Rodez, Archives Historiques du Rouergue, 1952-1967, 2 forts vol. gr. in-8°, lxxxvi-479 et 559 pp, une carte dépliante au tome I, préface de Jacques Godechot au tome II, index dans chaque volume, brochés, tome I en état correct : intérieur propre, mais couv. abîmée avec dos en partie manquant ; tome II en bon état (t. XIX et XX des Archives historiques du Rouergue). Le tome I a eu un tirage limité à 300 exemplaires. Il est rare. Le tome II a été tiré à 500 exemplaires ; envoi a.s. de Henri Guilhamon à Pierre Goubert au tome II
Reference : 122865
"Si toutes les provinces françaises étaient dotées pour le XVIIIe siècle d'un ensemble de documents d'une valeur aussi grande que celui que constituent pour le Rouergue et le Quercy les écrits d'Henry de Richeprey, comme la tâche des géographes préoccupés de décrire les anciens genres de vie serait rendue plus facile ! M. H. Guilhamon vient de publier, sous l'égide de la commission des Archives historiques du Rouergue, la première partie – consacrée au Rouergue – du Journal des voyages en Haute-Guienne, rédigé au cours d'une mission d'enquête dont Richeprey fut chargé en 1780. Cette mission en Haute-Guienne fut liée à la politique de réformes dont Necker avait fait admettre le principe par Louis XVI : une assemblée provinciale avait été créée dans la généralité de Montauban, qui avait alors le nom de province de Haute-Guienne. Elle se réunit le 14 septembre 1779 et nomma deux commissions chargées d'élaborer d'urgence un projet de reformes de l'assiette de la taille et de la capitation ; il apparut bientôt que la première tâche à accomplir était la réfection du cadastre : Richeprey fut chargé, avec le concours de quelques géomètres, de visiter les communautés de Haute-Guienne – Rouergue et Quercy – d'y examiner les cadastres, d'entendre les doléances des habitants, de proposer une classification nouvelle des sols et de nouveaux principes de détermination de revenu imposable. Richeprey se mit en route le 15 octobre 1780. En cinq mois, il accomplit à travers le Rouergue et le Quercy six voyages coupés par quelques jours de repos à Villefranche-de-Rouergue. Voyages exténuants, car Richeprey eut à parcourir à pied ou à cheval, en mauvaise saison, des pays accidentés aux chemins impraticables. La mission de Richeprey ne fut pas menée à bonne fin : arrivé le 24 février à Montauban, dans une ville où une majorité de propriétaires fonciers, disposant de terres peu imposées, avait de bonnes raisons de redouter une réforme des institutions, il se trouva aux prises avec une opposition farouche ; il y fit face courageusement mais, au bout de quelques jours, reçut l'ordre d'interrompre son ouvrage. Ces « incidents de Montauban » permirent à l'opposition parlementaire, écrit M. Guilhamon, de présenter à Louis XVI les réformes de son ministre comme génératrices de troubles dans les provinces. En fournissant aux adversaires de Necker un argument décisif, ils contribuèrent largement à sa chute. (p. LXIV). Mais pour nous, historiens et géographes, quel ensemble de renseignements précieux nous offre ce Journal ! C'est un ouvrage dont la lecture est passionnante, où se révèle toute la vie de communautés rurales à la veille de la Révolution. Pour en saisir toute la valeur documentaire, il faut savoir qu'à chaque village où il s'arrêtait, Richeprey convoquait les notables du lieu, curé, secrétaire de la communauté, avocat, notaire, médecin, principaux propriétaires ; il se faisait apporter le cadastre et, ce document en mains, invitait les personnalités présentes à dire sa valeur, à exprimer leurs idées sur le mode de répartition de la taille et de la capitation, à faire connaître les besoins de la communauté. Il arrive que de longues discussions s'engagent, que – comme à Laguiole – les thèses s'affrontent. (...) On saisit la richesse d'un tel document. Dans bien des cas, c'est une vraie monographie d'une communauté rurale à la veille de la Révolution que nous offre Richeprey. On y saisit non seulement les pratiques agricoles, mais encore les activités artisanales, la vie de relations, les conflits sociaux, et aussi les efforts faits ici et là pour améliorer les conditions de vie. Retenons au passage les pages instructives où sont décrits l'élevage dans le Larzac, la fabrication du fromage de Roquefort, l'empiétement des labours sur les pâtures et les conflits qui en résultent (pp. 120-129 ; 206-207) ; le remarquable chapitre qui évoque la vie de la montagne d'Aubrac (p. 51-60) ; l'analyse des migrations saisonnières ou définitives qui ont pour origine les pays les plus déshérités (pp. 38, 44, 49). Le Journal consacre de longues pages aux industries du Rouergue : les historiens y trouveront des données précieuses et ample matière à réflexion. A Saint-Affrique, nous dit Richeprey, « les manufactures ne sont pas d'aussi grands établissements que nous le présagions. Ce sont des artisants qui ont un ou deux métiers battants qui font des cadis dans la ville, car on ne fait plus de draps qu'à Saint-Félix... On ne fait à Saint- Affrique et aux environs qu'à peu près 2 000 pièces de draps ou de cadis. Le (ravail des petites communautés voisines y est compris parce qu'il est au compte des négociants de Saint-Affrique » (p. 220). Ici comme ailleurs en Rouergue, l'industrie en est encore au stade des petits ateliers. (...) Autant que les mérites de Richeprey, la qualité des commentaires et des notes dont est accompagné le texte du Journal font du livre de M. H. Guilhamon un ouvrage de qualité. L'introduction est excellente ; les notes, nombreuses et précises, accompagnent à chaque page le texte, l'éclairent, y apportent de précieux compléments, relèvent parfois des inexactitudes. La critique est toujours de bonne veine, et pertinente. Voilà du bon travail. Puisse le tome II, consacré au Quercy, voir bientôt le jour. Nous sommes un certain nombre à l'attendre avec impatience..." (Louis Papy, Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest. Sud-Ouest Européen, 1955)
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