P., Revue Obliques, Ed. Borderie, 1976, in-4, br., couv. ill., 336 pp., illustrations, dessins, photos in-texte et à pleine page en noir. (DT4)
Reference : 1362635
Numéro spécial, n° 8 - 9, couv. ill. jaune et violet.Petit choc en bord des pages sur la tranche sup.
Librairie HURET
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S.n. (chezl'auteur), s.l. 10 octobre 1945, 22x17cm , 17 pages sur 9 feuillets.
| «J'aime mieux les soldats, les officiers sont encore plus puants que les aspi français, et pourtant, ça, c'est à faire péter le conomètre, avec leurs petits bâtons à enculer les chevaux.»|<br>* Manuscrit autographe original de la nouvelle de Boris Vian, écrite en 1945 et publiée dans le recueil posthume Le Loup-Garou en 1970. Manuscrit très dense de 17 pages sur 9 feuillets, rédigé à l'encre noire, avec biffures et corrections, sur desfeuilles à carreaux perforées et daté «25.10.45» à la fin du texte. Un des très rares manuscrits datés par l'auteur. Exceptionnel manuscrit de la première nouvelle de Boris Vian, écrite à 25 ans, quelques mois après la Libération. Les premières tentatives littéraires de Bison Ravi datent de l'hiver 41-42, selon Michelle Vian qui lui demande à cette époque de lui composer un conte de fées. L'exercice donne au jeune ingénieur l'envie de se lancer immédiatement dans un autre récit fantaisiste, sans queue ni tête, au seul usage de ses amis, Troubles dans les Andains. Deux ans plus tard, il s'attèle à ce qui deviendraen 1947son premier roman publié, grâce à Raymond Queneau, Vercoquin et le plancton. Mais avant la rencontre fondamentale avec ce mentor et père spirituel qui lui ouvrira les portes de la Maison «Blanche» de Gallimard, l'écriture n'est pour Vian qu'un jeu, sans conséquence ni ambition, pour combattre la morosité des années d'Occupation. La véritable passion du médiocre ingénieur Vian est le jazz et sa relative professionnalisation dans la troupe de Claude Abadie. Lorsque le 18 juillet 1945, il signe son contrat pour la collection «La plume au vent» créée et dirigée par Queneau, Boris Vian considère sans doute qu'il n'a encore rien écrit. Son «uvrette» Vercoquin ecaetera, timidement envoyé à Queneau le mois précédent, sera affublée d'une préface désabusée et d'une dédicace en forme d'excuse. Martin, achevé en octobre 1945, est donc sa première uvre d'écrivain et sa toute première nouvelle, genre dans lequel il excellera, comme le soulignent M. Lapprand, C. Gonzalo et F. Roulmann dans l'édition de La Pléiade : «L'écriture incisive de Boris Vian sied à merveille aux textes courts. [...] Elle a trouvé sa première expression dans la pratique de la "nouvelle", entendue à l'anglo-saxone comme short storydont Vian appréciait hautement la lecture. Entre 1945 et 1958, sa plume alerte donne jour à 45 courts récits [...]. Vian goûte tant l'exercice, qu'il en produit pas moins d'une trentaine [...] de 1945 à 1948 [parmi lesquelles] seules cinq rest[èr]entinédites du vivant de l'auteur.» Martin ne paraitra que 11 ans après sa mort dans le recueil Le Loup Garou, sans mention de sa place essentielle dans la genèse de l'uvre et de l'artiste. Pourtant, cettepremière nouvelle de Vian présente des caractéristiques uniques qui en font une uvre pivot. Entièrement centrée sur les grandes passions de Vian, le jazz et les voitures américaines, cette pérégrination se distingue surtout des productions précédentes par son style. A l'aube d'une carrière d'écrivain - du moins rêve-t-il ainsi son avenir qui sera plus tumultueux qu'il ne l'espère - Boris ne choisit pas le style de Vian, mais celui de Sullivan. Martin est en effet une nouvelle dans le pur style du roman noir à l'américaine, sans pour autant que Vian se fende d'une intrigue ou d'un véritable projet narratif. Martin ne raconte rien d'autre que la soirée passablement décevante d'un trompettiste «amateur marron», c'est-à-dire semi-professionnel, sollicité pour jouer