). Cette «vie du papier» participe de l'uvre au même titre que les diverses altérations que subissent les photographies lorsqu'elles sont exposées : «Dans les boites, les tirages gondolent, mais qu'importe: le photographe affectionne ce genre d'accident.» (Claire Guillot, «Les face à face sans échappatoire du photographe Marc Trivier», Le Monde, 2011). Marc Trivier a une sensibilité particulière pour l'aspect matériel de ses productions. Alors que la photographie relève par essence du multiple, cette intervention de l'artiste dans tout le processus de création confère une aura autographique à ces tirages. Photographies d'artistes, de fous, d'arbres ou d'abattoirs, Marc Trivier aborde tous ces sujets avec un regard aussi précis qu'intense. «Dans sa cosmogonie, chaque chose, chaque être, végétal, animal ou humain, mérite le même respect. Car tous sont confrontés à la même loi d'airain : la solitude.» (Luc Desbenoit). La beauté qui émane de ses photos vient de cette nudité. Il n'y a ni retouches, ni recadrages. On retrouve dans son uvre le même format carrésouligné par le carré du négatif que Trivier laisse sur ses tirages. Ce cadrepiège notre regard dans des photographies où le fard de la couleur est rejeté pour un noir et blanc incisif. Toute artificialité ayant disparu nous ne faisons pas face à la mise en scène d'un sujet mais à une présence exacerbée par la lumière irradiante et singulière, témoin d'un instant de vie et non de pose. C'est cette lumière, liée au médium photographique, qui unit les séries de Marc Trivier : «Les photographies de Marc Trivier écrivent une tragédie de la lumière, celle-ci n'accueillant les êtres - hommes, arbres ou bêtes - qu'en les brûlant, avant disparition."» (Xavier-Gilles inLe Monde Libertaire). C'est aussi elle, délivrée de tous les artifices, qui donne à ses uvres l'aura qui les rend si présentes. Cette «brûlure» de la lumièrenous renvoie à un instant réel, au «ça a été» de Barthes (La Chambre Claire, 1980) : «De trente-cinq ans de pratique photographique, d'obsessions, c'est peut-être ça qui reste : un mode d'enregistrement singulier de la brûlure de la lumière, décliné d'une image à l'autre, en une succession de propositions qui se ressemblent et pourtant chacune est aussi singulière que la fraction de temps auquel elle renvoie.» (Marc Trivier). «La photographie ne dit qu'une chose : «C'était.» On ne fixe que ce qui a été. S'il y a une tragédie, elle est là.» (Marc Trivier) Warhol, Foucault, Beckett, Dubuffet ... les plus grands écrivains et artistes ont posés pour Trivier. Simultanément l'artiste s'intéressent également aux marges de la société, à ce que les hommes ne veulent pas voir. Il photographie alors les aliénés et les abattoirs qu'il place en regard des célébrités. Dès la fin des années 1980 son uvre est unanimement reconnue et il reçoit le prestigieux Young Photographer Award de L'international Center of Photography en 1988 ainsi que le Prix Photographie Ouverte (Charleroi). Après le Palais de Tokyo à Paris, le musée de l'Elysée à Lausanne et le Casino à Luxembourg, la Maison Européenne de la photographie à Paris lui consacre une importante rétrospective en 2011. Les photographies des aliénés que Trivier réalise à la même période étaient volontairement mêlées àcelles des artistes lors de la rétrospective parisienne de 2011. Loin d'une tentative d'opposer la folie et le génie, cette mise en regard fut au contraire l'occasion d'un questionnement de notre regard sur ces deux pôles fantasmatiques de la personne humaine. La série consacrée aux abattoirs pourrait sembler éloignée des autres uvres de Trivier. Cependant, comme les aliénés, les abattoirs font partie de ces images honteuses d'une marginalité que l'on ne veut pas voir. C'est un lieu rejeté hors de la ville, loin des regards, loin des hommes. Il n'y a d'ailleurs presque jamais d'hommes dans ces photographies. Contrairement au film de Franju, Le Sang des bêtes, en 1949, Trivier ne s'intéresse pas au geste du travail dans les abattoirs. Il les capture vides, peuplés de cadavres ou d'animaux aveuglés