Le roman lui plaît « infiniment », et d’abord « cette gaieté débordante, outrée, roulant comme un ruisseau après une pluie d’orage », puis ce « défilé de caboches extraordinaires » : « l’originalité est dans ce côté caricatural, dans le déhanchement des personnages, auxquels on ne demande plus dès lors un équilibre dont ils font fi eux-mêmes »… Il relève plusieurs scènes « très réussies, d’un grand relief », dont le mérite est dans « la vérité du document, qui se trouve sous les moindres détails ». L’auteur a dû connaître tous les personnages et toutes les scènes : « c’est à peine si vous avez inventé les transitions nécessaires. Rien ne remplace cela, la chose vue, surtout lorsqu’on la rend avec votre sincérité, votre crânerie qui ne recule devant rien. Ah ! vous n’y allez pas de main morte, dans les faits et dans les mots ! Jamais encore on n’avait si carrément vidé ses tripes et fait la bête à deux dos, comme dit Rabelais ». Cependant il critique la composition du roman : il n’y a ni relief, ni perspective, tout est sur le même plan, chaque épisode a la même valeur, et « on n’a plus qu’un défilé de pages, on n’a pas un tout. – Hein ? Suis-je assez Boileau et La Harpe ! ». Passant au style, il se fait « pion », et critique sévèrement « le mot incorrect inutile, l’épithète de couleur qui va contre l’image, la torture de chic imposée à la phrase, et qui la rend obscure ». La prose est factice, affectée. « Saint-Simon dégorgeait sa bile, sans mettre des malices dans son écriture (…).Tandis que vous, avec vos disloquements, vous vous fichez du public, vous faites des effets. – Je suis pour toutes les audaces, pour toutes les intensités ; mais je les veux en bronze, solides et impeccables, autant que franches et colorées ». Mais il voit là « un fameux bouquin de début. Dites à votre collaborateur que je vous trouve deux gaillards d’avenir (…). Travaillez et n’écoutez les conseils de personne : le travail seul doit achever de vous faire ».
Reference : 92
[Le roman ayant donné lieu à des poursuites judiciaires, Zola permit la publication de cette lettre dans L’Événement du 25 novembre 1884]. Correspondance, t. V, p. 113.
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