12/09/(1937) Très longue relation de son voyage en Grèce avec Simone de Beauvoir (le Castor) parsemée danecdotes cocasses. Extraits :…Ça me fait un drôle deffet de continuer cette lettre ici et sur ce papier, avec une plume française avare et fine au lieu décraser une grosse plume grecque lippue sur du papier rayé (je le haïssais, ce papier) et ça ma fait un drôle deffet aussi dentendre votre voix hier au téléphone un drôle deffet bien émouvant…...Je voudrais seulement savoir si vous mavez aussi de temps en temps profondément haï parce que je traînais sur les routes de Grèce pendant que vous étiez au fond de votre puits. Je reprends le récit du voyage. Je le finirai dans cette lettre ou dans le prochaine (je ne suis pas encore rentré chez mes parents, je fais le fier à Montparnasse, tout fier dêtre si brun parmi des navets, je vois Zuorro, jenvoie partout des coups de téléphone pour tâcher de réunir largent du voyage du Castor et de Hazackewer en Alsace……Vous savez donc que, vers le 25 août nous traînions à Athènes, puis que nous avons pris un bateau pour Salonique et que nous y sommes arrivés le 27 au matin. Nous avons eu une drôle de surprise en arrivant car de loin Salonique na pas du tout lair dune ville couchée, comme les autres villes grecques, elle fait « ville debout », vous savez comme dit Céline en parlant de New-York, avec un quai tout bordé de gratte-ciel élancés. Entendez moi : des gratte-ciel à sept étages. Mais vous nimaginez pas ce que ça peut faire après quarante jour de Pelopponèse et dans les Iles de voir ainsi, au bord de leau, des sept étages lun sur lautre…...Nous avons débarqué dans cette ville qui faisait cruellement luxueuse pour deux sans le sous et je me suis installé à la terrasse dun café pendant que le Castor cherchait un hôtel. Vous savez la combinaison : nous attendions de largent pour le premier septembre. Il sagissait donc de prendre la pension dans un hôtel luxueux et de nous faire tout servir à lhôtel quon ne paierait quà la fin du séjour. Mais le bon Castor ne revenait pas et au bout dune heure jétais sérieusement inquiet...Nous sommes descendus à Volo, ville sinistre. Il pleuvait, nous avons appris à la gare quil fallait sept heures pour arriver aux Météores. Cétait trop long, nous aurions manqué le bateau du lendemain et naurions pu rentrer à Athènes que le cinq au matin. Nous sommes revenus sous la pluie, un peu désespérés dans le plus grec des cafés, un hall sinistre ou quelques grecs aux yeux vides avaient lair dattendre indéfiniment (un train ou une audience) le visage morose, jetés nimporte comment sur des chaises de cuisine mais restant dans les positions les plus incommodes par paresse de faire un mouvement et trouvant le moyen au fond de leur néant de garder une mine dimportance. Cette pluie, les visages taillés à coup de serpe et barrés de dures moustaches, cette grande salle dattente, notre indécision : nous nous sommes sentis tout dun coup au fond de la Grèce, avec des épaisseurs et des épaisseurs de Grèce par dessus la tête...
Reference : 3427
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