avant d'être conduits à la mort. Le photographe s'inspire de la peinture de Bacon, qu'il a d'ailleurs pris en photo en 1981, et du rapport de ce dernier au corps. On retrouve toute la pitié du peintre anglais pour la viande et les animaux dans la série de Trivier. «J'ai toujours été très touché par les images relatives aux abattoirs et à la viande, et pour moi elles sont liées étroitement à tout ce qu'est la Crucifixion... C'est sûr, nous sommes de la viande, nous sommes des carcasses en puissance. Si je vais chez un boucher, je trouve toujours surprenant de ne pas être là, à la place de l'animal... » (Francis Bacon in Francis Bacon. Logique de la sensation , par Gilles Deleuze). Ses photos nous montrent les bêtes en martyrs comme Marsyas ou Saint Pierre. Trivier dévoile la tragédie du corps dépossédé de la présence, photographiant des animaux aveugles, morts, dépecés et vidé de leurs entrailles que le noir et blanc change en marbre. Mais c'est toujours l'homme qui se reflète dans ces portraits de chairs sans âmes, un homme qui, à travers le miroir argentique de Marc Trivier, se projete dans cette chair aveugle, et traverse un instant l'infime espace du regard qui les sépare. «Les vaches régulièrement photographiées par Marc Trivier à l'abattoir d'Anderlecht manifestent la même essence que ses visages humains.» (Henri Van Lier «Le timbre photonique, Robert Frank et Marc Trivier», in les cahiers de la photographie 1992) - Photos sur www.Edition-originale.com -
Par l'auteur, s.l. 1980, 22x22cm sur papier Ilford 30x40cm, une feuille.
Grande photographie originale en noir et blanc réalisé par Marc Trivier. Tirage argentique original non signé, comme la plupart des uvres de Trivier. Précieuse épreuve argentique originale du célèbre photographe belge, un des artistes contemporains les plus secrets, qui malgré un succès international précoce, a préféré limiter sa production pour conserver la cohérence de son uvre. Marc Trivier ne tire pas de nouveaux exemplaires de ses anciens portraits, le papier de tirage qu'il utilisait n'est d'ailleurs plus commercialisé. L'artiste «réalise lui-même ses tirages sur papier baryté Ilford, consacrant plusieurs jours de travail à chacun, avec une concentration particulière pour rendre les blancs, par contraste avec des noirs d'une rare densité. Un tirage de Marc Trivier ne ressemble à aucun autre. Lorsqu'il accepte de les exposer, il les suspend dans des cadres en inox de sa fabrication, laissant libre cours à la vie du papier.» (Xavier-Gilles, « Marc Trivier et la tragédie de la lumière » inLe Monde Libertaire, 2011). Cette «vie du papier» participe de l'uvre au même titre que les diverses altérations que subissent les photographies lorsqu'elles sont exposées : «Dans les boites, les tirages gondolent, mais qu'importe: le photographe affectionne ce genre d'accident.» (Claire Guillot, «Les face à face sans échappatoire du photographe Marc Trivier», Le Monde, 2011). Marc Trivier a une sensibilité particulière pour l'aspect matériel de ses productions. Alors que la photographie relève par essence du multiple, cette intervention de l'artiste dans tout le processus de création confère une aura autographique à ces tirages. Photographies d'artistes, de fous, d'arbres ou d'abattoirs, Marc Trivier aborde tous ces sujets avec un regard aussi précis qu'intense. «Dans sa cosmogonie, chaque chose, chaque être, végétal, animal ou humain, mérite le même respect. Car tous sont confrontés à la même loi d'airain : la solitude.» (Luc Desbenoit). La beauté qui émane de ses photos vient de cette nudité. Il n'y a ni retouches, ni recadrages. On retrouve dans son uvre le même format carrésouligné par le carré du négatif que Trivier laisse sur ses tirages. Ce cadrepiège notre regard dans des photographies où le fard de la couleur est rejeté pour un noir et blanc incisif. Toute artificialité ayant disparu nous ne faisons pas face à la mise en scène d'un sujet mais à une présence exacerbée par la lumière irradiante et singulière, témoin d'un instant de vie et non de pose. C'est cette lumière, liée