s.l. [Paris] s.d. [ca. 1905], 12,5x16,7cm, 4 pages sur un double feuillet.
Reference : 78939
Lettre autographe signée ("Pauline" et "P.M.T.") de Renée Vivien adressée à Natalie Clifford Barney et rédigée à l'encre noire sur un double feuillet à en-tête à violette argentée et à l'adresse du 3 rue Jean-Baptiste Dumas.Pliure transversale inhérente à l'envoi. Très belle lettre d'amour et de reproche rédigée après la longue séparation de deux ans et probablement au retour de Mytilène (Lesbos) :"Est-ce vraiment pour moi que tu restes demain, Tout-Petit? ... Qui le saura jamais? ... Ce doute, que le passé justifie un peu, entrave mes plus hautains élans, et fait de moi la créature misérable et triste que je suis."Renée, fragilisée par les infidélités de Natalie, a du mal à lui accorder de nouveau sa confiance ("Je ne puis croire en toi")mais continue, en dépit de sa souffrance, à lui être entièrement soumise : "Tu m'as dédaignée alors que tu aurais été pour moi la révélation miraculeuse - Tu m'as dédaignée... Et aujourd'hui, tu t'étonnes de ne point me trouver telle que tu m'aurais rêvée, toi qui n'as pas pris le soin de me façonner à ta guise! Ecoute. Tu es comme un potier qui, voyant à ses pieds un argile informe, le repousserait, et qui, plus tard, voyant un de ses élèves en fait une statue imparfaite, exhalerait en termes amers sa colère et son dédain." Tiraillée entre douleur et désir, Renée réclame pourtant son amante : "Viens demain à minuit...si tu peux... si tu veux... si Ilse n'en décide pas autrement et si ton caprice te le permet..." Ces retrouvailles ne dureront pourtant pas: déchirée entre la baronne Hélène de Zuylen et Natalie, Renée enchaînera les voyages; tour à tour en Hollande, en Allemagne, en Suisse et à Venise, elle confiera ses hésitations à Kérimé Turkhan-Pacha sa compagne épistolaire du Bosphore. C'est à la fin de l'année 1899 et par l'intermédiaire de Violette Shillito que Renée Vivien - alors Pauline Tarn - fit la connaissance de Natalie Clifford Barney «cette Américaine plus souple qu'une écharpe, dont l'étincelant visage brille de cheveux d'or, de prunelles bleu de mer, de dents implacables» (Colette,Claudine à Paris). Natalie, qui venait de vivre une idylle estivale avec la sulfureuse Liane de Pougy qui l'a initiée au saphisme, ne prêta qu'une attention discrète à cette nouvelle connaissance. Renée en revanche fut totalement subjuguée par la jeune Américaine et relatera ce coup de foudre dans son roman autobiographiqueUne Femme m'apparut: «J'évoquai l'heure déjà lointaine où je la vis pour la première fois, et le frisson qui me parcourut lorsque mes yeux rencontrèrent ses yeux d'acier mortel, ses yeux aigus et bleus comme une lame. J'eus l'obscur prescience que cette femme m'intimait l'ordre du destin, que son visage était le visage redouté de mon avenir. Je sentis près d'elle les vertiges lumineux qui montent de l'abîme, et l'appel de l'eau très profonde. Le charme du péril émanait d'elle et m'attirait inexorablement. Je n'essayai point de la fuir, car j'aurais échappé plus aisément à la mort.» «Hiver 1899-1900. Débuts de l'idylle. Un soir, Vivien est invitée par sa nouvelle amie dans l'atelier de Mme Barney [mère de Natalie], 153 avenue Victor-Hugo, à l'angle de la rue de Longchamp. Natalie s'enhardit à lire des vers de sa composition. Comme Vivien lui dit aimer ces vers, elle lui répond qu'il vaut mieux aimer le poète. Réponse bien digne de l'Amazone.» (J.-P. Goujon,Tes blessures sont plus douces que leurs caresses) Suivront deux années d'un bonheur inégal, rythmées par les infidélités récurrentes de Natalie et la jalousie maladive de Renée dont les lettres oscillent entre déclarations enflammées et douloureuxmea culpa. «Renée Vivien, c'est la fille de Sappho et de Baudelaire, c'est la fleur du mal 1900 avec des fièvres, des envols brisés, des voluptés tristes.» (Jean Chalon,Portrait d'une séductrice) En 1901 survint une importante rupture qui durera presque deux années; Renée, malgré les sollicitations de Natalie et les intermédiaires qu'elle lui envoie pour la reconquérir, résiste. «Les deux amies se revirent, et se fut, en août 1905, le pèlerinage à Lesbos, qui constitua une déception pour Natalie Barney et demeura sans lendemain. [...] Le ressort était définitivement brisé. Les deux anciennes amies cessèrent de se voir dès 1907, et Vivien mourut sans qu'elles se soient revues. » (J.-P. Goujon,Ibid.) Précieuse et très rare lettre de Sapho 1900 à l'Amazone. - Photos sur www.Edition-originale.com -
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