A Leipzig [i.e. Lyon], 1808 1 volume in-8 (20 x 12,5 cm) de (4)-425-(3) pages et un grand tableau dépliant (replié relié entre les pages 56 et 57). Reliure strictement de l'époque demi-basane fauve, dos lisse orné de plattes dorées en guise de faux-nerfs, fleurons dorés, pièce de titre de maroquin rouge, plats de papier marron. Quelques usures (coins, plats, coupes, légères fentes en tête des mors, légères marques et éraflures au dos, le tout sans gravité), intérieur frais. Quelques rousseurs peu pregnantes aux premiers et aux derniers feuillets. Quelques annotations manuscrites, corrections et rajouts, notamment sur le grand tableau dépliant. Collationné complet. Edition originale rare du premier livre de Fourier.
Reference : AMO-4498
Charles Fourier est né à Besançon, département du Doubs, le 7 avril 1772. Issu d'un famille bourgeoise aisée (son père possède un commerce de draps dans la ville de Besançon), il travaille comme commis-marchand ou commis-voyageur à Rouen puis à Lyon qui est la ville où la misère ouvrière est la plus visible, et où l’on peut trouver une abondance de sociétés secrètes de réformateurs. Il est âgé de 36 ans lorsque paraît en 1808 la Théorie des Quatre Mouvements et des Destinées Générales. En 1822 il publie son Traité de l'Association Domestique-Agricole puis en 1829-1830, son Nouveau monde industriel et sociétaire ou invention du procédé d'industrie attrayante et naturelle, distribuée en séries passionnées. Puis en 1835-1836, paraît La fausse industrie morcelée répugnante et mensongère et l'antidote, l'industrie naturelle, combinée, attrayante, véridique donnant quadruple produit. Il meurt le 10 octobre 1837 laissant derrière lui des milliers de feuillets manuscrits. Ce corpus sera publié par le soin de ses amis (Paris, La Phalange) entre 1841 et 1858. La Théorie des Quatre Mouvements et des Destinées Générales fut imprimé à Lyon et publié sans nom d'auteur. Fourier y donne son système de pensée sous le titre sybillin de : "Théorie des quatre mouvements et des destinées générales". Le sous-titre indique qu'il s'agit là des prospectus et annonces de la découverte. Cette première tentative d'explication du système de Fourier fut un échec. Son volume ne fut pas diffusé et les lecteurs alors très peu nombreux. Cependant le Fouriérisme était né et allait faire école à travers le monde entier et les expériences des phalanstères, ces communautés d'individus regroupés dans un même ensemble architectural et animés des mêmes idées fondatrices : une vie harmonieuse autour de l'entraide, la bienveillance, le collectivisme, le socialisme et le libertarisme. Ce socialisme épicurien et poétique, difficilement accessible à la première lecture, de ces concepts remplis de nélogismes à la limite de l'ésotérisme social et politique, sera reconnu par les surréalistes (notamment André Breton qui écrira une Ode à Charles Fourier en 1947). "Sa nouveauté est effectivement radicale ; (Fourier) unit ce qui avait été dissocié dans la société occidentale : la raison et les passions, l'observation et l'imaginaire, l'éthique et l'innocence. Si sa culture dérive des spéculations cosmologiques de Kepler et des loges maçonniques lyonnaises (Swedenborg, Saint-Martin), des recherches des Lumières (Quesnay, Montesquieu, Rousseau, Mably), et de l'ombre (Sade, Rétif de la Bretonne), ses inventions sont absolument personnelles. Le moteur de sa pensée est le scandale de l'organisation sociale : jeune et sensible, il a découvert l'indigence ouvrière, l'opulence inacceptable des puissants ; sa clairvoyance lui a révélé l'inégalité désordonnée et a fait de lui un précurseur du socialisme anti-étatique fondé sur un ensemble de garanties qui sont encore partiellement à l'horizon de nos démocraties. Son outil intellectuel est un combinatoire qu'il applique hardiment à tout le champ du savoir et une écriture extraordinaire associant la verve de Rabelais et le sarcasme de Swift au moyen d'un lexique visionnaire poétique et subversif qui enchantera les Surréalistes." (En français dans le texte, 218). "[...] Alors qu’en 1825, Saint-Simon fait une mort publique, Fourier meurt seul : sa logeuse, ne le voyant pas sortir le matin du 10 octobre 1837, monte dans sa mansarde et le trouve, habillé, mort au pied de son lit. Seul, inconnu, mais