Paul Margueritte, lettre autographe signée à la comédienne Berthe Cerny, [Paris], 7 boulevard Beauséjour, [1907], 1 double f., 3 p., 14x10,5cm. Splendide lettre, pleine de reconnaissance, dithyrambique, de l'écrivain à l'actrice qui a donné vie, sur scène, le 9 décembre 1907, à la Comédie Française, au personnage de Claire Fresneau, dans la pièce qu'il écrivit en collaboration avec son frère Victor Margueritte, L'Autre, adaptée de son roman La Tourmente, paru en 1893. On y lit non seulement toute l'émotion sincère de l'écrivain pour l'interprète, mais aussi une mise en lumière très émouvante de la collaboration de Paul Margueritte avec son frère Victor : "Voilà jouée cette partie que votre beau talent, que votre généreuse âme d'artiste a risquée si bravement pour nous. Et c'est un merci ému que je veux vous envoyer dès l'aube. Un merci personnel et égoïste d'abord pour mon compte, qui retrouve dans L'Autre, exprimé par Victor, le suc amer et tendre de La Tourmente. Un merci, deux fois reconnaissant pour lui, qui a créé sur ce sujet une oeuvre neuve, humaine et forte. Un merci enfin pour nous deux, rassemblés une dernière fois en ce qu'une collaboration de dix ans a de plus complexe et de plus profond. Que vous avez été belle dans ce rôle de femme qui aime et qui souffre. Quelle vie intérieure vous avez mise en ce drame de chair et de sentiment ! Noblesse simple des attitudes, pathétique de la voix, émotion de tout l'être ! Certes, j'attendais beaucoup de celle qui marqua d'une si personnelle empreinte de séduction tant de rôles modernes. Vous avouerai-je cependant que je n'osais espérer de l'admirable comédienne, de la femme si femme que vous sûtes montrer, tout à tour charmante, passionnée, douloureuse, superbe ! De ces répétitions où vous vous êtes donnée si généreusement, parce que, — m'avez-vous dit un jour, — vous ne pouviez faire autrement, — beau mot d'une véritable artiste ! — je garderai toujours un fidèle et exquis souvenir. Pour vous, ce ne sera bientôt que du passé fugace, une des formes mobiles et changeantes de cette vie intense du théâtre créatrice d'illusions ; pour moi, — je ne veux parler ici que de moi, car Victor saura bien vous remercier lui-même, — restera une impression unique. Quelque chose d'inoubliable. Un de ces élans d'esprit et de coeur qu'un écrivain a le droit de dire, sans lendemain, à la magnifique interprète de son rêve, après la bataille et la victoire personnelle remportée par elle, lorsqu'elle lui permit, avec tant de bonne grâce, de l'embrasser en ami, sur les deux joues." Magnifique document à truffer dans un exemplaire de La Tourmente ou de L'Autre. * ** Hélène-Lucie de Choudens, dite Berthe Cerny, a fait ses premières armes auprès de Gustave-Hippolyte Worms au Conservatoire dont elle sort en 1885 avec un premier prix de Comédie. Engagée à l'Odéon, puis au Vaudeville, puis sur d'autres scènes, elle fait pendant vingt ans une brillante carrière sur les boulevards et se fait remarquer dans les pièces de Paul Hervieu, Marcel Prévost, Georges de Porto-Riche. Elle entre à la Comédie-Française en 1906, demandée par Maurice Donnay dont elle crée Paraître. Elle s'impose dans le répertoire classique en interprétant Célimène, Suzanne, Alcmène, mais aussi dans La Parisienne de Becque et atteint l'apogée de son succès avec son interprétation d'Araminte des Fausses confidences de Marivaux. Dans la comédie moderne, elle incarne à merveille les héroïnes passionnées d'Henri Bataille (parmi lesquelles la baronne Irène dans Maman Colibri), de Paul Géraldy, François de Curel, etc. Elle se retire, en 1930, et est aussitôt nommée sociétaire honoraire. Elle a été la compagne de Raoul William Johnston, Aristide Briand et Paul Reynaud.
Reference : DMI-264
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