Imprimerie Lenepveu, Paris s.d. [novembre 1899], 49,8x65,2cm, une affiche.
Reference : 80330
Affiche originale lithographiée en couleurs représentant Émile Zola sous les traits d'un cochon, assis sur un baquet contenant ses uvres romanesques et barbouillant de «?caca international?» la carte de France. Pliures transversales, quelques infimes déchirures, deux petits trous au-dessus de la tête de Zola, sans atteinte à l'image. La représentation d'Émile Zola en cochon ne date pas de Lenepveu, comme le souligne Guillaume Doizy dans son article consacré à la caricature porcine («?Le porc dans la caricature politique (1870-1914)?: une polysémie contradictoire?» in Sociétés & Représentations n°27, 2009)?: «?Pour la fin du XIXè siècle, on pense également aux nombreuses caricatures dont Zola a été la victime et qui associent les excréments, symboles du naturalisme, au porc. Des dizaines d'images pourraient être évoquées. Dans les années 1880, Sapeck imagine le naturaliste nu, une feuille de vigne cachant son sexe (allusion à la pornographie supposée de ses écrits), chevauchant un porc en train de se nourrir de ses excréments, symbole appelé à une belle longévité pour stigmatiser la nouvelle école littéraire. Dans une caricature datée de 1898, Alfred Le Petit montre un Zola-cochon déféquant sur le drapeau tricolore. À peine un mois après la publication de son fameux «?J'accuse?», l'écrivain défenseur de la cause dreyfusarde, est accusé de salir la France, et surtout son Armée, en défendant «?le traître?» Dreyfus et la Prusse considérée comme l'ennemie de toujours. Le porc est sale, mais surtout il salit, souille, par l'effet de sa volonté nocive. La même année, Caran d'Ache dépeint «?les armes de la presse dreyfusarde?» sous les traits d'un gros porc vautré dans la fange et recouvert de boue. [...] Dans sa série Le Musée des horreurs, le très droitier Lenepveu attaque violemment Zola. L'écrivain y est dépeint sous les traits d'un goret, assis sur une boîte à ordures contenant ses propres uvres, fruit de ses défécations, dont en bonne place La Terre et Nana. Il souille une carte de France de son «?caca international?» contenu dans un pot de chambre qu'il étale à la balayette. Le dessinateur vise bien sûr le défenseur de Dreyfus au travers de son fameux «?J'accuse?» et du «?cosmopolitisme juif?» salissant la France par son soutien à la trahison. L'association souillure-porc semble évidente et primordiale. Comme pour Napoléon III, la saleté du porc renforcée ici par les excréments visibles stigmatise les choix politiques de la cible. Lenepveu définit les idées de Zola comme uvres de bassesse, produits intestinaux et dégoulinants.?» Bien qu'il ne s'agisse pas de la première représentation porcine d'Émile Zola, celle qui figure en bonne place parmi le Musée de Lenepveu est incontestablement - par son réalisme - la plus violente. Diffusés entre octobre 1899 et décembre 1900 dans une France embrasée par l'Affaire Dreyfus, ces immenses portraits à charge en couleurs sont l'uvre de Victor Lenepveu qui annonça la parution de 150 puis 200 dessins et n'en réalisa finalement qu'une cinquantaine. En dépit de la loi sur la liberté de la presse de 1881 permettant la diffusion d'une imagerie politiquement subversive, la parution de ce panthéon cauchemardesque fut interrompue sur ordre du Ministère de l'Intérieur. La fragilité du papier et l'imposant format de ces très violentes affiches, ainsi que leur saisie presque immédiate par la police, contribuèrent à la disparition de ces caricatures qui marquèrent cependant fortement l'opinion publique. Ces horreurs bénéficièrent d'une large promotion de la part des journaux antisémites qui annoncèrent un tirage fantasmé de 300.000 exemplaires, insinuant ainsi le succès des idées antisémites dans la population. Le 1er octobre 1899, L'Intransigeant annonce la parution du Musée des horreurs dans ses colonnes?: «?Un dessinateur de beaucoup d'esprit, au coup de crayon d'un comique intense, M. V. Lenepveu, a eu l'heureuse idée d'inaugurer une série de portraits des vendus les plus célèbres de la tourbe dreyfusarde. Le titre de cette série «?Musée des Horreurs?» est suffisamment suggestif et indique bien ce qu'il promet. [...] C'est la maison Hayard qui mettra en vente, à partir d'aujourd'hui, le numéro 1 de cette désopilante série.?» D'abord camelot puis libraire-éditeur, Napoléon Hayard (dit Léon Hayard) se spécialisa en effet dans la commercialisation d'éphémères et de placards anti-dreyfusards et antisémites. Il ne subsiste cependant aujourd'hui que de très rares exemplaires en bel état de ces caricatures pamphlétaires qui participèrent à la fracture sociale et politique de la France. Publiés en plein essor de la presse écrite - en même temps que le célèbre «?J'accuse?!?» d'Émile Zola - ces documents de propagande eurent notamment un impact significatif sur les jeunes générations et préfigurent la violence idéologique du XXè siècle. - Photos sur www.Edition-originale.com -
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