nullement dans la solitude. Il a de grands amis, quelques vrais disciples : il aura une formidable postérité ! Déjà, en 1837, Stendhal écrit dans son Journal d’un Touriste : « mort de Fourier ; L’Association de Fourier fait des pas immenses ; mais comme Fourier n’avait aucune élégance et n’allait pas dans les salons, on ne lui accordera que dans vingt années son rang de rêveur sublime, ayant prononcé un grand mot : « Association » ! Quelle postérité ! : l’École fouriériste et Considerant et les milliers de lecteurs de la Démocratie Pacifique ; Owen, Engels, Marx, Weitling, Leconte de Lisle, Dostoievski, Brisbane, Marcuse, André Breton avec son Ode à Fourier et Jaurès, qui a écrit : « Fourier ! lui seul a su concevoir un monde nouveau ». [...] C’est le premier des quatre grands traités de Fourier : exposé incomplet, bancal, déséquilibré de son système de pensée. Fruit d’une imagination débordante qu’il est incapable de contrôler à moins qu’il ne s’y refuse, « sa pensée est comme l’eau du fleuve qui balaie les obstacles et de même que le cours est plus vif près de la source, La Théorie des quatre Mouvements et des destinées générales est un livre plus hardi, plus spontané que ceux qui le suivent ; il a le ton inimitable de la jeunesse et la ferveur de la découverte ». Dans une première partie, exposition, destinée aux « studieux » Fourier expose très brièvement sa conception de l’attractivité « passionnée », comme moteur de fonctionnement des rapports sociaux. Il présente ses idées sur l’organisation du « travail-plaisir », sur le comportement des petits groupes et l’épanouissement de la communauté qui doit tendre et atteindre à l’harmonie. En second lieu, Description. Il s’adresse aux voluptueux et tout particulièrement aux femmes : il aborde le problème de la sexualité, de l’amour, dénonce les vices du système conjugal et matrimonial, beaucoup trop contraignant, répressif, refoulant pourrait-on dire. Il expose sa conception d’une sexualité libératrice, libérée des interdits et des tabous, fait profession de foi féminine et féministe : « l’extension des privilèges (des droits) des femmes est le principe général de tous les progrès sociaux ». Il ne se veut nullement immoral ou amoral, il revendique une vraie morale, une nouvelle éthique basée sur la nécessité des passions (comme mode supérieur de fonctionnement des rapports entre les êtres humains) et sur le travail-plaisir. Travail et passions sont les deux chemins qui ouvrent la voie et donnent accès à la vertu et au bonheur. En fin de cette seconde partie, il analyse et célèbre ce que l’on pourrait appeler les arts synthèses : la gastronomie, appelée gastrosophie, et la musique dans sa forme la plus achevée et la plus complète, l’opéra. Enfin, dans une troisième partie, Démonstration et Confirmation, Fourier, après une critique des philosophes et de leur étourderie méthodique, analyse les insuffisances de la franc-maçonnerie, du système des sociétés insulaires : il dénonce, dans la civilisation, les vices du système commercial, aboutissant à la spoliation, à l’accaparement, à l’agiotage, à la spéculation. Fourier termine par un épilogue d’une éloquence grandiose et pessimiste, une adresse aux philosophes : « Apôtres de l’erreur, moralistes et politiques ! après tant d’indices de votre aveuglement prétendez-vous encore éclairer le genre humain ? … vous avez étouffé la voix de quelques hommes qui inclinaient à la sincérité tels que Hobbes et J.-J. Rousseau qui entrevoyaient dans la civilisation un renversement des vues de la nature, un développement méthodique de tous les vices. Vous avez repoussé ces traits de lumière pour faire entendre vos jactances de perfectionnement. La scène change et la vérité que vous feigniez de chercher va paraître pour votre confusion ». (Gaston Bordet, maître de conférences honoraire à l’université de Franche-Comté, président d’honneur de l’Association d’études fouriéristes, in Commemorations Collection 2008). "La publication du livre… est un échec cuisant ! Fourier a beau envoyer des paquets de livres partout en France, en Suisse, en Allemagne, dans les pays scandinaves, en Angleterre ou en Écosse (il en expédie plus de 600 !!! Qu’on se rende compte du travail de manutention et d’expédition auquel il se livre), le Traité ne se vend pas ! Fourier essaie d’obtenir des articles dans les journaux ou gazettes, rien ne vient, ou pire, le livre incompris est tourné en ridicule ! Plus tard, les enfants qui jouent dans les jardins du Palais Royal à Paris, quand ils le voient, le poursuivent en criant « Fou-riez » ! Sinistre ! Fourier très amer… n’est pas abattu. C’est un lutteur. Le reste de sa vie, il reprend la tâche et écrit trois grands traités. 