dans un band improvisé lors d'une soirée organisée pour les G.I's. Ni introduction, ni climax, ni dénouement, le récit semble être un pur exercice de style, mais de ce styleencore totalement inédit pour l'écrivain en herbe, qui sera celui de J'irai cracher sur vos tombes, Elles se rendent pas compte, Les morts ont tous la même peau, Et on tuera tous les affreux, les seuls succès littéraires anthumes de leur «traducteur». Les personnages de Martin paraitraient tout droit sortis du néant, si le lecteur moderne ne reconnaissait Miqueut, chef de bureau du narrateur, tout simplement emprunté à Vercoquin, Doddy le batteur absent, qui n'est autre que Claude Léon, un des plus proches amis de Vian qui apparaitra ensuite dans plusieurs uvres de Vian dont L'Automne à Pékin, Temsey, pseudo de Taymour Nawab, et bien sûr une apparition du Major, alias Jacques Loustallot, qui sert ici de véritable major américain et une discrète référence au frère de Boris, également musicien. Mais c'est avant tout le narrateur qui donne la clé de lecture du roman: derrière le prénom Roby se cache un des nombreux pseudonymes anagrammes de Boris Vian, Robi Savin -«je agressif» de l'auteur (comme le décrit le Dictionnaire des personnages de Vian) - ingénieur sans le sou et trompettisteamateur, passionné de voitures et de jazz. La soirée de Roby est une version «pulp» d'une des multiples prestations de son auteur et de son «band» dans les soirées caritatives américaines de la Libération. On y retrouve les lieux fréquentés par Boris et Michelle, l'hôtel Normandie, la rue Lamarck de Claude Léon, la rue Notre-Dame-des-Victoires, devenue «rue Notoire-du-Vidame», siège de l'AFNOR... Martin est ainsi une fantastique plongée dans Paris, mais sous le prisme de l'amertume et du désenchantement de cet après-guerre décrit par Philippe Boggio dans son autobiographie de l'auteur: «Les boys n'entendent à peu près rien au jazz[et sont] inconscients du mythe violent qu'avait fait naître leur pays dans les imaginations pendant les années d'Occupation». Plus autobiographique que ses nouvelles suivantes, dominées par un imaginaire fantaisiste, Martin est une précieuse source d'informations sur la jeunesse de Vian et la rageuse mélancolie d'un esprit bouillonnant dans une ville libérée mais entravée. Dr Vian laisse libre court à Mr Sullivan qui rêve de régler leur compte aux musiciens hollandais, «tous dessalauds, des demi-boches, encore plus lèche-cul quand ils ont quelque chose à vous demander [et qui) s'aplati[ssent] devant le client pour avoir des cigarettes.». Violence gratuite qui ne demande qu'à exploser, sans véritable ressentiment ciblé: « Oui, je suis ingénieur, après tout et c'est bien le plus bête, en trois lettres, de tous les métiers (...) maiss'il me suffisait d'appuyer sur le bouton, pan... plus de Martin, plus de Heinz, au revoir. Ce n'est pas une raison parce qu'ils sont musiciens, les professionnels sont tous des salauds.» Si elle demeure uniquement fantasmatique, la haine du narrateur contraste avec la monotonie prosaïque de sa soirée, décrite heure par heure. Or, peut-être pour la seule fois dans toute son uvre, Vian fait une étrange référence aux temps troubles tout juste achevés : «Quel con! Tous les chauffeurs sont cons. C'est une sale race. Je les emmerde, je suis ingénieur. [...] On est de la même race; des types qui s'aplatissent. Bon, je me vengerai plus tard, avec un colt, je les descendrai tous, mais je ne veux rien risquer parce que ma peau vaut mieux que la leur[...]. Je me demande pourquoi on ne le ferait pas pour de vrai. Aller trouver un type comme Maxence Van der Meersch, je lui dis: - Vous n'aimez pas les souteneurs et les tenanciers de maisons, moi non plus, on fait une association secrète, et un soir par exemple on fonce dans une Citroën noire et on tue tous ceux de Toulouse. - Ça ne serait pas assez, il faut les tuer tous. Alors je dis, j'ai une autre idée on fait une grande réunion syndicale et puis on les supprime [...]