FERNAND NATHAN. NON DATE. In-12. Relié. Etat d'usage, Coins frottés, Coiffe en pied abîmée, Intérieur acceptable. Environ 12 pages cartonnées - nombreuses illustrations en couleurs dans le texte.. . . . Classification Dewey : 843.0692-Livres d'enfants
Reference : R240054928
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94 cartes et LAS, auxquelles nous joignons quelques photos et quelques lettres postérieures. Belle correspondance personnelle adressée aux deux frères Charlemagne et Jean Bart par leur frère Léo Bart, du 4 janvier 1915 au 21 août 1917, adressée à Jean Bart, matelot mécanicien à la Caserne Eblé au Havre, puis marin à l’Arsenal de Cherbourg, puis embarqué à bord du sous-marin Denis-Papin. Remarquable correspondance, car non soumise à la censure militaire, d’environ 94 lettres et cartes, auxquelles nous joignons quelques photos personnelles des protagonistes.La première lettre est datée du 29 septembre 1914 de Nomain Andignies, adressée des parents Bart à leur « Cher Fils », dont ils ont appris qu’il était blessé mais peu gravement. Ils racontent le passage des allemands, la fuite des habitants de Nomains vers Douai, « et les allemands sont restés pendant 15 jours à Orchies pour préparer leurs mauvais coups il y a eu des anglais qui sont venus les dénicher alors ils sont partis pour Valenciennes [ etc… ] depuis le 24 août nous n’avons plus de courrier nous sommes obligés de faire porter nos lettres à Lille. Nous avons été tranquille jusque le 24 septembre la nous avons eu un combat à Archies les français ont pris 3 auto et dans un fossé on a trouvé un officier tué avec un ordre dans la poche que l’on devait incendier Orchies à 7 heures du soir [… ] et le lendemain ils ont mis le fin à tout Orchies [ …] A l’heur ou je t’écrit on vient de nous dire qu’il y a des Hulans qui viennent reconnaître le terrain et ce matin nous avons vu deux aéroplanes une allemande et une française qui lui a fait la chasse [etc…] ». Il s’agit de l’unique lettre de l’ensemble provenant des parents de Jean Bart, Nomain ayant ensuite été occupée par les allemands.Un frère (manifestement Léo Bart) écrit le 7 décembre 1914 « je ne travaille plus pour l’armée depuis 8 jours car en général tous les patrons parisiens se figurent que parce que nous sommes des réfugiés nous devons subir toutes leurs humiliations et faire des bassesses. J’ai fait 3 boutiques depuis mon arrivée à Paris, et je rentre demain dans la 4e comme contremaître [… ] Je me suis fait inscrire pour passer le conseil mais j’ai bien stipulé « automobiliste » mais c’est une ressource car je ferai tout ce qu’il m’est possible de faire pour me faire réformer de nouveau et si je ne puis l’être au conseil j’aurai au moins la chance de l’être en arrivant au corps ».[ … ] je suis ici avec l’oncle de Germaine, le directeur de chez Thiriez. [ … ] Il a envoyé un télégramme à Germazine « par la voie d’un consul de Hollande » [… ] « tout ce que l’on sait c’est que les Allemands ont tout organisés comme s’ils étaient chez eux à Roubaix ils ont rouvert les écoles, il font marcher les usines en autres la maison Thiriez ». Il évoque la guerre qui va durer au moins l’hiver, s’inquiète de son frère : « Et ton bras, comment va-t-il ? Fais bien attention de ne plus retourner à cette orgie sanguinaire et si les mouvements de ton bras ne sont plus complets ils ne pourront certainement pas de renvoyer au feu si tu sais te débrouiller, maintenant si à force d’insister on voulait te réformer ne te laisse surtout pas réformer n°2 il faut te faire réformer n°1 c’est-à-dire avec pension car il ne faut pas que tous ces messieurs c’en tire à si bon compte [ … ] Maintenant je voudrais bien savoir l’état exact de ton bras, car je crois que tu ne me dis pas toute la vérité [ …] ». Il lui conseille