Tahiti, Au vent des îles, 2004, in-8°, 532 pp, 16 gravures et photos, reliure souple illustrée de l'éditeur, bon état
Reference : 125563
ISBN : 9782909790299
La “découverte” de Tahiti (1767-1769), les récits des voyageurs inventèrent une société où les jeunes femmes auraient eu pour règle de pratiquer “l’amour libre” et même de le faire “en public”. Le discours fut un point de vue masculin centré sur l’Europe, dissertant sur les variétés humaines et les couleurs de peau, mais aussi sur la supposée nature universelle des femmes. — A l'arrivée de Bougainville à Tahiti en 1768, un curieux épisode marque la naissance d'un mythe durable : un chef de village amène une jeune fille à bord et, la dénudant, la propose aux officiers français interloqués. Une fois à terre, plusieurs d'entre eux font la même expérience. La publication de ces récits plus ou moins enjolivés, puis confirmés par d'autres navigateurs, diffusa l'idée qu'il s'agissait d'une forme d'hospitalité typiquement polynésienne. A Tahiti, en particulier, les femmes étaient très désirables et s'adonnaient spontanément à l'amour en public. Ainsi naquit le mythe de la « nouvelle Cythère » et de la sexualité libre des Polynésiens. Serge Tcherkézoff reprend, avec un luxe de détails, l'intégralité de ce dossier pour déconstruire une légende dont les effets contagieux sont parvenus jusqu'à influencer les ethnographes du xxe siècle. Il explore, en particulier, les fantasmes des Européens du XVIIIe siècle concernant la nature féminine, la blancheur des Polynésiennes et les préconstruits antiquisants qui leur font voir « Vénus », « Hélène » et « Priape » aux Antipodes. Il analyse les autres éléments qui, comme les danses de « vahinés », confortent l'image d'une société entièrement vouée à la sensualité... — En retournant aux journaux de bord, on entrevoit la face demeurée cachée de ce que furent les premiers contacts entre les Tahitiens et les Européens. Les "femmes" qui vinrent au devant des visiteurs étaient de très jeunes filles ; loin de sourire, elles tremblaient de peur, puis jouaient en pleurant un rôle imposé par les adultes. L"amour" n'avait rien à faire dans ces scènes. Et les danses présentées n'avaient rien d'érotique. Ce livre restitue ce qui s'est réellement passé sur les rivages de Tahiti. Il reprend aussi tout le dossier des interprétations concernant les postures et la "nudité" dans la danse polynésienne, ainsi que le malentendu occidental sur la place de la "sexualité" dans la culture. Mais comment a-t-on pu se tromper à ce point ? Ce livre retrace aussi l'émergence, puis les influences réciproques des deux inventions, raciale et sexuelle-sexiste, qui ont créé le mythe. L'ancien mot "Polynésie" fut redéfini quand les savants européens voulurent distinguer "deux races" dans le pacifique : "claire" et "noire" (Polynésiens/"Mélanésiens"), D'autre part, avec la "découverte" de Tahiti (1767-69), les récits des voyageurs inventèrent une société où les jeunes femmes auraient eu pour règle de pratiquer "l'amour libre" et même de le faire "en public". Tout se mêla : les visiteurs furent subjugués parce que ces femmes si "libres" leur parurent "très blanches" de peau. Le discours fut un point de vue masculin centré sur l'Europe, dissertant sur les variétés humaines et les couleurs de peau, mais aussi sur la supposée nature universelle des femmes. La vie publique, chez les aristocrates et chez les imprimeurs de Paris et de Londres, fut une course au sensationnel, à coup de rumeurs et de publications fantaisistes. Surtout la réécriture du journal de bord en un récit officiel "offert au roi" a tout brouillé : les faits quotidiens du séjour des Français à Tahiti, en avril 1768, et du séjour des Anglais un an plus tard ont disparu derrière la présentation imaginaire d'une supposée "coutume" locale. Les récits européens n'ont pas seulement exagéré, ils ont tout déformé. Depuis deux siècles, la vision européenne de la Polynésie "traditionnelle" repose sur une immense méprise. (4e de couverture) — L’analyse historique extrêmement documentée proposée par Serge Tcherkezoff dans ce livre permet d’illustrer les malentendus qui peuvent surgir lors des contacts entre témoins européens et acteurs indigènes, chacun des partenaires développant sa propre vision des choses à propos de l’autre sur la base de ses propres préjugés. Dans le cas particulier le mythe de la liberté sexuelle des tahitiennes a induit des ravages dans la pensée occidentale jusqu’à aujourd’hui...
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