S.D. SUPERBE LETTRE À SON AMANTE PENDANT LA DRÔLE DE GUERRE...Il ny avait rien de toi hier mais je suis sûr que la faute en est à la Poste... remarque Sartre qui ne sen inquiète pourtant pas. ...Il me semble que si jamais tu te tais un jour ou deux (mais surtout ne va pas te croire encouragée à le faire) ça ne me fera plus du tout pareil, parce que je tai vue plus dune fois, envoûtée et cherchant à sortir de ta petite cage de brume et ny parvenant pas [...] et jimagine, à présent, [...] quand tu nécris pas [...] pourtant tu nes pas coupée de moi. Tu sais, je suis tout riche de toi, tous ces temps, inépuisablement riche, tu es toujours avec moi, je ne te quitte pas et toi aussi mon amour, tu es mon merveilleux amour. Je voudrais pouvoir texpliquer comment toute chose de cette ville en est transformée, plus légère et moins présente. Ça fait comme un petit recul poétique dans le passé... La veille, au restaurant, il sest un peu saoulé, ...Pas beaucoup, juste un peu. Je ne saurais pas bien te dire pourquoi mais ça me faisait fort de perdre la tête en toi. Jimaginais bien que cétait le café et Pieter [le soldat Pieterkovski] qui allaient samincir jusquà la transparence et que toi tu resterais tout contre moi, lourde et opaque comme une présence. Cest arrivé : jétais seul avec toi, violemment seul. Et je pensais à tout ce que tu mavais dit au Normandie [...]. Et jai pensé que tu étais formidablement romanesque et émouvante. Jai compris aussi quil y avait à présent et pour toujours quelque chose de complètement dégelé en moi, une méfiance de vieux qui me restait encore de lhistoire avec Olga [la s?ur de Wanda dont Sartre fut amoureux] et de nos premiers rapports à toi et à moi. [...]. Et puis on est parti et Pieter ma emmené chez sa blanchisseuse ; il apportait des chocolats au gosse de la blanchisseuse, il a parlé, ils ont remercié, ça me faisait extraordinaire dêtre là, au milieu de ces gens, jétais complètement dépaysé, mais ça nétait pas déplaisant, cétait plutôt fort. [...] je voudrais tant que tu peignes [Wanda voulait être artiste-peintre], ma douce petite Wanda, jespère que le Castor [Simone de Beauvoir] ta donné ton sou. Tu me fais si fragile. Tu mas dit que jétais le seul qui ne te traitait pas aux bains froids quand tu étais nerveuse. Cest que je prends tes nervosités profondément au sérieux. [...]. Je voudrais tant être près de toi, comme lorsque tu tendors dans mes bras, pour endormir un petit moment cette angoisse [...]. Je suis un peu embêté parce que sil ny a rien tout à lheure au courrier il faudra attendre deux jours. Nous partons demain à laube, faire des exercices de tir à 20 kilomètres dici et nous, nous allons sonder. En soi ça na rien de déplaisant, je verrai du pays et jentendrai tonner des canons. Mais cest comme une absence de deux jours par rapport à toi. Je técrirai de là-bas, fût-ce sur mes genoux. Je taime passionnément…
Reference : 3430
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