de se faire inscrire comme décolleteur.Suivent deux autres CP datées du 20 puis du 28 décembre 1914. On y apprend que leur frère Charlemagne, blessé, est à Périgueux, et que lui-même, Léo, a dû abandonner côté allemand sa femme et sa fille…Le même écrit le 4 janvier 1915 (1914 par erreur sur la lettre) à Jean, depuis le Grand Hôtel du Pont du Cher, à Saint-Florent, et l’informe qu’il s’y trouve « non comme soldat, mais comme militarisé pour monter une usine pour la fabrication des gaines d’obus. Je suis ici dans un sale patelin et on s’y fait crever à travailer je t’assure que je préfèrerais être sur le front ». Il est sans nouvelles de sa femme et de sa petite-fille, restées à Loos. Le 12 février 1915, il s’inquiète pour son frère « il paraît que chaque fois que tu sors du bois et te rends malade ce n’est pas digne d’un jeune homme tel que toi, que dirais-je moi qui ait laissé ma femme et ma petite-fille à Loos », [ …], « prends patience un grand coup se prépare et avant 1 mois soit persuadé que tous ces bandits seront chassés de chez nous ». Le 9 juin 1915, automobiliste dans le secteur Postal 63, il lui reproche d’avoir fait « de la caisse ». Il sait bien que l’on souhaiterait savoir ce qui se passe sur le front ; leur frère Charlemagne « pourrait te raconter bien des choses, mais la guerre du mois d’août dernier n’était pas celle que l’on fait en ce moment. Je puis t’en causer car ce matin encore je suis allé à 1500 mètres des tranchées boches et je t’assure que ça barde quand tu vois des chevaux coupés en deux par des éclats d’obus il faut pas demander quand cela arrive dans groupe d’hommes [ …] ». Les 11 et 15 mars 1915, Léo Bart écrit à Jean, sur papier à en-tête de l’Hôtel franco-russe à Paris. Il est désormais automobiliste et compte « monter sur le front avec une auto-mitrailleuse ou une auto-canon ou auto-projecteur. Je te conseillerai de faire une demande pour être versé comme moi au 13ème Artillerie comme automobiliste car on en demande beaucoup » [ … ] Charlemagne me dit que tu désires aller voir comment ça se passe sur le front, ne fait jamais cette bêtise là moi j’en reviens j’y ai passé 8 jours et je t’assure que ce n’est pas amusant ». Le 17 mars, Léo lui envoie une des lettres les plus émouvantes : « Je reviens du front où j’ai fait des convois de chevaux et maintenant je suis automobiliste mais malheureusement je crois que je vais repartir bientôt comme auto-mitrailleur. Enfin si jamais j’y laissai ma peau je compte sur toi pour aller voir Germaine et l’embrasser pour moi. Surtout ne dit jamais que c’est moi qui ai demandé à partir, tu me le jureras dans ta prochaine lettre [ souligné six fois !] car je le regrette amèrement ». […] « Ne te fais pas de mousse pour moi, je ne suis pas encore parti et tu sais que je suis débrouillard ». Suivent six missives plus brèves adressées à Jean et Charlemagne (lequel est arrivé au centre des Convalescents de La Force en Dordogne). Léo est désormais au service du courrier.Le 17 juillet 1915, Léo écrit qu’il lui est « arrivé une sale blague, nous étions en train de discuter dans la cour de chez nous quand arriva le lieutenant un copain cria 22, ce lieutenant a peut-être cru que c’était moi qui avait crié et depuis 8 jours je suis sur les épines [ … ] figure toi que le fautif est parti en permission, mais je dois te dire que ce lieutenant est du Midi et soit certain qu’il ne doit pas gober les gens du Nord, et il n’est pas sans savoir que les Gars du Nord détestent les mauvais soldats du Midi. Mais vois-tu la Guerre finira un jour et il faut espérer qu’on les houspillera un peu car ils n’ont rien à souffrir ils sont les bienvenus dans les hautes sphères, ils sont en communication avec les leurs enfin ils ont tou pour être heureux tandis que nous, il nous manque