1822 : Traité de l’Économie domestique agricole – 2 volumes (explication du phalanstère). 1829 : Le Nouveau monde industriel et sociétaire ou procédé d’industrie attrayante et naturelle distribuée en séries passionnées. 1835-1836 : La Fausse industrie morcelée, répugnante, mensongère et l’industrie naturelle, combinée, attrayante, véridique donnant quadruple produit. Il dira : « d’abord lisez ces trois traités, et ensuite et seulement abordez l’étude de mon premier ouvrage, La Théorie des quatre mouvements, il est la parodie avant la pièce » !" (Gaston Bordet, maître de conférences honoraire à l’université de Franche-Comté, président d’honneur de l’Association d’études fouriéristes, in Commemorations Collection 2008). Fourier était-il fou, comme on pourrait le penser à la lecture d'une seule demie-page de l'un de ses ouvrages ? Si l'on en croit la spécialiste de son oeuvre Simone Debout : "il ne faut pas « prendre figure à la lettre », et la cosmologie délirante de l’attraction universelle ressort pour elle de la tradition du miracle grec, des fables de Socrate, propres à faire entendre sous une forme imagée ce que l’on ne peut exprimer conceptuellement." Références : BnF, Utopie : la quête de la société idéale en Occident, n°173 ; Simone Debout « Introduction à la Théorie des quatre mouvements », J.-J. Pauvert édit. Paris, 1967 ; Beecher, Fourier, Paris, Fayard, 1993, pages 141-152. Très bon exemplaire de cet ouvrage fondamental et fondateur des idées progressistes jusqu'à nos jours. Rare en bonne condition d'époque.
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Leipzig [i. e. Lyon] : 1808 In-8, (4)-425-(3) pages et un tableau dépliant. Demi-chagrin légèrement postérieur, dos lisse orné.
Bel exemplaire. Nombreuses annotations manuscrites, corrections et rajouts, en particulier sur le grand tableau dépliant. Edition originale, rare, du premier livre de Fourier. Il contient tout ce qui fera l'originalité de la pensée de Fourier, qui jette ici les bases de sa réflexion sur une société communautaire. Cette théorie universelle, dont la plupart des éléments étaient pour leur auteur des questions résolues, est exposée d'une manière déroutante, sous forme d'aperçus ou de prospectus annonçant des développements à venir, selon la demande des lecteurs. De cet ouvrage, Fourier dira, de son propre aveu, qu'il est une "énigme".En dépit de l'échec total de la publication, le fouriérisme était né et fera école à travers les expériences des phalanstères. Son socialisme épicurien et poétique enchantera un siècle plus tard les surréalistes : André Breton écrira son Ode à Charles Fourier en 1947.« Sa nouveauté est effectivement radicale ; [Fourier] unit ce qui avait été dissocié dans la société occidentale : la raison et les passions, l'observation et l'imaginaire, l'éthique et l'innocence. Si sa culture dérive des spéculations cosmologiques de Kepler et des loges maçonniques lyonnaises (Swedenborg, Saint-Martin), des recherches des Lumières (Quesnay, Montesquieu, Rousseau, Mably) et de l'ombre (Sade, Rétif de la Bretonne), ses inventions sont absolument personnelles. Le moteur de sa pensée est le scandale de l'organisation sociale : jeune et sensible, il a découvert l'indigence ouvrière, l'opulence inacceptable des puissants ; sa clairvoyance lui a révélé l'inégalité désordonnée et a fait de lui un précurseur du socialisme anti-étatique fondé sur un ensemble de garanties qui sont encore partiellement à l'horizon de nos démocraties. Son outil intellectuel est une combinatoire qu'il applique hardiment à tout le champ du savoir et une écriture extraordinaire associant la verve de Rabelais et le sarcasme de Swift au moyen d'un lexique visionnaire poétique et subversif qui enchantera les Surréalistes. » (En français dans le texte, n° 218) BnF, Utopie : la quête de la société idéale en Occident, n° 173.
