Médan 16 novembre 1882, 13,6x21,4cm, 2 pages sur un double feuillet - enveloppe jointe.
Reference : 79109
Lettre autographe signée d'Emile Zola- apparemment inédite -adressée à Léon Carbonnaux, rédigée à l'encre noire sur un double feuillet.Pliures inhérentes à l'envoi. Enveloppe jointe. Important témoignage du colossal travail de documentationet du rôle capital des informateurs d'Emile Zola dans la peinture de son immense fresque naturelle et sociale. Cette lettre a été envoyée à Léon Carbonnaux, chef de rayon au Bon Marché qui transmit à Emile Zola de précieuses informations pour la création du onzième volume des Rougon-Macquart:Au Bonheur des Dames. On ne connaît que deux lettres de Léon Carbonnaux à Emile Zola: elles sont consultables dans la numérisation du dossier préparatoire duBonheur des Damesmis en ligne par la Bibliothèque nationale de France. On sait cependant grâce à ce même dossier, dans lequel figure une longue section intitulée «Notes Carbonnaux», que ce chef de rayon au Bon Marché fournit un nombre important d'informations à Zola, notamment sur les murs des employés et leur rémunération. Les deux hommes se sont sans doute rencontrés alors qu'Emile Zola, avide de renseignement quant au fonctionnement des grands magasins, mena une enquête de terrain en février et mars 1882. «J'ai pris l'inventaire comme cadre à un de mes chapitres. D'ailleurs je n'ai spécialement besoin que du travail dans le rayon des confections et dans le rayon des soieries. Il est inutile de me renseigner sur les autres rayons.» Grâce à cette importante lettre on comprend que c'est Léon Carbonnaux qui fournit l'essentiel des renseignements à Emile Zola pour la rédaction de son très beau onzième chapitre consacré à l'inventaire: «Vous avez eu l'obligeance de me donner certains détails sur l'inventaire. Vous m'avez dit qu'on choisissait le premier dimanche d'août, qu'on fermait les portes et que tous les employés s'y mettaient. On vide toutes les cases, n'est-ce pas? on jette les marchandises sur les comptoirs ou à terre, et l'inventaire n'est terminé que lorsqu'il n'y a plus absolument rien en place.» La version finale du Bonheur des Dames contient toutes les précieuses informations fournies par le chef de rayon du Bon Marché: «Le premier dimanche d'août, on faisait l'inventaire, qui devait être terminé le soir même. Dès le matin, comme un jour de semaine, tous les employés étaient à leur poste, et la besogne avait commencé, les portes closes, dans les magasins vides de clientes. [...] Neuf heures sonnaient. [...] Dans le magasin, inondé de soleil par les grandes baies ouvertes, le personnel enfermé venait de commencer l'inventaire. On avait retiré les boutons des portes, des gens s'arrêtaient sur le trottoir, regardant par les glaces, étonnés de cette fermeture, lorsqu'on distinguait à l'intérieur une activité extraordinaire. C'était, d'un bout à l'autre des galeries, du haut en bas des étages, un piétinement d'employés, des bras en l'air, des paquets volant par-dessus les têtes ; et cela au milieu d'une tempête de cris, de chiffres lancés, dont la confusion montait et se brisait en un tapage assourdissant. Chacun des trente-neuf rayons faisait sa besogne à part, sans s'inquiéter des rayons voisins. D'ailleurs, on attaquait à peine les casiers, il n'y avait encore par terre que quelques pièces d'étoffe. La machine devait s'échauffer, si l'on voulait finir le soir même.» (Au bonheur des Dames, chapitre XI) Soucieux de conférer à ce chapitre - comme à tout le reste de son uvre - une grande véracité, le naturaliste interroge son correspondant des éléments très pointus: «Mais il me faudrait maintenant des détails sur les écritures. D'abord le premier et le second ont-ils des rôles spéciaux dans l'inventaire ? Quel (sic) est leur part de besogne ? Et ensuite que font les commis qui écrivent ? Dresse-t-on des listes, pointe-t-on sur des registres ? Y a-t-il un travail préparatoire ? Enfin quelle est exactement la nature et la marche de la besogne, ce jour-là ?» Le 30 novembre 1882, Léon Carbonnaux répondra de manière précise à ces sollicitations: «Le samedi soir toute la marchandise est sortie des casiers et mise en pile s'il s'agit d'étoffes en tas ou ballots si ce sont des confections - ce sont à terre ou sur les comptoirs - chaque sorte ou genre espacés afin de rendre la besogne de vérification intelligible à première vue. La marchandise ainsi classée est inscrite sur des notes de papier distribué par le bureau de comptabilité générale et numérotées de 1 à ... par comptoir. Le dimanche - grand appel. C'est là le jour d'inventaire. Un patron les note à la main vérifie - une pile par ci - une pile par là - suivant qu'un gros chiffre, prix ou quantité l'a frappé. Si la quantité est reconnue exacte - il paraphe la note - S'il y a erreur on rectifie. Cela arrive quelquefois mais c'est rare. Ce travail de vérification a été fait plusieurs fois par le premier ou les seconds. Quand le patron a terminé les commis remettent tout en place pour la vente du lendemain. Alors quelqu'un d'autorisé, premier ou second, appelle ces notes numérotées et paraphées - non plus les sommes ou totaux mais le détail à un caissier présent pour la circonstance. Derrière le caissier est un commis qui surveille si l'écrit est conforme à l'appel. C'est cet écrit qui reste pièce officielle dans les archives de la maison. Chaque rayon mis en ordre, les vendeurs s'en vont. Après eux chefs et sous-chefs de comptoir dès que l'appel est terminé - et ensuite les caissiers après que les tirages et additions sont faits. Quelques jours après le patron vient dire au chef de rayon le résultat de l'inventaire. Le chiffre de bénéfice donné inférieur ou supérieur au chiffre demandé par instructions générales - éloge ou blâme.» On note que ces abondantes explications dépassent les demandes de Zola et lui permettront de préciser d'autant plus la description de l'inventaire annuel, comme en témoigne le chapitre qui sera finalement publié. Très importante lettre retraçant l'élaboration de l'un des plus beaux chapitres d'Au bonheur des Dames. - Photos sur www.Edition-originale.com -
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