. Si on se fait poirer, [...] ça ne fait rien on aura bien rigolé. Mais le lendemain il y en aura d'autres à leur place. - Alors il me dit on recommencera avec un autre truc.» Mêlant la racialisation nazie et l'humanisme de Van der Meersch, jouant de l'équivoque Citroën noire, symbole de la Gestapo comme de la Résistance, juxtaposant humour potache et extermination, Vian souffle sur les braises à quelques mois de la capitulation de l'Allemagne. Sur fond de soirée festive et de murs légères, il témoigne de la rancur et des espoirs déçus d'une jeunesse laissée-pour-compte dans le Paris de la Victoire: « c'était plein de belles filles, c'est dommage de les voir avec les Américains, [...] plus elles sont bien, plus elles sont con». A la fois reconnaissants: « Je bouffe jusqu'à ce que j'aie plus faim et je continue encore un peu après, pour être sûr de ne pas avoir de regrets le lendemain» et dépendants : « Il tend la main pour un paquet de sèches Chesterfield «Thank you Sir, Thanks a lot! », larbin va! », Les personnages semblent surtout passer leur temps à attendre les directives et les récompenses des soldats américains. Cependant le récit du narrateur se concentre principalement autour du mouvement. En premier lieu, celui des voitures, icônes des «Uhessas» rêvés par Vian: «Il y avait la Chrysler bleu ciel de l'US Navy, je l'ai déjà vu passer plusieurs fois à Paris»; «Non, c'est l'autre, mieux, une Lincoln»; «enfin une bagnole bien, Packard 1939»; «c'est chouette le bruit des pneus d'une grosse bagnole sur le pavé, ça sonne creux et rond, on grimpait en prise». Par la suite, c'est l'activité des danseurs qui occupel'attention de Roby, «ça danse sans grande conviction», au début, puis «la brune fait l'andouille et tortille ses fesses dure en plantant des choux avec l'américain» et enfin le jugement se fait plus radical: «quelle bande d'enflés! Est-ce que ça danse pour les airs, pour les filles ou pour danser?» Boris-Roby se place comme simple observateur de ce monde nouveau qui l'ignore. Personnage secondaire et muet, il devient héros-vengeur et juge impitoyable dans son seul imaginaire : «je les ai laissés se démerder, la barbe [...] et puis merde, ils me font tous chier.». Si Vian utilise très largement son expérience au sein de l'Orchestre Abadie,«coqueluche» des soirées dansantes organisées par le Special Service show de l'Etat Major américain, son modèle, bien qu'autobiographique, n'est sans doute pas Boris Vian le musicien, alias Bison Ravi, trompinettiste vedette du Saint-Germain-des-prés naissant. Le désenchanté Roby est sans doute plus subtilement inspiré de Boris Vian l'écrivain, futur Vernon Sullivan, obscur débutant, mais déjà observateur sans pareil de l'envers du réel. La clé de cette interprétation est ironiquement offerte au lecteurdès la première phrase, qui servira de titre aux éditions posthumes: «Martin m'a téléphoné à 5 heures.» Martin est avant tout une référence aux personnages de Marcel Aymé, un des écrivains favoris de Vian. Mais ce prénom partage surtout sa première syllabe avec la célèbre «Marquise» des surréalistes qui dénonçaient les incipits de romans à base de «La Marquise sortit à cinq heures». Cette assertion et le jugement portée sur celle-ci deviendront une figure récurrente de la littérature. En 1961, Raymond Queneau, lui-même, en fera un alexandrin pour Cent mille milliards de poèmes: «C'était à cinq o'clock que sortait la marquise». Premier écrivain à détourner le fameux modèle de « l'insanité» romanesque, selon Breton, Boris Vian témoigne, avec l'inaugural Martin, d'une irrévérence absolue envers le monde réel et surréel! «Je suis chez moi, enfin au pieu, et juste avant de m'endormir, je me suis changé en canard. 25.10.45» Provenance : Fondation Boris Vian. - Photos sur www.Edition-originale.com -
S.n., s.l. 6 janvier 1951, divers, 6 feuillets.
