Genève, Slatkine Reprints, 1970, 2 vol. in-8°, xlviii-405 et 511 pp, reliure pleine toile verte, dos lisse avec titres dorés, bon état. Réimpression de l'édition de Paris, 1877
Reference : 122918
"On ne saurait sans injustice refuser à M. Emile Campardon l'honneur d'avoir ouvert une source entièrement nouvelle à l'étude des deux derniers siècles. Cette source, ce sont les archives des commissaires au Châtelet, supprimés en 1791 et obligés, par la loi du 5 germinal an V, de déposer leurs papiers aux Archives Nationales. Ces papiers constituent aujourd'hui une partie importante de la série Y (Châtelet de Paris) et forment 5,303 liasses numérotées qui vont de 1595 à 1791. L'ancienne administration française, surtout celle qui a précédé immédiatement la Révolution, est aujourd'hui si peu connue, même des érudits, que quelques-uns de nos lecteurs ne seront peut-être pas fâchés d'apprendre en quoi consistaient les fonctions des commissaires au Châtelet. M. Campardon a pris soin dans sa préface de satisfaire une curiosité aussi légitime. Les magistrats dont il s'agit avaient les attributions des commissaires de police actuels et remplissaient de plus, en diverses circonstances, les fonctions exercées aujourd'hui par nos juges de paix. En matière criminelle, ils faisaient les informations sur l'ordonnance du lieutenant-général de police et les interrogatoires des accusés, décrétés d'ajournement personnel. En matière civile, ils apposaient les scellés après décès, faillite ou interdiction. (...) Enfin, ils se rendaient en personne sur les marchés, et avaient à tour de rôle la police des foires Saint-Germain, Saint-Laurent, Saint-Ovide et Saint-Clair. Comme beaucoup des pièces publiées par M. Campardon sont des procès-verbaux dressés à l'occasion de ces foires, il importe de dire quelques mots de ces assises annuelles du commerce et aussi des divertissements, qui ont tenu une si grande place dans l'histoire de Paris, au moyen âge et même dans les temps modernes. Mentionnée pour la première fois pendant la seconde moitié du XIIe siècle, déplacée par Louis XI au mois de mars 1482, la foire Saint-Germain, dont la durée avait plusieurs fois varié durant cet intervalle, s'ouvrait au XVIIIe siècle le 3 février et se fermait le dimanche de la Passion. Postérieure d'un siècle et demi par sa fondation à la foire Saint-Germain, la foire Saint-Laurent s'ouvrait ordinairement au dernier siècle le 9 août, veille de la fête de ce saint, et finissait le 29 septembre, jour de la Saint-Michel. Après s'être tenue primitivement entre Paris et le Bourget, elle avait fini par se rapprocher de l'église Saint-Laurent, et dans les derniers temps elle était installée sur les terrains occupés aujourd'hui par les bâtiments du chemin de fer de l'Est. Quant à la foire Saint-Ovide, l'origine en remonte seulement à 1665, année où Charles, duc de Créquy, pair de France, qui affectionnait beaucoup les Capucines de la place Vendôme, fit présent à ces religieuses du corps de saint Ovide exhumé des Catacombes. Depuis cette année, pendant l'octave de la fête de ce saint, qui se célébrait le 31 août, un concours immense de peuple venait honorer les reliques. Cette affluence s'accroissant de plus en plus, on avait construit en 1764 des loges de charpente pour les marchands tout au pourtour de la place Vendôme. Cette foire, qui se tenait du 14 août au 15 septembre, avait pris ainsi tout à coup un développement considérable qu'augmenta encore sa translation à la place Louis XV, où elle resta de 1771 à 1777, époque où elle fut incendiée. Enfin, une quatrième foire, la foire Saint-Clair, qui s'ouvrait le 18 juillet et durait huit jours, se tenait le long de la rue Saint- Victor. C'est seulement à la fin du XVIe siècle qu'on voit apparaître aux foires Saint-Germain et Saint-Laurent ces représentations de troupes ambulantes, ces théâtres forains, d'un ordre plus ou moins inférieur, qui ont fourni à M. Campardon la matière principale de son livre. L'histoire de ces théâtres funambulesques n'intéresse véritablement l'art dramatique qu'à partir des dernières années du XVIIe siècle. Les comédiens italiens ayant été expulsés au mois de mai 1697 par Louis XIV, les entrepreneurs forains se portèrent leurs héritiers de fait et de droit et s'emparèrent de leur répertoire. Ainsi naquit, au prix d'une lutte acharnée et sans cesse renaissante contre les prétentions rivales de la Comédie française et de l'Académie royale de musique, un genre nouveau, l'Opéra-Comique, qui compta parmi ses fournisseurs Lesage, Panard, Sedaine, et qui vit éclore le talent si français de la plus touchante comédienne du XVIIIe siècle, de Justine Favart. Toutefois, on se tromperait étrangement si l'on s'imaginait que l'ouvrage dont nous rendons compte apporte seulement un appoint considérable à l'histoire des théâtres parisiens. Cet ouvrage mérite aussi au plus haut degré d'attirer l'attention du moraliste. Les Français et surtout les Parisiens, contemporains de Louis XV, ont offert au monde ce spectacle, plus intéressant encore, nous en demandons pardon au savant archiviste, que les spectacles de la foire, d'une société dont la tête se pique de ne croire à rien, excepté à l'esprit, au plaisir et à la sociabilité la plus raffinée. C'est un fait que nous constatons ici simplement. Le livre de M. Campardon nous permet de saisir sur le vif, dans un raccourci aussi exact que pittoresque, les conséquences pratiques de ce fait dominant..." (Siméon Luce, Bibliothèque de l'École des chartes, 1877)
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