tout cela et non content d’être ainsi favorisé ces salauds là rient de notre malheur et nous tourne en risées [… ] Lorsque j’ai demandé ma permission pour Bergerac au bureau ont ma demandé si c’était pour aller voir Cyrano, j’aurai bien pu leur répondre que s’ils étaient un peu moins fénéants et un peu plus patriotes nous pourrions faire comme eux aller embrasser les nôtres [ … ] ».Le 19 septembre il expose la manière de correspondre avec Lille (« l’enveloppe ne doit pas être cacheté et ne pas parler de la guerre »). Le 20 septembre, Léo annonce avoir reçu des nouvelles de sa femme et de sa fille. Le 22 octobre (à Charlemagne et Jean, tous deux à Cherbourg) : « hier ont a demandé des volontaires pour la Serbie, et je vous prie de croire que si je n’avais pas femme et enfant je me serai fait inscrire car j’en ai assez de vivre au milieu de tous ces salauds là. Qu’est-ce que c’est que la guerre pour eux, ce n’est rien au contraire ils font de l’automobile toute la journée, ils ont de l’argent plein leurs poches, ils font venir leurs femmes quand ils veulent. Tu vois que ces gens là voudraient bien que la guerre dure éternellement [ …] Maintenant dans notre secteur c’est plus calme depuis quelques jours les boches attaquent plus à l’Ouest du côté de Reims mais ils ramassent la purge [ … ] ces vaches là tiennent bon quand même et quand on fait des prisonniers c’est parce qu’ils sont prix par les tirs de barrages qui empêchent les vivres d’arriver sans cela il se font tuer jusqu’au dernier même étant prisonnier ils nous engueulent encore ».Le 1er novembre 1915 puis le 6 novembre, Léo écrit, précisant que « si je t’envoie un lettre par un civil, c’est pour ne pas que ma lettre passe à la censure militaire et farceur que tu es tu mets sur ton adresse pour remettre à un militaire farceur va enfin ça y est tout est arrivé à bon port [ … ] » Dans les lettres suivantes (novembre et décembre ), il essaie d’envisager la réunion des 3 frères à Cherbourg, mais avec prudence, car les mensonger exposent aux enquêtes de gendarmerie.Le 21 janvier 1916, il indique avoir reçu une photo de sa femme dont il est resté marqué, « elle fait pitié tellement elle a maigri ».Le 20 février 1916, il s’inquiète de ne plus recevoir de nouvelles. Il a appris par son oncle que l’explosion du dépôt de munition de la Porte des postes a causé des dégâts considérables, « tout le quartier de Moulins-Lille est rasé il y a 600 immeubles de démolis, 2000 victimes civiles et 300 soldats boches, tout cela demande confirmation bien entendu mais c’est le bruit qui coure ».Le 1er avril 1916 il écrit : « nous sommes de nouveau au repos et tu as dû lire la citation de tous les automobilistes du front de Verdun ». Le 19 mai 1916 il écrit (Motocycliste 551 T. M. Convois auto B.C.M. Paris) : « Pour le moment nous sommes très surmenés avec cette sacrée bataille de Verdun qui n’en fini pas, qui est très fatiguant pour nous car il faut marcher jour et nuit pour le transport des munitions ».Nous ne détaillons pas l’intégralité de la correspondance. En juillet 1916, il raconte que des « nuées d’avions sillonnent continuellement le ciel nuit et jour et les boches ne peuvent plus monter leurs saucisses car on les abat aussitôt ». Le 216 octobre 1916 il évoque un tuyau de l’Intendance anglaise prétendant que Lille sera repris pour la fin du mois. « Contrairement à ce que je t’avais dit, au lieu d’aller dans l’infanterie, c’est pour les tracteurs d’artillerie, ou dans les « Tancks » (crème-de-menthe ») et on relèvera jusqu’à la classe 1902. En novembre « j’ai bien peut d’être expédié à Salonique, car en ce moment c’est une vraie pétaudière ». La dernière lettre du temps de guerre date du 21 août 1917
Passionnant ensemble, à analyser en profondeur. Prix de l'ensemble, non séparable.