| Vernon Sullivan est mort, vive Vernon Sinclair ! |<br>* Ensemble complet du manuscrit et du tapuscrit de travail de Boris Vian, genèse de la chanson"Pour bercer ma peine". - un feuillet et deux papillonsperforés rédigés à la main à l'encre par Boris Vian. Nombreuses ratures. - Un feuillet plié en deux rédigé à l'encre de la main de Boris Vian également, comportant le titre de la chanson et les mentions suivantes : "6.1.51 - Boris Vian 3 rue D'Aumale St Tropez Var" - deux feuillets perforés tapés à la machine, mise au propre du manuscrit. La musique de ce texte fut composée parLouis Bessières et la chanson fut interprétée par Magali Noël. "Le6 janvier 1951, Boris Vian passe l'examenobligatoire d'admission à laSacemsur le thème imposé "Pour bercer ma peine". Sa qualité d'auteur reconnu lui permettra désormais de percevoir des droits d'auteur. Rappelons qu'en 1951, il a déjà publié huit romans : Vercoquin et le Plancton, L'Ecume des Jours, J'irai cracher sur vos tombes, Les Morts ont tous la même peau, Et on tuera tous les affreux, Elles se rendent pas compte, L'Automne à Pékin, L'Herbe rouge, un recueil de nouvellesLes Fourmis, et un recueil de poésieCantilènes en gelée, présenté une pièce de théâtreL'Equarrissage pour tous, fais des traductions (Le Grand Sommeil,La Dame du lac...), écrit des articles, et tout cela ne lui a rapporté que très peu d'argent car ses livres se vendent mal, hormis le trop célèbreJ'irai cracher sur vos tombes. Boris Vian doit passer à autre chose de plus lucratif si possible. On peut dire qu'il s'y emploie de ce pas en se lançant dans la chanson." (Oeuvres de Boris Vian, Tome 11) Dans la fiche professionnelle de Boris Vian à la SACEM, on lit le pseudonyme qu'il s'est choisi : Vernon Sinclair... L'examen d'entrée à la SACEM fut instauré en 1878 et perdurera jusqu'en 1991. Les aspirants à l'adhésion - qui donnait notamment le droit à une pension - disposaient d'une heure à une heure et demie pour composer une chanson sur un thème imposé. Le centre d'examen du 10 de la rue Chaptal vit ainsi défiler les plus grands noms de la chanson française et les thèmes les plus décadents: Bourvil dut composer, en 1944, sur le thème «Totor le tatoué» tandis que Georges Brassens reçut l'intitulé «Les étrennes de mon amie» en 1942. Il faut croire que Boris Vian fut reçu par un examinateur peu fantaisiste et la chanson qu'il écrivit lors de son examen est d'une rare mélancolie: Je ne sais pourquoi l'on persiste A ressasser tous ses chagrins Pourquoi lorsque l'on est trop triste On veut prendre le dernier train Provenance : Fondation Boris Vian. - Photos sur www.Edition-originale.com -
s.d. [1953], 21x27cm et un feuillet de 21x18,5cm, 14 feuillets.
