‎DENIEUL (Anne).‎
‎Rois fous et sages de la première maison de Valois (1328-1498).‎

‎ Perrin, 1974, in-8°, 496 pp, un tableau généalogique, 2 cartes, biblio, reliure skivertex éditeur, rhodoïd, bon état‎

Reference : 47273

‎"Le titre est juste. Folie et sagesse, en alternance et parfois dans le même instant, rythment les cent soixante-dix années durant lesquelles la première maison de Valois fut aux commandes de la France. L'époque, elle, est démente : guerre interminable contre l'Anglais, luttes fratricides, avec d'atroces épisodes, entre grands du royaume, soulèvements bourgeois, révoltes paysannes, brigandage, peste, famine... rarement cataclysme fut de cette violence et de la sorte durable. Où est, dans cette tempête, la voie de la sagesse ? On comprend que, parfois, le nautonier hésite, doute, se décourage, à moins qu'il ne s'évade ou ne se transfigure dans quelque folie, délire caractérisé de Charles VI, passion du pouvoir à un degré maladif chez Louis XI, ou, pour Charles VIII, le rêve italien qui marquera l'élan vers les temps modernes et la fin d'une dynastie. En 1328, le gouvernail avait passé, des Capétiens, aux mains d'hommes moins robustes, moins équilibrés surtout. Dès Philippe VI, le premier de ces Valois, ceux-ci révèlent le goût de la prouesse, du faste et des arts qu'on retrouvera chez leurs successeurs indirects du même nom comme chez leurs cousins de Bourgogne : mais dès Philippe VI également, la fragilité nerveuse de la lignée est aggravée par l'apport héréditaire des femmes : une perverse et une psychotique précèdent la trop célèbre Isabeau, porteuse du sang Wittelsbach et de quelques autres néfastes gènes. D'où une névropathie latente. De sept rois ainsi marqués, trois furent de haute volée : Charles V, l'intellectuel du lignage, qui jette les bases éthiques de la monarchie ; Charles VII, qui arrachera celle-ci des fondrières où, désastre après désastre, elle se dissolvait : "l'universelle araigne" enfin, fils insoumis d'un père méprisé et haï, dont il parachèvera superbement l'œuvre. Anne Denieul les aborde non comme des personnages au faîte, mais "comme des gens qu'on connaît", à travers ce qu'ils firent, mais seulement pour pénétrer dans ce qu'ils furent, et quand les chroniqueurs manquent ou mentent manifestement. Pour expliquer leurs caractères divers et leurs significatives ressemblances, elle utilise hardiment les découvertes du vingtième siècle en pathologie mentale, sans interprétation abusive ou romanesque des signes. Sa sympathie active ne s'applique pas aux seuls meneurs d'hommes ; ceux au destin desquels ils président l'intéressent tout autant, vous, moi, ce peuple qui descend dans la rue avec Etienne Marcel, ces soldats massacrés d'Azincourt, ces cavaliers qui découvrent, sous le soleil d'Italie, un monde ébloui de vivre, éblouissant de beauté. Nous assistons au sacre de Charles V, si chargé de symboles, nous tombons sous les coups portés à Louis d'Orléans, rue Vieille-du-Temple, nous sommes au pont de Montereau à l'heure de la vengeance. Certaines pages visionnaires ou d'une belle envolée lyrique évoquent Michelet, avec le substratum d'une rigueur scientifique toute moderne. L'intuition chaleureuse contrôlée par l'érudition, l'intelligence alliée avec le cœur : un bon ménage, s'agissant d'une science humaine." (Le Monde, 1974) ‎