Les Cahiers Verts -3-, chez Bernard Grasset, 1950 1 volume in-12 (19 x 12 cm), broché, 205-(2) pages. Frontispice par Jean Cocteau (portrait de Marcel Jouhandeau). Parfait état. Exemplaire resté non coupé (jamais lu). Edition originale. Tirage de tête, celui-ci un des 32 exemplaires sur vergé de Montval satiné (n°5). Exceptionnel exemplaire de dédicace offert par l'auteur au libraire-éditeur Robert Chatté (Robert II) : "A Robert II, à Robert Chetté, que j'aime deux fois, parce qu'il aime Robert Coquet, mon Robert I, qui a tué en moi L'Imposteur. Il n'y a plus d'imposteur. Je ne suis, je ne serai jamais plus, grâce à Lui, que pur amour. Marcel. 19 février 1953." Ce volume mérite une analyse très approfondie de l'envoi autographe qu'il contient. Robert Coquet et Marcel Jouhandeau vécurent aux dires mêmes de Marcel Jouhandeau une véritable passion amoureuse. Jouhandeau parle ouvertement de son homosexualité dans ses livres dès 1939, il est âgé de 51 ans. Marié à Élisabeth Toulemont, dite Caryathis (Elise dans son oeuvre) en juin 1929, amie de Jean Cocteau et de Max Jacob, Jouhandeau ne se détourne pas malgré tout de son penchant pour les garçons. Il expose ce penchant dans plusieurs ouvrages tels que Chronique d'une passion (1949), Du pur amour (1970), et Tirésias (1954). Ce superbe envoi autographe nous renvoie donc à la grande passion amoureuse de l'auteur pour cet homme, Robert Coquet, par l'intermédiaire du dédicataire, Robert Chatté (Robert II), son ami. Le sulfureux Robert Chatté, peut-on lire. Robert Chatté était alors une figure éminente de la librairie clandestine, et l'un des plus grands spécialistes de la littérature érotique. Jean-Jacques Pauvert écrit dans ses mémoires : "Début 54 [...] j'avais fait la connaissance de Robert Chatté, le mystérieux libraire de Montmartre. Robert Chatté, grand, mince, très bien élevé, avec des oreilles décollées étonnantes, exerçait en appartement, prenant un grand luxe de précautions. Il n'ouvrait sa porte que si l'on usait d'un certain signal. Spécialiste de l'érotique, il avait fait imprimer aussi l'édition originale de Madame Edwarda de Bataille en 1941" (La Traversée du livre, p. 206). Une importante correspondance entre Robert Chatté et Jean Paulhan a été vendue en 2012 (plus de 160 lettres de Paulhan à Chatté). Jouhandeau et Chatté eurent d'étroites relations. On sait par quelques documents répertoriés qu'il lui offrit des manuscrits. Dans une courte notice, Pascal Pia rappelle que Chatté est mort à Villejuif, en septembre 1957, à l’âge de cinquante-six ans, "d’un cancer généralisé que, deux mois plus tôt, ses médecins habituels ne soupçonnaient point". Marcel Jouhandeau s’était efforcé d’adoucir sa fin. "Il y est, en partie au moins parvenu, selon ce que m’ont dit des tout derniers jours de Robert Chatté les infirmières de l’Institut Gustave Roussy qui l’ont vu mourir." (Pia). Voici le portrait qu'en fait de lui Pascal Pia : « Ce n’était en aucune façon un écrivain. Au fait, qu’était-il ? Lui-même n’a jamais cherché à se classer. De ses dons, extrêmement variés, il ne s’appliquait guère à tirer parti. Libraire sans boutique, commerçant sans patente, amateur sans spécialité, il ne se donnait pourtant pas des airs d’être détaché de tout. Au contraire, il laissait voir qu’une passion frénétique le possédait, mais il n’était pas moins visible qu’aucun objet ne pouvait longtemps fixer sa passion. Il a excellé dans la danse à claquettes, le maniement des cartes à jouer, l’art d’intéresser les dames de petite vertu, et aussi dans la mystification. Une de ses anciennes amies l’a toujours pris pour un Américain. Tout Parisien qu’il était, il ne lui avait jamais adressé la parole qu’avec l’accent yankee, même quand elle et lui s’affrontaient dans le plus simple appareil. En dépit de toutes ces aptitudes, il n’a jamais été ni l’artiste de music-hall, ni le teneur de bonneteau, ni le jules qu’il aurait pu devenir sans effort. Sans cesse il se trouvait en quelque sorte distrait de soi par l’un ou l’autre de ses personnages de rechange. Ses chansons ne sont pas des œuvres, mais des accidents. » Chatté fut également proche de Louis-Ferdinand Céline et de Gen Paul. N'oublions pas que Robert Chatté n'a pas lu ce volume. Peut-être a-t-il lu le texte dans un autre exemplaire et qu'il a souhaité précieusement conserver celui-ci intact. Très bel exemplaire, parvenu intact jusqu'à nous, qui réunit sous une seule couverture, une belle page de l'histoire amoureuse et amicale de l'auteur.
Reference : AMO-3618
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