| Le snobgermanopratin roule des mécaniques au volant de sa Torpedo|<br>* 14 feuillets rédigés à l'encre violette sur feuillets perforés à petits carreaux. Treize d'entre eux sont numérotés en haut à droite de la main de l'auteur (3, 4, 5, 7, 8, 10, 11, 12ème non numéroté mais sur lequel le texte se poursuit normalement, 13, 14, 15, 16, 19 et 22). Le début du texte manque ainsi que certains feuillets (entre les n°5 et 7, ainsi qu'entre les n°8 et 10 et les n°11 et [12]). Nombreuses biffures, ratures et corrections. Quelques traces marginales d'adhésif. Très beau brouillon en très grande partie inédit témoignant de l'amour inconditionnel du dandy germanopratin pour l'automobile. Passionné de mécanique et de conduite, Boris Vian posséda de nombreux modèles de voitures; sa favorite fut incontestablement sa Brasier Torpédo 1911, ancien taxi de la Marne dont il fit l'acquisition au printemps 1950. Dans un précédent article donné à Constellation et intitulé «Et dire qu'ils achètent des voitures neuves!» (n°46 février 1952), Claude Varnier décritamoureusement leur rencontre : «Ma voiture a quarante ans tout juste: elle a été construite en 1911. Avant de l'avoir trouvée, j'en ai conduit beaucoup d'autres; aucune ne m'a jamais donné autant de satisfaction.» Etrange auto dotée d'un pot de chambre amovible et d'un évier escamotable, à l'image des machines fantastiques que Boris Vian inventa pour ses romans, elle fut la seule à figurer sur la pochette de l'un de ses albums, Chansons possibles ou impossibles, sur lequel figurent les plus grands succès du chansonnier. L'homme et la voiture sont inséparables, Boris y promène Duke Ellington lors de ses visites à Paris «et ce sera un insigne honneur, accordé à quelques jolies femmes de sa connaissance, Eléonore Hirt ou Olga, une voisine, que de prendre la pluie pour des heures, la capote empêchée, sur la route du soleil» (Philippe Boggio, Boris Vian, 1993). En centralien appliqué, il apprécie la conduite capricieuse et la mécanique désuète de sa Brasier, comme en témoigne le manuscrit que nous proposons. Le texte est en effet ponctué de descriptions élogieuses du splendide véhicule:«elle s'est rhabillée de neuf: peinture blanche, cuir rouge, capitonnage exécuté par un ouvrier d'époque, s'il vous plaît.» Claude Varnier loue les qualités exceptionnelles de sa voituretout en soulignant les affres de la conduite d'un modèle ancien: «je suis obligé de la grimper en troisième et le régime du moteur baisse (...) mais une Brasier ne cogne jamais: elle monte ou s'arrête(on n'a d'ailleurs qu'à changer de vitesse pour éviter ce désagréable phénomène ». Son carrosse ne manque pas d'attirer les regards: «il est bon de voir la foule, spontanément, apprécier l'effort d'un isolé pour mettre l'accent sur la qualité française [...] Je vois à votre voiture que vous êtes quelqu'un de bien, qui respecte les traditions. » Si le début du manuscrit est relativement fidèle à la version finale de l'article de Constellation, il en est tout autrement de la suite. En effet, alors que Claude Varnier, parti en virée vers la Normandie, se fait arrêter pour excès de vitesse par un policier, ce personnage n'apparaît pas dans notre manuscrit, où il est éclipsé par la présence de la célèbre Zizi