Brouillon dun texte étonnant, critique de la mollesse ou du moelleux comme lapanage de lépoque actuelle « sans Dieu ni Diable »... : …« Notre époque est terrible. Notre époque est affreuse jamais on ne vit un tel matérialisme, une telle âpreté. Il ny a plus didéal. Il ny a plus rien »..., tel est le refrain, nous dit Miomandre, quon entend partout ...Tel est lunique sujet de conversation. Les gens qui nont rien à faire, cest à dire de ceux qui, par définition, sont affranchis précisément de tous les soucis de lheure. Les autres, bien entendu, les pauvres autres, nont même pas le loisir de se plaindre. Pareils à ces sensitives que le talon du promeneur écrase où prendraient-ils le temps de crier leur colère et leur dégoût ? Il en a toujours été ainsi (...). Jestime que toutes les époques se valent et que celle où nous vivons serait tout à fait agréable, si, (par exemple) le costume masculin nétait pas si laid. Mais, enfin, on ny peut rien, nest-ce pas ? Et il y a des compensations : la musique excitante et réconfortante des jazz-bands, les bars souterrains de grands hôtels... et la mode des coussins et des poupées. Je suis tenté de pardonner beaucoup à un siècle qui aime les coussins et les poupées. Pensez à ce que cela représente... Beaucoup de gens disent : « Cest curieux. Personne ne croit plus ni à Dieu ni à diable, et chacun sentoure de fétiches. Tout le monde est dur en affaires comme les Yankees du début du XIXème siècle et on ne voit partout que des divans, invitant à une sieste et à une oisiveté perpétuelle ». Et ils cherchent à comprendre. Mais ce nest pas cela quil faut se dire.Il faut se dire : « le sentiment religieux commence toujours par être du fétichisme. Le dieu de lAréopagite et de Saint Anselme a dabord été une petite idole de bois. Lautomobiliste qui met un burlesque bonhomme de nickel sur son bouchon de radiateur et une danseuse anglaise de laine dans lintérieur de son coupé est un mystique en herbe (...). Ne sentez-vous pas la signification de ce tout petit détail ? Ah ! pour lamour de Dieu, du Dieu futur, ne combattez pas au nom du rationalisme dhier, cette timide éclosion religieuse. Et préparez au contraire, dans les musées de demain une place de choix pour ces poupées protectrices (...). Jureriez-vous quil ne soient que les images des fées quils représentent ? Moi, pas. (...). Le loisir aussi, la douceur de vivre ont leur revanche. Vous me direz que je me moque de prétendre cela, à une époque où de gré ou de force tout le monde fait plus ou moins des affaires. Mais quimporte que tout le monde fasse des affaires si le souci universel est justement de se débarrasser au plus vite de cette corvée nécessaire pour, le reste du temps, jouir de la vie dans le repos ? ... Pensez à vos parents, madame. Ils ignoraient les divans. Votre maman quand elle était malade, sallongeait sur un canapé, un peu de biais, timidement. Quant à votre père ou à votre oncle, le fauteuil lui semblait une sorte de luxe, de dépravation. Le divan était alors un meuble pour bohèmes, pour héros de romans russes. Ce nest que depuis peu quil a pris cette vogue, sétendant sans cesse, en longueur, en largeur, sapprofondissant indéfiniment, se chargeant de coussins. (...). Et lorsque en entrant dans un salon, nous apercevons leur amoncellement fastueux sur le divan quils (les coussins) cachent tout entier, nous néprouvons plus quune envie : nous étendre et rêvasser. Sous lœil complice des poupées déjà installées là, déesses de lappartement. Car il y a entre les coussins et la poupée des affinités profondes, mystérieuses. Tous deux sont les amis du loisir et de la méditation. Les occultistes et les poëtes savent que les fées naiment point les lieux bruyants où sagite lactivité fatigante de lhomme. Il est bien naturel quelles se réfugient sur les divans, au milieu des coussins, là où sarrête la rumeur de notre existence...
Reference : 5249
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