Belle lettre au poète carcassonnais François-Paul ALIBERT, ami de longue date d'André Gide qu'il avait rencontré en 1907. Gide fera ...limpossible pour venir passer près de toi quelques jours, fin Octobre. Que ne puis-je te retrouver plus tôt ! Ce petit voyage en auto eût été merveilleux, et hier je délibérais, examinant si je ne pouvais te rejoindre à Toulon ou à Marseille... Mais je me dois dabord à Cuverville... pour rejoindre son épouse.Revenant à une discussion antérieure, il précise : ...Jespère que tu ne tes pas mépris : « au-delà » ne voulait pas dire « au dessus ». Je nai jamais eu la prétention de « dominer la situation ». Simplement, la vie continuant, jai passé outre ; et, une fois doublé cet affreux cap des tempêtes, ne me suis plus jamais senti tout à fait le même quauparavant. Depuis, je te lai dit, il me semble que je ne fais plus que semblant de vivre et la mort ne me fera plus tomber de bien haut...Il enchaîne : ...Je dois voir Malraux ces jours-ci [...]. Ce que tu me dis de notre « préjugé classique » me ravit, et de ce besoin de ne rien dire que par réticence. Oui, cest exactement contre cela que je me retourne aujourdhui. Mais toute ta lettre mexalte et chauffe à blanc mon désir, mon besoin de te revoir...En post-scriptum, il ajoute : ...Je tai fait adresser à Carcassonne un « Contes damour des Samouraïs » [de Saikakou Ebara, traduit en français pour la première fois en 1927 par Ken Sato]... Il lui signale une ...amusante coquille dans tes Jeux deaux de la Villa dEste [...]. Au lieu dAmintas de Tasse, par mimétisme sans doute, tu as mis Amyntas...Enfin : ...Excellent tout ce que tu dis de dAnnunzio...Gide note dans son Journal à la date du 30 octobre 1927 : « Je nai pas un ami avec lequel je me sente plus parfaitement à mon aise, cest-à-dire avec qui je doive prendre moins de précautions pour parler ».François-Paul Alibert (né à Carcassonne, 1873-1953) est un poète, écrivain et dramaturge. Proche des poètes du renouveau néoclassique à l'aube du XXe siècle, il se réclamait de l'École romane et de Jean Moréas. Fr.-P. Alibert publia son premier recueil de poésies « L'arbre qui saigne », en 1907, l'année où il rencontra André Gide. Ce dernier resta son ami pendant quarante ans. Gide organise chaque année un voyage dans le Midi avec Alibert au cours duquel les deux amis partagent leurs découvertes littéraires et leur goût pour les amours " corydoniennes ". Entre temps, les deux hommes échangent une très riche correspondance (publiée en 1982). Son ?uvre compte une quarantaine de titres auxquels on peut ajouter deux récits érotiques. Il fut placé par ses contemporains à la hauteur de Paul Valéry. Retraité de ladministration en 1933, Alibert va se consacrer au Théâtre de la Citée, le théâtre antique de Carcassonne, dont il devient en 1930 le directeur.Bibliographie : « Correspondance dAndré Gide et de François-Paul Alibert : 1907-1950 », édition établie, présentée et annotée par Claude Martin (Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1982) ; celle-ci recense plus de 400 lettres de Gide à François-Paul Alibert.
Reference : 6158
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