Jeanmaire, proche amie de Boris Vian : «Mon amie Zizi est venue me souhaiter bon voyage; elle apprécie tellement le confort de ces baquets capitonnés qu'elle ne descend qu'à la Porte de Saint-Cloud, la nostalgie dans l'il et cinq cents balles de taxi devant elle, funèbre perspective.Je lui ai bien proposé de l'enlever, mais elle pense que ça se saurait, avec une voiture comme ça...» Le personnage de Zizi est associé à celui d'Odile, «une personne sage». Le Dictionnaire des uvres de Boris Vian nous apprend que «Vian affectionne ce prénom pour ses chroniques de Constellation où il désigne l'épouse du narrateur, parisienne charmante.» Le reste de l'histoire fait la part belle à l'autobiographie. Boris Vian y évoque un séjour à Caen en compagnie de Jo Tréhard, créateur du Festival dramatique de Normandie qu'il rejoint pour qui il écrit le livret d'opéra Le Chevalier de neige en mai 1953: «Jo a un poste municipal et connaît fort bien le maire. Il me le présente.» La rencontre avec le maire de Caen, racontée dans notre manuscrit, est relatée dans la biographie de Philippe Boggio: «Lors du premier voyage à Caen, Boris s'était tout de suite bien entendu avec le maire. Celui-ci était tombé en arrêt devant la Brasier, et avait exigé de la conduire.» Dans cette ébauche non retenue de Constellation, c'est Claude Varnier qui lui propose: «- Monsieur le Maire, que diriez-vous d'un tour d'honneur en Brasier le 26 juillet sur votre circuit de vitesse.» L'alcool fait partie intégrante de l'uvre de Vian (notamment par la création de son célèbre Pianocktail); ce manuscrit n'échappe pas à la règle: Claude Varnier a le sens de la fête et de la boisson. L'hôtelière qu'il rencontre lui offre «un petit calvados» que Claude juge «bien bon». L'apéritif fait bien vite tourner la tête de notre chroniqueur qui déclare au troisième verre: «Ce n'est plus le trou normand, c'est un véritable abîme». Il enchaîne: «Si je continue comme ça, tout l'alcool de la maison va y passer». Reprenant le volant de sa Brasier - et le sujet principal de son article - il souligne avec humour: «Est-ce le calva, est-ce l'air vespéral (J'ai déjà remarqué qu'entre sept et neuf heures, la Brasier peut faire dix à l'heure de plus). J'ai réalisé une incroyable moyenne sur ces derniers kilomètres.» L'article, résolument technique dans sa version finale, prend ici une tournure des plus oniriques. Toute la fin, racontant comment Claude Varnier rêve d'inaugurer le circuit de Caen au volant de son bolide, humiliant les Ferrari et autres Gordini, n'était qu'un rêve provoqué par son ivresse: «Quelques secondes après, je me ranime grâce aux bons offices de Jo qui me passe un linge humide sur le front(...) Dans l'excès de mon émotion je me suis un peu évanoui...» Provenance: Fondation Vian Brouillon autographe signé d'un article de Boris Vian rédigé sous l'un de ses nombreux pseudonymes : Claude Varnier. Il s'agit d'une ébauche de l'article intitulé "Mes vacances comme en 1900" paru dans le numéro d'août 1953 de la revueConstellation. Le manuscrit préparatoire que nous proposons est en très grande partie inédit, Vian y ayant imaginé une toute autre histoire. - Photos sur www.Edition-originale.com -
s.d. (circa 1950), 21x27cm, 3 pages sur 3 feuillets perforés agrafés.