3 cahiers manuscrits dont deux brochés (l'un oblong), 1928, 40 ff. et 1943, 36 ff. et l'autre cartonné (recueil de citations). Rappel du titre complet : Journal Intime d'Yvonne Soubiran, élève au lycée français de Madrid puis à l'Institut Français de Madrid [ Du 16 mars 1928 au 8 mai 1928 puis du 16 février 1943 au 30 avril 1943 ] Remarquable document qui nous plonge dans la vie quotidienne et intellectuelle d'Yvonne Soubiran, 15 ans en mars 1928 ("j'ai quinze ans, c'est vrai"), une brillante lycéenne du Lycée Français de Madrid. Dans un premier cahier (daté de 1928), elle évoque sa vie quotidienne, et expose le détail de ses cours et des nombreuses conférences auxquelles elle prend plaisir à assister, telle celles de M. Lavedan sur les Hurdes. Elle évoque le cinéma Pardinas où elle se rend le 2 mai pour voir le film "El dos de Mayo". Surtout, elle parle (en date du 8 mai 1928) "d'une conférence très bien de Mr. Chevallier [le philosophe et ami de Bergson Jacques Chevalier ] au sujet de Bergson. Dans sa jeunesse, au sortir de l'école normale Bergson est positiviste. Un jour, professeur à Clermont-Ferrand, il explique à ses élèves la théorie d'Achille et de la Tortue. Pour les mathématiques, il est impossible de démontrer qu'Achille dépasse la tortue s'il part après elle, or dans la réalité il en est autrement. Ce trait donne à réfléchir au savant, il finit par conclure que le mouvement n'est pas une trajectoire mais une durée" [... ] "On pouvait se rendre compte de l'intérêt de la conférence par le silence absolu de la salle, on entendait les mouches voler. L'esprit était emporté vers des régions supérieures, on ne vivait plus qu'en extase, pendus aux mots du conférencier. [ ... ] Marie Louis et sa mère y étaient mais elles n'ont pas été très épatées, moi j'étais transportée, je l'aurai entendu pendant des heures. Maman me disait qu'elle avait ressenti la même impression en écoutant Bergson lui-même qui est venu à Madrid en 1916, pendant la guerre". Dans un second cahier (à partir du mardi 16 février 1943), elle évoque les nombreuses conférences auxquelles elle assiste à l'Institut Français de Madrid, notamment les conférences d'histoire de la littérature et surtout d'histoire de la poésie moderne par l'abbé Jobit (dont elle présente à chaque fois un compte-rendu détaillé, ainsi sur Mallarmé, Valéry ou Apollinaire), par le docteur Botella Llusia, par M. Mattei en philosophie ("un homme d'une culture supérieure, je regrette bien de ne pasl'avoir connu plus tôt") ainsi qu'aux concerts (par le pianiste Reuchsel, la violoniste Albina de Madinaveita, Reine Gianoli, etc...) ; elle se fait embaucher à l'Institut, fête le 15 mars 1943 son anniversaire ("j'ai trente ans aujourd'hui, cela me paraît impossible. Quand j'avais quinze ans il me semblait qu'on était vieux à cet âge, et maintenant je me trouve encore si peu de chose, si enfant par bien des côtés. Comme j'ai toujours vécu dans les jupons de maman, je n'ai pas l'habitude des responsabilités, et je ne sais pas me décider dans les choses sérieuses". Elle évoque les films qu'elle vient de voir (dont Rebecca avec Laurence Ollivier), un peu l'actualité : le recul des allemands devant Karkhov, "l'ambassadeur d'Allemagne von Molkte est mort en quelques jours à la suite d'une appendicite. Il y avait à peine deux mois qu'il était arrivé ici en remplacement de von Störer qui avait été dégommé. Cette mort subite a fait sensation ici et le pauvre chirurgien qui l'a opéré, le Docteur Cardenal a dû être bien embêté"... Elle relate l'arrestation d'un ami par la sûreté espagnole pour complicité dans le passage en fraude de deux voyageurs à la frontière basque. Enfermé à la Puerta del Sol, il est tout d'abord mis au secret dans une cellule microscopique : "le plus triste, c'est qu'on a commencé par lui flanquer une bonne volée pour essayer de le faire parler". Deux jours plus tard "Charles est toujours en prison. Mr Widhof est allé le rejoindre, car naturellement il a tout pris sur lui en disant que c'est lui qui l'avait envoyé à la frontière". Le 1er avril elle décrit l'imposant défilé militaire ; pour le vendredi Saint, les impressionnantes processions de pénitents