au médium photographique, qui unit les séries de Marc Trivier : «Les photographies de Marc Trivier écrivent une tragédie de la lumière, celle-ci n'accueillant les êtres - hommes, arbres ou bêtes - qu'en les brûlant, avant disparition."» (Xavier-Gilles inLe Monde Libertaire). C'est aussi elle, délivrée de tous les artifices, qui donne à ses uvres l'aura qui les rend si présentes. Cette «brûlure» de la lumièrenous renvoie à un instant réel, au «ça a été» de Barthes (La Chambre Claire, 1980) : «De trente-cinq ans de pratique photographique, d'obsessions, c'est peut-être ça qui reste : un mode d'enregistrement singulier de la brûlure de la lumière, décliné d'une image à l'autre, en une succession de propositions qui se ressemblent et pourtant chacune est aussi singulière que la fraction de temps auquel elle renvoie.» (Marc Trivier). «La photographie ne dit qu'une chose : «C'était.» On ne fixe que ce qui a été. S'il y a une tragédie, elle est là.» (Marc Trivier) Warhol, Foucault, Beckett, Dubuffet ... les plus grands écrivains et artistes ont posés pour Trivier. Simultanément l'artiste s'intéressent également aux marges de la société, à ce que les hommes ne veulent pas voir. Il photographie alors les aliénés et les abattoirs qu'il place en regard des célébrités. Dès la fin des années 1980 son uvre est unanimement reconnue et il reçoit le prestigieux Young Photographer Award de L'international Center of Photography en 1988 ainsi que le Prix Photographie Ouverte (Charleroi). Après le Palais de Tokyo à Paris, le musée de l'Elysée à Lausanne et le Casino à Luxembourg, la Maison Européenne de la photographie à Paris lui consacre une importante rétrospective en 2011. Les photographies des aliénés que Trivier réalise à la même période étaient volontairement mêlées àcelles des artistes lors de la rétrospective parisienne de 2011. Loin d'une tentative d'opposer la folie et le génie, cette mise en regard fut au contraire l'occasion d'un questionnement de notre regard sur ces deux pôles fantasmatiques de la personne humaine. La série consacrée aux abattoirs pourrait sembler éloignée des autres uvres de Trivier. Cependant, comme les aliénés, les abattoirs font partie de ces images honteuses d'une marginalité que l'on ne veut pas voir. C'est un lieu rejeté hors de la ville, loin des regards, loin des hommes. Il n'y a d'ailleurs presque jamais d'hommes dans ces photographies. Contrairement au film de Franju, Le Sang des bêtes, en 1949, Trivier ne s'intéresse pas au geste du travail dans les abattoirs. Il les capture vides, peuplés de cadavres ou d'animaux aveuglés avant d'être conduits à la mort. Le photographe s'inspire de la peinture de Bacon, qu'il a d'ailleurs pris en photo en 1981, et du rapport de ce dernier au corps. On retrouve toute la pitié du peintre anglais pour la viande et les animaux dans la série de Trivier. «J'ai toujours été très touché par les images relatives aux abattoirs et à la viande, et pour moi elles sont liées étroitement à tout ce qu'est la Crucifixion... C'est sûr, nous sommes de la viande, nous sommes des carcasses en puissance. Si je vais chez un boucher, je trouve toujours surprenant de ne pas être là, à la place de l'animal... » (Francis Bacon in Francis Bacon. Logique de la sensation , par Gilles Deleuze). Ses photos nous montrent les bêtes en martyrs comme Marsyas ou Saint Pierre. Trivier dévoile la tragédie du corps dépossédé de la présence, photographiant des animaux aveugles, morts, dépecés et vidé de leurs entrailles que le noir et blanc change en marbre. Mais c'est toujours l'homme qui se reflète dans ces portraits de chairs sans âmes, un homme qui, à travers le miroir argentique de Marc Trivier, se projete dans cette chair aveugle, et traverse un instant l'infime espace du regard qui les sépare. «Les vaches régulièrement photographiées par Marc Trivier à l'abattoir d'Anderlecht manifestent la même essence que ses visages humains.» (Henri Van Lier «Le timbre photonique, Robert Frank et Marc Trivier», in les cahiers de la photographie 1992) - Photos sur www.Edition-originale.com -