Manuscrit autographe inédit d'un projet de scénario cinématographique de Boris Vian. 3 pages sur 3 feuillets rédigées à l'encre noire et bleue et au stylo bille bleu. Ratures, corrections et notes marginales. Pliure centrale sans gravité. Une coupure verticale sur le premier feuillet, sans manque de texte. Amusant projet cinématographique raillant l'impitoyable monde des maisons de disques alors que Boris Vian fait la connaissance de Jacques Canetti qui lui ouvrira les portes de Polydor (qui deviendra Philips). La seconde page présente quelques lignes exposant le synopsis du projet: «Deux maisons de disques rivales se trouvent enlisées dans une guerre de concurrence acharnée. Chacune attend pour agir de savoir ce que prépare l'autre [...]» Boris Vian semble avoir une idée bien précise de l'ambiance du film, indiquant déjà des détails techniques d'importance: «Début du film en bistre (historique) [...] arbre découpé (voix des chênes) [...] ou à la guillotine (ombre dans la cour) [...] côté cinémassacre-ballet Hitchcock dans l'action». Il a également une idée assez arrêtée des les acteurs choisis pour interpréter les différents personnages: «[Jacques] Dufilho, [Hubert] Deschamps [...] Personnage de Georges Cravenne (Y.[ves] Robert ou Darry Cowl», bien qu'il ne semble pas encore décidé pour l'interprète du «personnage de Barclay».Fidèle à son humour, il imagine ponctuer l'intrigue de «sketches de démonstration», d'une «parodie du ballet M.G.M.» ou encore de «sketches satiriques venant couper le burlesque». La part belle est, compte tenu du sujet, faite à la musiqueet plus précisément au rock'n'roll: «Un seul orchestre spécialisé dans le rock, et chacune des deux maisons essaie de se l'approprier[...] Rock et Roll sont associés». Influencé par les maîtres de la science-fiction américaine d'après-guerre qu'il admire, Vian introduit dans ce scénario des éléments propres au genre de l'anticipation; les «Maisons de disques s'espionnent à coup de téléviseurs perfectionnés» et il y a même des «Martiens». L'écriture rapide et les ajouts marginaux de ce manuscrit témoignent de la vivacité de Boris Vian, infatigable travailleur à l'imagination prolifique. Dans son langage non-conformiste, il multiplie les idées sur le papier: «il faut moderniser notre organisation. On fait défiler les mecs et on les abat à coup de presse-papier quand ils sont trop vieux [...] chacun des maisons pousse au cul son grand docteur». Comme le souligne Noël Arnaud dans ses Vies parallèles de Boris Vian, «Boris Vian s'est (...) intéressé au cinéma de manière active, et à plusieurs reprises. Il a composé des scénarios (certains ont même été tournés), il est apparu comme acteur dans différents films et il a écrit des commentaires de courts métrages.» Un documentaire intitulé Le Cinéma de Boris Vian, sorti en 2010, relate la passion de Boris Vian pour le cinéma et sa collaboration avec le réalisateur Pierre Kast qui disait de son ami: «J'aimerais beaucoup - c'est un des plus grands regrets de ma vie - j'aimerais beaucoup entrer dans une salle de projection, avec un bon fauteuil et plusieurs dizaines d'heures devant moi, et regarder les vingt films que Boris rêvait de faire.» (Pierre Boiron, Pierre Kast 1985). Ironie du sort, c'est dans un fauteuil de cinéma que Boris s'éteindra...devant l'adaptation qu'il exécrait de son roman J'irai cracher sur vos tombes. Provenance : Fondation Vian - Photos sur www.Edition-originale.com -
S.n., s.l. s.d. (1948-1949), 31x20cm, 16,5x11cm et 20,7x26,7cm, 3 feuillets.