Très remarquable document qui nous plonge dans la vie quotidienne et intellectuelle d'Yvonne Soubiran, 15 ans en mars 1928 ("j'ai quinze ans, c'est vrai"), une brillante lycéenne du Lycée Français de Madrid. Dans un premier cahier (daté de 1928), elle évoque sa vie quotidienne, et expose le détail de ses cours et des nombreuses conférences auxquelles elle prend plaisir à assister, telle celles de M. Lavedan sur les Hurdes. Elle évoque le cinéma Pardinas où elle se rend le 2 mai pour voir le film "El dos de Mayo". Surtout, elle parle (en date du 8 mai 1928) "d'une conférence très bien de Mr. Chevallier [le philosophe et ami de Bergson Jacques Chevalier ] au sujet de Bergson. Dans sa jeunesse, au sortir de l'école normale Bergson est positiviste. Un jour, professeur à Clermont-Ferrand, il explique à ses élèves la théorie d'Achille et de la Tortue. Pour les mathématiques, il est impossible de démontrer qu'Achille dépasse la tortue s'il part après elle, or dans la réalité il en est autrement. Ce trait donne à réfléchir au savant, il finit par conclure que le mouvement n'est pas une trajectoire mais une durée" [... ] "On pouvait se rendre compte de l'intérêt de la conférence par le silence absolu de la salle, on entendait les mouches voler. L'esprit était emporté vers des régions supérieures, on ne vivait plus qu'en extase, pendus aux mots du conférencier. [ ... ] Marie Louis et sa mère y étaient mais elles n'ont pas été très épatées, moi j'étais transportée, je l'aurai entendu pendant des heures. Maman me disait qu'elle avait ressenti la même impression en écoutant Bergson lui-même qui est venu à Madrid en 1916, pendant la guerre". Dans un second cahier (à partir du mardi 16 février 1943), elle évoque les nombreuses conférences auxquelles elle assiste à l'Institut Français de Madrid, notamment les conférences d'histoire de la littérature et surtout d'histoire de la poésie moderne par l'abbé Jobit (dont elle présente à chaque fois un compte-rendu détaillé, ainsi sur Mallarmé, Valéry ou Apollinaire), par le docteur Botella Llusia, par M. Mattei en philosophie ("un homme d'une culture supérieure, je regrette bien de ne pasl'avoir connu plus tôt") ainsi qu'aux concerts (par le pianiste Reuchsel, la violoniste Albina de Madinaveita, Reine Gianoli, etc...) ; elle se fait embaucher à l'Institut, fête le 15 mars 1943 son anniversaire ("j'ai trente ans aujourd'hui, cela me paraît impossible. Quand j'avais quinze ans il me semblait qu'on était vieux à cet âge, et maintenant je me trouve encore si peu de chose, si enfant par bien des côtés. Comme j'ai toujours vécu dans les jupons de maman, je n'ai pas l'habitude des responsabilités, et je ne sais pas me décider dans les choses sérieuses". Elle évoque les films qu'elle vient de voir (dont Rebecca avec Laurence Ollivier), un peu l'actualité : le recul des allemands devant Karkhov, "l'ambassadeur d'Allemagne von Molkte est mort en quelques jours à la suite d'une appendicite. Il y avait à peine deux mois qu'il était arrivé ici en remplacement de von Störer qui avait été dégommé. Cette mort subite a fait sensation ici et le pauvre chirurgien qui l'a opéré, le Docteur Cardenal a dû être bien embêté"... Elle relate l'arrestation d'un ami par la sûreté espagnole pour complicité dans le passage en fraude de deux voyageurs à la frontière basque. Enfermé à la Puerta del Sol, il est tout d'abord mis au secret dans une cellule microscopique : "le plus triste, c'est qu'on a commencé par lui flanquer une bonne volée pour essayer de le faire parler". Deux jours plus tard "Charles est toujours en prison. Mr Widhof est allé le rejoindre, car naturellement il a tout pris sur lui en disant que c'est lui qui l'avait envoyé à la frontière". Le 1er avril elle décrit l'imposant défilé militaire ; pour le vendredi Saint, les impressionnantes processions de pénitents
