Francis de Miomandre retrace, avec humour, une brève « histoire du divan » :Si les vieux dictionnaires définissent le divan comme une ...« sorte de chaise-longue avec ou sans dossier, qui sert de siège dans certains salons dattente et dans quelques cafés dits cafés-divans »... il y a eu une époque où il sagissait dun meuble essentiellement utilisé dans les salles dattente. ...Mais, alors, par quoi était- il remplacé dans le salon ? Eh bien ! justement, par rien. On ignorait le divan. Seuls quelques voyageurs en parlaient comme dune chose quils avaient vue là-bas, en Orient, et qui servait à la sieste et aux longues paresses dun peuple déshabitué de toute action, ignorant de nos progrès modernes. Ils navaient pas la moindre idée de lacclimater chez nous. [...] Chez nous, régnait le canapé, ce meuble correct, bien élevé, raisonnable, ce meuble fait pour des messieurs et des dames sagement assis, les mains aux genoux, et causant didées générales, ou de potins mondains [...]. Il régna longtemps, il semblait ne devoir jamais être détrôné. [...] Cependant cette révolution a eu lieu et plus heureuse que bien dautres sans trouver personne pour regretter le passé. [...] Que de choses, en littérature, en art, en politique, en morale sexpliquent par lavènement du divan, et ne sexpliquent que par elle ! [...] Ce nest point par lOrient même que nous arrive le divan. Mais par lintermédiaire de la Russie, qui dailleurs est un peu lOrient, bien entendu, mais un Orient moins agressif et comme qui dirait européanisé. On se méfie moins. Ce quon refuserait dun tartare on laccepte dun Moscovite. La quantité de divans que lon consomme dans les romans russes est incroyable... Preuve que cest la même chose dans la vie. Un héros de Pouchkine, de Tourgueniev, de Dostoïevski passe une grande partie de son existence à rêver et à bavarder sur un divan. Cest là quil médite sur la complication de lamour et sur la malfaçon de cet univers incompréhensible. Cest là quil reconstruit la société et Dieu sait ce dont il est capable quand il se lève, pour appliquer ces idées. Cest, somme tout, là quil mène sa véritable vie, qui est la vie intérieure. [...] Il y eut une lutte, assez longue, entre le canapé et le divan. Le canapé, pour maintenir sa domination défaillante, se défendait par maint artifice de mimétisme. Il sapprofondit, sétala, devint chaise-longue, pouf, que sais-je ? Ses dérisoires efforts ne pouvaient le sauver. Vous enregistrerez ses derniers triomphes dans les romans de Marcel Proust (ou du moins dans cette partie préliminaire qui se passe au temps, à jamais perdu, de Charles Swann)... Mais ...le divan sinstalla, désormais invincible. Il ne se contenta point dêtre là. Il lui fallait encore être seul... et ...il se mit à se répandre. [...] Du salon et du boudoir, il gagna la chambre à coucher [...] le cabinet de travail, [...], et jusquà la salle à manger, et lantichambre. [...] A force dêtre ainsi partout attirant par sa commodité, et en quelque sorte magnétique, le divan perdit très vite sa figure de meuble. Il devint le point central, autour duquel sordonna la décoration, laménagement du home entier... Francis de Miomandre obtient le Goncourt en 1908 pour son cinquième livre, Ecrit sur de l'eau. "Comme cette attribution du prix était inattendue et que personne n'avait lu le livre qui avait été tiré à cinq cents exemplaires aux éditions de la revue Le Feu de Marseille, les articles que la critique lui consacra furent d'une fantaisie désarmante. Le Temps, entre autres, affirma gravement qu'il s'agissait d'une étude de mœurs sur les grands paquebots !". Il participe un temps au « Club des longues moustaches » [1908-1911] groupe littéraire informel qui se réunit au Caffè Florian à Venise.
Reference : 5248
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