Lettre passionnante dans laquelle André Weil exprime ses inquiétudes sur lhéritage spirituel de sa sœur et demande à Merleau-Ponty …tes avis, et si possible ta coopération, dans une question regardant des publications récentes décrits de ma sœur. Mais dabord il faut que je texplique la nature des rapports entre mes parents et moi. La mort de ma sœur a été un coup extrêmement dur pour eux ; ils men ont voulu dêtre le survivant ; dautre part ils men avaient toujours voulu de mon mariage, sans autre raison bien entendu que le conflit bien connu entre belle-mère et belle-fille. Cela ma valu, dans les années daprès guerre, des relations avec eux souvent pénibles (…). Mais le drame est venu lan dernier, quand je me suis aperçu que, daprès le code civil, jai droit à une part de moitié dans lhéritage de ma sœur (…) Or ma mère se regarde comme grande prêtresse du culte de Simone Weil, culte dont je suis excommunié pour indignité majeure. Quand jai émis la prétention davoir mon mot à dire sur les questions de publication décrits de ma sœur, jai été reçu de telle manière que jai dû avoir recours à un homme de loi. Jai dabord été très loin denvisager la possibilité dun procès ; je me suis adressé à un avoué très honnête et sensé, en lui donnant pour mission de se mettre en rapport avec lavocat de mes parents et de rechercher une formule de solution à lamiable. Je viens de passer un an à cela, et je ne suis pas plus avancé quau début…A.Weil indique que de toute évidence la publication trahit …par certains côtés la pensée de ma sœur… et quil se doit dintervenir. Dautant que les talas (et il cite P. Perrin et G. Thibon) qui ont publié « Simone Weill telle que nous lavons connue » prétendent sappuyer sur ses confidences plutôt que sur ses écrits pour restituer sa pensée. Or, « Lettre à un religieux » et « Connaissance surnaturelle » éclairent sans ambiguïté la position de sa sœur à légard du catholicisme. Cependant…mes parents étant déjà complètement brouillés avec le P. Perrin (en quoi je ne saurais leur donner raison, car cest personnellement un très brave type, tout en participant à la malhonnêteté intellectuelle à laquelle ces gens-là néchappent guère), il ny a aucun risque quils prêtent les mains à une falsification de la pensée de ma sœur dans ce sens-là.Mais il y a maintenant un autre danger. Mes parents ont depuis longtemps une très grande confiance dans le nommé Boris Souvarine, autrefois très ami de ma soeur (…), antibolchevik professionnel, et lun des esprits les plus faux que je connaisse… Ils lui ont confié un manuscrit de sa sœur, paru dans « PREUVES » …assaisonné de commentaires de son cru… A. WEIL lui a fait comprendre quil avait voix au chapitre dans les publications des écrits de sa sœur mais Souvarine a récidivé en republiant plusieurs articles de S. Weil dans la revue « Preuves » (qui, son correspondant le sait certainement, est un périodique de propagande anticommuniste, subventionné par des fonds dorigine américaine), assortis de commentaires anonymes (Souvarine), dans lesquels le lecteur …est prié de penser à lURSSS en lisant larticle… Or, …ma sœur navait pas la moindre sympathie pour le communisme stalinien et sétait même progressivement dégoûtée de pratiquement tous les mouvements dits « dextrême-gauche ». Jestime (…) que la publication de textes delle qui ont pour sujet lAllemagne hitlérienne, dans ce contexte et avec de tels commentaires, constitue une falsification…A lavenir, il entend faire le nécessaire juridiquement pour que de pareils faits ne puissent se reproduire, et en appelle à Merleau-Ponti pour faire paraître un article où il mettrait en garde le public …contre les deux genres de falsification auxquelles (…) se trouve exposée la pensée de ma sœur…Simone Adolphine Weil est une philosophe humaniste, professeur, écrivain, née à Paris le 3 février 1909 et morte à Ashford (Angleterre) le 24 août 1943. Elle fit de la philosophie une manière de vivre, pour être dans la vérité. Dès 1931, elle enseigne la philosophie et s'intéresse aux courants marxistes anti-staliniens. Elle est l'une des seules philosophes à avoir vécu dans sa chair « la condition ouvrière ». Successivement militante syndicale, proche des groupes révolutionnaires trotskystes et anarchistes mais sans jamais adhérer à aucun parti politique, écrivant notamment dans les revues La Révolution prolétarienne et La Critique sociale, puis engagée dans la Résistance au sein des milieux gaullistes de Londres, Simone Weil na cessé de vivre dans une quête exigeante de justice et de charité.
Reference : 4377
Librairie Blaizot & Pinault
M. Paul Blaizot
164 faubourg Saint Honoré
75008 Paris
France
+33 1 43 59 36 58
La vente se fait au comptant.