1 L.A.S. de 4 pages sous enveloppe jointe affranchie le 4 mars 1849, adressée à M. "Deulin, Etudiant, à Condé sur l'Escaut" : Edmond About s'excuse de ne pas avoir répondu plus tôt "mais heureusement vous êtes en état de me comprendre et de m'excuser quand je vous dirai que je vous aurai répondu depuis longtemps si je n'étais moi-même amoureux, et sérieusement, c'est à dire follement et de manière à ne pouvoir rien faire de sérieux, pas même une lettre à un ami. Il y a peut-être cette différence entre votre infirmité et la mienne que vous êtes probablement heureux, ou que vous pourrez l'être ; tandis que moi sauf le bonheur d'aimer, je n'en attends, je n'en espère et je ne voudrais même pas en désirer d'autre. [... ] Celui qui vous écrit est dans une impasse d'où l'on ne sort que par un mariage ou par une infamie ; or ni l'un ni l'autre ne sont de mon goût. Je désire de tout mon coeur, mon coeur ami, que vous soyez plus heureux que moi" [ About se réjouit de la vie douce de son ami à Condé-sur-l'Escaut : ] "Je vous félicite donc sincèrement de n'être pas venu à Paris, et d'avoir compté vainement sur M. de Falloux. Si je l'avais connu la dernière fois que je vous ai écrit, j'aurai pu vous éclairer sur la nature de sa parole. Il est venu nous voir à l'Ecole et nous a noyés de compliments délayés et très fades : au reste, il nous déteste et ne songe qu'à nous traiter comme l'école d'administration" [ Il l'invite à se préparer lui-même au concours de l'Ecole : ] "Dans le cas où vous ne seriez pas reçu (ce dont les Dieux nous gardent !) vous vous seriez fait connaître de ces messieurs, et ils vous obtiendraient une place de professeur en province ; en attendant, ils l'ont fait pour un de nos camarades qui ne vous valait pas, et qui avait été refusé pour impertinence à l'examen oral" [ Il répond ensuite en 11 points à toutes ces questions sur l'examen ; durée, longueur, compositions en vers, examens oraux, et notamment pour la dissertation philosophique : ] "Lisez le manuel des trois demi-ânes éclectiques Simon, Jacquin et Saisset ; prenez, si vous avez le temps, une teinture de Descartes, de Malebranche et de Leibnitz. Généralement, la composition est mal faite" [Pour la question d'histoire :] " Peu d'élèves savent répondre par des faits ; on dit le plus de généralités qu'on peut. Une date, quelquefois deux, et c'est tout" [Avec la même verve, il continue plus loin : ] "D'auteurs français, je vous conseille de n'en lire aucun, et surtout de vous abstenir du commentaire de Laharpe. A l'examen, on ne vous demande pas de français, mais du latin et du grec. Ne lisez de français que ce qu'il vous faut pour vous former le style [etc... ] "Je crains, mon cher ami, que vous ne vous fassiez beaucoup d'illusions sur l'Ecole. J'ai été comme vous, mais je ne veux pas anticiper sur votre expérience personnelle. Vous ne trouverez pas ici tout ce que vous espérez. Mais du moins vous y trouverez un ami" [... ]
Magnifique lettre destinée au futur journaliste et écrivain Charles Deulin (1827-1877), l'auteur des "Contes d'un buveur de bière". Edmond About (1828-1885) était rentré à l'Ecole Normale Supérieure en 1848, il sera reçu premier à l'agrégation de lettres en 1851. Il fournit ici ses meilleurs conseils à son ami, et propose un témoignage exceptionnel sur le concours de la rue d'Ulm (où l'Ecole Normale Supérieure venait de s'installer en 1847). Superbe autographe (fente et effrangures n'affectant pas le texte sur un bord).