| L'hymne tabou du maître des zazous |<br>* Secrète et précoce chanson, à l'écriture hâtive et aux nombreuses ratures, sans doute écrite sur le coin de table d'un caveau, hommage aux troglodytes célèbres et aux zazous anonymes de Saint-Germain-des-Prés - Un feuillet à carreaux perforé rédigé par Boris Vian à l'encre bleue, nombreuses ratures et corrections, quelques déchirures marginales. Ce feuillet est plié en trois, comme s'il s'agissait de la maquette d'un tract. En tête du feuillet, quelques essais manuscrits de la main de Vian confirment que ce texte était peut-être destiné à devenir l'hymne d'un cercle de germanopratins : « CLAC : Cercle Littéraire des amis des caves / Cercle libre des amateurs de cuisse. » Au verso de ce feuillet, des notes manuscrites de Vian probablement en vue d'animer ce cercle qui ne fut, à notre connaissance, jamais créé : « Tableau d'affichage - signé le troglodyte de la semaine [...] Manifestes à faire signer toutes les semaines. » -Un papillon perforé prélevé sur un feuillet de cahier d'écolier reprenant la strophe « Pour venir au Tabou » et la suivante, également de la main de Boris Vian. La première strophe n'apparaît pas dans son intégralité sur le feuillet principal. Une trace d'adhésif au verso. -Un feuillet perforé tapé à la machine, mise au propre du manuscrit. En bas à droite, la date « 1948-1949 » est indiquée. Cette chanson - une des toutes premières de Vian - est un véritable hymne germanopratin, qui ne fut jamais interprétée hors des caveaux.Il préfigure le fameux Manuel de Saint-Germain-des-Prés qui ne paraîtra qu'en 1974. Elle fut retranscrite, avec les strophes dans un ordre différent, dans le tome 11 des uvres complètes de Boris Vian consacré à ses chansons, mais certains vers barrés de notre manuscrit demeurent bien lisibles et inédits : « Quand on n'sait pas danser / Il vaut mieux s'en passer ». Alexandre Astruc, cité à deux reprises dans la chanson, témoigne dans ses mémoires de la création de celle-ci : « Je dois reconnaître qu'en dépit de l'alcool qu'on pouvait y ingurgiter, je n'aimais pas vraiment les caves, ni les pitreries de Vian, auquel je reconnaissais pourtant un réel talent de pasticheur et de pince-sans-rire. Il avait écrit une chanson très drôle sur les cocktails que donnait Gaston Gallimard chaque premier vendredi du mois. Tout ce que la littérature française comptait de plus sérieux s'y retrouvait, cul par-dessus tête, les jambes des femmes battant l'air dans leurs jupes new-look, sur l'herbe tendre des pelouses de Gaston, tant le préposé à la boisson, un homme rougeâtre du nom de Bitodos, avait coutume de forcer sur la dose d'alcool. En voici, autant que je m'en souvienne les paroles édifiantes : « Et le vendredi soir / On va chez Gallimard / On mang' des pt'its gâteaux / Offerts par Bitodos / Et l'on voit Jean Genet / qui se fait... enculer / Tandis que sur l'gazon / Astruc rend son gougeon... » (A. Astruc, La tête la première, 1975). Cette mention précise de l'impertinente chanson dans ses souvenirs des caveaux parisiens prouve qu'Astruc a entendu Vian l'interpréter, sans doute même à plusieurs reprises. La mémoire d'Astruc n'est pourtant pas tout à fait exacte et la chanson de Boris Vian, bien au-delà de l'évocation des garden-parties de Gaston Gallimard, constitue un véritable hommage au mode de vie germanopratin, alors en péril. Cette chanson grivoise fut en effet rédigée aux derniers souffles du Tabou, célébrissime club-cave fondé en 1947 où Boris Vian régnait en maître, entouré d'autres illustres personnalités citées dans ce tableau : « Les gens de Saint-Germain S'amusent comme des gamins ls lisent du Jean-Paul Sartre En mangeant de la tartre. » Deux strophes rendent hommage à la mythique cave de la rue Dauphine : « Pour venir au Tabou Faut être un peu zazou Faut porter la barbouze Et relever son bénouze - Dans une ambiance exquise On mouille sa chemise Et quand y'a trop d'pétard Ça finit au mitard » tandis que deux autres évoquent l'avenir des zazous : « Mais quand nous serons vieux Tout ira bien mieux On s'paiera des p'tites filles Pour s'occuper la quille - Et on viendra toujours Fidèle a ses amours Au Cercle Saint-Germain Pour y voir des gens bien. » Cette nouvelle évocation du « Cercle » adjointe aux annotations « clac » en tête du feuillet peuvent laisser supposer que Vian souhaiter créer un collectif qui survivrait au-delà du Tabou. Quoi qu'il en soit, à l'époque de la création de cet hymne aux « gens de Saint-Germain », naît le Club Saint-Germain, nouvelle cave plus « select » que son aînée qui deviendra la première scène jazz de Paris. Provenance : Fondation Boris Vian. - Photos sur www.Edition-originale.com -