Leipzig, [Lyon Pelzin], 1808. In-8 [4]-425-[2] pages et un tableau hors- texte, modeste demi-basane brune (rousseurs).
Édition originale anonyme du premier livre de Charles Fourier qui ne donne que son prénom à la fin en annonçant la souscription des « Six Mémoires sur l'Attraction passionnée » : « les lettres et envois devront être adressés, franc de port, à l'Auteur (Charles, à Lyon) ». Pierre Larousse qualifie cet ouvrage de « monument le plus curieux de l'imagination humaine». C'est là que se trouve l'étrange cosmogonie de Fourier. Selon lui, notre globe doit durer « quatre-vingt mille ans, divisés en quatre phases : une phase de malheur, qui dure depuis six mille ans ; deux phases d'unité sociale ou de bonheur, qui durent soixante-dix mille ans ; enfin une phase d'incohérence descendante ou de décadence, qui doit durer cinq mille ans. Il donne deux âmes et deux sexes à toutes les planètes ; le fluide boréal de la terre est mâle, celui du pôle austral est femelle ; quand le genre humain sera dans la phase d'harmonie, notre planète engendrera un printemps éternel ; par l'expansion d'un acide arctique boréal, l'eau de la mer se changera en limonade, les poissons deviendront des serviteurs amphibies traînant des vaisseaux et les animaux féroces des porteurs élastiques, servant de bêtes de somme ; la stature de l'homme atteindra sept pieds ; son existence moyenne sera de cent quarante-quatre ans ; la population du globe doit s'élever à trois milliards d'habitants, et l'on ne comptera pas moins de trente-sept millions de poëtes égaux à Homère, trente-sept millions de géomètres égaux à Newton, trente-sept millions d'écrivains dramatiques égaux à Molière, etc. » Un chapitre « De la Franc-maçonnerie et de ses propriétés encore inconnues » laisse supposer que le fond de cet ouvrage a été constitué par les causeries faites dans les loges maçonniques ou dans des sociétés similaires. Ce texte enchantera les Surréalistes, et particulièrement André Breton qui écrira son Ode à Charles Fourier. Très rare! Versin, p. 342; En français dans le texte, n° 218; Utopie, la quête de la société idéale en Occident, BnF, 2000, p. 173.
A Leipzig (Lyon), , 1808. In-8 de (4)-425-(3) pp., 1 tableau replié, demi-veau havane, dos lisse orné de filets dorés, pièces de titre en maroquin vert (relié vers 1840).
Édition originale.Exemplaire entièrement annoté à l'encre (vers 1840) préparant une nouvelle édition qui jamais ne parut : annotations marginales, biffures, feuillets manuscrits intercalés, rallonges qui reprennent les corrections que Fourier lui-même établit sur cette première édition et les augmentations de la deuxième édition publiée en 1841.Premier livre publié par Charles Fourier qui condense déjà toutes les originalités de son style et la plus grande partie de son système de pensée.Bel exemplaire ; le dos a été restauré.Del Bo, p. 5 ; En français dans le texte, 218.