1 L. A.S. de 3 pages sur papier bleu, datée du 18 septembre (sans mention d'année) : [ Il regrette qu'on ne l'ai pas prévenu que ses services n'étaient plus attendus : ] "J'ai donc fait une chronique, mais on me l'a laissée pour compte. Il aurait peut-être été plus correct de le faire savoir qu'on n'en avait plus besoin. Mais je n'ignore pas que les moeurs du journalisme ont beaucoup changé depuis quelque temps, aussi je passe condamnation sur ce sujet. J'ai lu votre nouveau programme. J'ai vu que le Courrier de Paris s'est mis en frais d'une "Nuance littéraire". Je vous en félicite et je m'en félicite aussi de mon côté ; car cela m'explique en quoi vous n'avez plus besoin de ma collaboration. J'éprouvais quelque embarras à la réfuter à un jeune confrère, et je suis aise de me trouver libre d'un engagement qui, je l'avoue, devenait onéreux pour moi. Et puis vous exigiez de moi - si j'ai bien compris votre lettre - des courriers dans le genre des inimitables lettres de Mme de Girardin ou des spirituelles chroniques de Villemot. C'était là plus que je pouvais faire. Si vous avez eu l'adresse de mettre la main sur le "rara avis" capable de réaliser ce prodige, faites le moi connaître, je vous prie, et je me charge de lui faire donner mille francs par mois dans un grand journal. Quant à moi, mon ambition personnelle ne saurait aller jusque là. Vous l'aurez bien compris, & je vous remercie de m'avoir épargné la rougeur de vous en faire l'aveu. Enfin, le Courrier de Paris a une nuance littéraire, comme la Revue des Deux Mondes a un esprit. C'est parfait. [... ] permettez-moi à ce sujet, un petit conseil : exigez d'eux aussi une légère teinture grammaticale. Il y en a deux ou trois dont la syntaxe doit faire tressaillir d'horreur les cendres de Lhomond et de Wailly dans leur vénérable sépulture" [il reste néanmoins à sa disposition : ] "pourvu que vous n'exigiez de moi ni le génie du Vicomte de Launay ni le bon sens incisif d'Auguste Villemot ]
Belle et curieuse lettre autographe signée du critique et historien Albert de la Fizelière (1819-1878), proche de Baudelaire, Champfleury ou Baudelaire, dont il rédigera la première bibliographie. L'un des grands journaux parisiens, le "Courrier de Paris" inaugura le règne de la chronique quotidienne.
1 L.A.S. de 3 pages , datée de Louveciennes, 11 juillet 1864 : [Iil évoque ses recherches dans les archives de Seine-et-Marne et de Provins et continue : ] "Le compte-rendu qui concerne l'hôpital de Provins, si notre secrétaire général daignait le parcouri, augmenterait peut-être son goût pour le service des archives, & c'est ce que nous devons souhaiter dans l'intérêt de l'institution. Bien qu'il soit piquant de poursuivre avec persévérance depuis onze années, sans grand encouragement, une des oeuvres qui recommanderont le plus, aux yeux de nos successeurs, l'administration actuelle de notre ministère, je ne tiens pas d'une manière essentielle à la poétique auréole des gens méconnus" [ Il regrette de ne pas avoir pu rencontrer son interlocuteur. Il repart pour la Creuse, l'Ardèche et la Savoie ] "Si vous voyez M le Duc de P., je vous prie expressément de lui offrir mon hommage & mes pieux souvenirs. J'aurais dû y retourner ; je crains de lui être importun, & cette pensée me rend contraint en sa présence. Il me croit au dessous de ma tâche et me l'a presque avoué ; - dur loyer d'un zèle que rien ne décourage, vous le savez, vous ! Il a accueilli, contre moi, des infirmations, & conçu des préventions qui sont un chagrin constant dans ma vie. La reconnaissance, l'affection qui me lient à un homme qui a tout mon respect enveniment encore une blessure dont je ne guérirai pas. Mais pourquoi diantre vous dis-je tout cela ? Peut-être parce que j'y pense sans cesse. A vous de coeur"
Belle lettre de l'écrivain, historien chartiste et archiviste Francis Wey (1812-1882), dans laquelle il affirme sa soif de reconnaissance, notamment de la part du "duc de P." (peut-être Ernest Arrighi de Casanova, duc de Padoue, ministre de l'intérieur depuis 1859).