s.l. s.d (1943), 13,5x20,8 cm, 2 pages sur un feuillet.
Reference : 60699
Lettre autographe signée de Georges Bataille à Denise Rollin, 46 lignes à l'encre noire sur un feuillet, mouillure en haut à droite sans atteinte au texte. La recherche d'une maison à Vézelay est l'objet de la majeure partie de cette lettre : « J'ai déjà vu une maison et un appartement. » En 1943, Georges Bataille a le projet de louer à Vézelay une maison où le couple va s'installer avec Laurence, la fille de Georges et Sylvia, et Jean (alias Bepsy), le fils de Denise Rollin. Les amants viennent de se séparer : « Cela me déchire toujours de me séparer de vous. Hier je sentais un terrible malaise. Je n'en suis guère sorti qu'en me rendant compte que, sans doute, je ne serai pas venu pour rien et que nous devrions pouvoir nous installer ici. » Pour l'aider à faire son choix, il décrit à Denise les différents avantages et inconvénients des deux habitations : « La maison est vraiment bien avec malheureusement un inconvénient sérieux : le jardin se termine par un mur bas sur lequel Jean pourrait grimper et il pourrait tomber de l'autre côté qui est plus bas. On domine la campagne de très haut et de très loin. Le jardin est joli, l'intérieur un peu triste, un peu délabré. L'appartement n'est pas mal mais sans jardin et sans aucune vue sur la campagne. » Le couple met un grand soin à choisir l'endroit idéal pour accueillir leur famille recomposée. Il est même question de faire venir Sylvia Bataille et Jacques Lacan à Vézelay pour les y installer. L'appartement avec lequel hésite Bataille : « il n'y a rien d'autre à louer que ce que j'ai vu » est peut-être celui qu'il réserve pour Jacques Lacan et Sylvia Bataille. Bataille et son ex-épouse Sylvia s'étaient séparés en 1934 et cette dernière avait retrouvé l'amour avec le psychanalyste Jacques Lacan qu'elle épousera en 1953. Après ces considérations immobilières, Bataille s'inquiète d'un autre problème, la nourriture : « Pour le ravitaillement, c'est certainement dur mais, à tout prendre, on devrait se sortir d'affaires de façon ou d'autre. » En effet, la Seconde guerre mondiale en est à son tournant, les nazis sentant leur emprise menacée redoublent de fermeté. Couplé à une augmentation des prélèvements agricoles, il en résulte une raréfaction de la nourriture : « Je dis qu'on se tirerait sûrement d'affaire pour le ravitaillement en ce sens qu'on a de la viande à volonté. Les légumes sont difficiles à trouver. On peut peut-être avoir du lait, pas de beurre. Selon les gens, ici, si les Zervos le veulent, ils pourraient très bien nous débrouiller. » Christian et Yvonne Zervos furent des figures importantes dans la ville de Vézelay où ils achetèrent une maison de campagne en 1937. Il était l'éditeur des Cahiers d'art dans lesquels Bataille a publié et elle fut la directrice de la galerie du même nom. Au début de la guerre, ils décidèrent de s'y installer de façon permanente et profitèrent de l'isolement de la propriété pour cacher leurs amis Paul Éluard et Nusch. Le couple Zervos est donc bien installé à l'époque de cette lettre et Bataille en a été prévenu par les gens de la région : « Ils pensent que connaître les Zervos serait un grand avantage sur des gens qui viennent s'installer ici sans connaître personne. » Mais il ne semble pas avoir mis ce conseil à profit, sans doute absorbé par ses sentiments et par la rédaction de son ouvrage Le Coupable. L'installation de Diane Kotchoubey, future amante de Bataille, à Vézelay quelques temps après cette missive scellera le destin du couple Bataille-Rollin. Avant la fin de l'année 1943, Bataille quittera Denise Rollin pour sa nouvelle passion. - Photos sur www.Edition-originale.com -
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